de la même manière que l’articulation entre les territoires franciliens et le « Grand Paris » est un objet de controverses et de paris (sans majuscule), la multiplication des thématiques abordées séparément caractérise le traitement médiatique et politique du Grand Paris. Voici une contribution informée au débat, celle de Pierre Mansat, très impliqué dans Paris Métropole.
« Paris a son mot à dire sur des projets métropolitains, l’État ne peut pas décider seul » Pierre Mansat à AULH
Pierre Mansat, adjoint PCF à la mairie de Paris, en charge notamment de Paris Métropole
Sophie Robichon/Mairie de Paris
« Paris a son mot à dire sur des projets métropolitains comme la ville aéroportuaire de Roissy-Le Bourget, l’État ne peut pas décider seul », estime Pierre Mansat. L’adjoint PCF au maire de Paris en charge de Paris Métropole et des relations avec les collectivités locales d’Île-de-France juge que « le statu quo n’est plus possible » en matière de gouvernance de l’agglomération parisienne. Dans un entretien à AULH, lundi 8 mars 2010, il plaide pour « une gouvernance à géométrie variable » projet par projet, préfigurée par Paris Métropole (1). S’il reconnaît que « le processus est trop lent » dans la constitution de ce syndicat, il estime crédible l’hypothèse, dans les années à venir, « d’un Paris Métropole doté d’un certain nombre de compétences déléguées par les communes ou les intercommunalités, notamment en matière de logement ou d’aménagement urbain ».
AULH : La gouvernance actuelle de l’agglomération parisienne vous paraît elle satisfaisante ?
Pierre Mansat : Aujourd’hui le statu quo n’est plus possible. La gouvernance actuelle n’est pas adaptée à ce « fait métropolitain » qui caractérise l’Île-de-France et qui a été négligé depuis une vingtaine d’années. On ne peut plus se permettre de gâcher du foncier aux portes de Paris et aux endroits stratégiques de l’agglomération.
AULH : Est-ce parce qu’il y a trop d’acteurs ?
Pierre Mansat : Non, le problème n’est pas là. Les métropoles sont toujours complexes et se constituent d’intérêts multiples et souvent contradictoires, c’est normal. Le problème c’est qu’il n’y a pas assez d’échanges internes et externes entre les différents territoires de la métropole. Les actions sont trop territorialisées. Aujourd’hui, il y a des formes de coopération intercommunales, interdépartementales ou entre les départements et la région mais ce n’est pas suffisant. Il faut arriver à gérer au niveau métropolitain ce qui se passe entre les territoires, les dossiers qui dépassent l’intérêt d’un seul territoire. C’est ce que j’appelle « l’interterritorialité ».
AULH : Donnez-nous des exemples plus concrets…
Pierre Mansat : Prenez le projet du triangle de Gonesse et l’ensemble de la « ville aéroportuaire » de Roissy-Le Bourget. Qui doit décider de l’avenir de ces territoires ? Est-ce que ce sont seulement les communes concernées ? Je ne crois pas. Les gens qui habitent là ont, bien entendu, leur mot à dire, et il est très important. Mais ce territoire a un formidable potentiel de développement économique qui dépasse l’intérêt local. Dans ce cas là, et comme pour le quartier de La Défense par exemple, l’intérêt est clairement métropolitain. Paris a donc aussi son mot à dire sur ces dossiers et doit être pleinement entendu. L’État ne peut pas décider seul. Dans d’autres métropoles européennes, comme Amsterdam ou Francfort, la ville historique est étroitement associée au développement de l’agglomération, des aéroports et des grosses opérations d’aménagement. Il est impensable que ce ne soit pas le cas à Paris.
AULH : Davantage de coopération, c’est l’objectif de Paris Métropole ?
Pierre Mansat : Oui, la logique de Paris Métropole c’est de se fédérer. Aujourd’hui quand on ouvre le débat sur la gouvernance en Île-de-France, il s’agit toujours de réduire, de simplifier, d’unifier. Moi je pense qu’il faut plutôt mettre en commun pour pouvoir, ensuite, simplifier non pas la gouvernance mais plutôt les modes d’actions. L’objectif de Paris Métropole est donc de faire des propositions, de travailler sur des projets, de mettre en place ce que j’appelle une gouvernance à géométrie variable parce que tout le monde n’est pas forcément impliqué dans tous les projets. On doit donc travailler, projet par projet, avec des conventions, des partenariats sur mesure.
AULH : Pour l’instant Paris Métropole ressemble davantage à un club de réflexion qu’à un organe de décision…
Pierre Mansat : Aujourd’hui, Paris Métropole n’est pas pleinement satisfaisant parce qu’il n’y pas assez de collectivités membres, notamment issues de la majorité. Le processus va trop lentement mais il va instituer un axe fort. Pour l’instant, ce n’est qu’un syndicat d’études donc il n’a pas de compétence opérationnelle mais c’est un lieu de dialogue qui est nécessaire. Dans quelques années, quatre ou cinq ans peut-être, je crois à l’hypothèse d’un Paris Métropole doté d’un certain nombre de compétences déléguées par les communes ou les intercommunalités. Je pense notamment aux questions du logement, de l’aménagement du territoire, de la conception de la ville ou des déplacements urbains.
