3 Décembre 2009
Contribution de la ville de Paris portée par Pierre Mansat en vue du CA de l’EPAD du 4 décembre
Le conseil d’administration de l’EPAD se réunit le 4 décembre, notamment pour élire son président, examiner le budget et les perspectives de développement. Sur ces points, Paris a d’ores et déjà fait connaître sa position. Mais ne nous trompons pas de débat. Les questions que nous avons devant nous vont bien au-delà de la personnalité du président ou la crédibilité d’un programme de construction de 15 nouvelles tours. Elles engagent l’avenir de la Défense, son projet, en bref la place de la Défense dans la métropole parisienne.
Je crois que Paris a son mot à dire dans ce débat. Il ne s’agit pas de questions théoriques ; le projet de fusion – programmée de manière non concertée – avec l’établissement public d’aménagement Seine-Arche et l’évolution de la gouvernance de l’EPAD, nous obligent à les soulever dès maintenant.
Il est temps d’insérer la Défense dans un projet urbain renouvelé, mixte et durable