AULH : On a également le sentiment que Paris Métropole vient ajouter un échelon institutionnel supplémentaire alors que l’on assiste dans le même temps à un développement d’importantes intercommunalités en Île-de-France, comme Est-Ensemble par exemple… (AULH n°715)
Pierre Mansat : Ce n’est pas une couche supplémentaire, c’est un lieu où les collectivités peuvent se parler. Paris Métropole n’est pas une collectivité territoriale. Quant au développement de l’intercommunalité, il n’est pas contradictoire avec l’essor de Paris Métropole. Les communautés d’agglomération permettent de mutualiser les efforts et les équipements sur un bassin de population mais cela reste local. Si l’on ne prend pas en compte l’intérêt métropolitain dans les aménagements menées par les intercommunalités, on ne résout pas la question de la gouvernance.
AULH : Parlons du projet du Grand Paris. La question de la gouvernance est délaissée par le projet de loi de Christian Blanc, le secrétaire d’État au Développement de la région capitale ?
Pierre Mansat : Pas vraiment. Le texte touche à la gouvernance sans le dire puisqu’il attribue à la future Société du Grand Paris des compétences en matière de transport et d’urbanisation qui sont des compétences des collectivités ou des émanations des collectivités comme le Stif (Syndicat des transports d’Île-de-France). Il n’y a pas de modifications institutionnelles de la gouvernance mais il y a bien des changements dans les faits. Cela s’inscrit d’ailleurs dans la continuité des OIN (opérations d’intérêt national) qui déjà touchent à la gouvernance via des transferts de compétences.
AULH : Comment envisagez-vous l’articulation entre Paris Métropole et l’AIGP (Atelier international du Grand Paris) alors que Nicolas Sarkozy estime que « Paris Métropole pourrait préÿgurer une future assemblée métropolitaine » au sein de l’Atelier (AULH n°1013) ?
Pierre Mansat : Nous sommes dans l’attente d’une réunion de travail avec les services de Christian Blanc ou de l’Élysée sur cette question. De notre côté, notre position reste la même : on est favorable à un travail commun au sein de l’Atelier si la région, Paris, Paris Métropole, l’Amif (Association des maires d’Île-de-France) et les agences d’urbanisme régionales (2) sont en bonne place et si le conseil scientifique est plus large que les dix équipes ayant participé à la consultation internationale. Quant à « l’agora » ou « l’assemblée métropolitaine », personne ne sait vraiment ce qu’il y a derrière ces termes. À partir du moment où Christian Blanc considère que notre démarche est une bonne chose et que le chef de l’État nous soutient, je suis persuadé que Paris Métropole aura toute sa place dans le Grand Paris.
AULH : Vous avez été auditionné par la commission spéciale du Sénat sur le Grand Paris en même temps que Bertrand Delanoë, le maire PS de Paris (AULH n°1037). Celui-ci a notamment estimé que « la mise en place d’une communauté urbaine autour de Paris n’est pas envisageable à court terme ». Qu’en pensez-vous et qu’attendez-vous de l’examen du texte au Sénat qui débutera au début du mois d’avril ?
Pierre Mansat : La création d’une communauté urbaine dans l’agglomération parisienne n’est plus défendue par personne aujourd’hui. Bertrand Delanoë avait évoqué le sujet en 1998 avant de prendre conscience que toute avancée sur la gouvernance doit prendre en compte un cadre plus large que Paris et ses communes limitrophes.
Lors de l’audition par la commission du Sénat, il a été question de la gouvernance et du maillage territorial du métro automatique. Nous avons insisté pour que Paris Métropole ait un siège au conseil de surveillance de la Société du Grand Paris [ce qui n'est pas le cas dans l'état actuel du texte adopté par les députés le 1er décembre 2009]. Les sénateurs m’ont semblé beaucoup plus attentifs et au fait des dossiers que les députés. Avec le décalage des travaux parlementaires lié aux élections régionales, les sénateurs ont eu le temps de travailler et de mesurer les enjeux de ce texte. Le débat sera sans doute plus intéressant qu’à l’Assemblée.
(1) Paris Métropole est un syndicat mixte d’études qui réfléchit à l’avenir de l’agglomération parisienne en matière de logement, de transport et d’aménagement urbain. Créé à l’initiative du maire PS de Paris, Bertrand Delanoë, Paris Métropole compte aujourd’hui 107 membres. Il s’agit de collectivités locales d’Île-de-France, de l’opposition comme de la majorité, qui représentent plus de 5 millions d’habitants.
(2) L’IAU (Institut d’aménagement et d’urbanisme) d’Île-de-France et l’Apur (Atelier parisien d’urbanisme)
Mots-clefs :Gouvernance or not Gouvernance ?, Métropolosphère, Paris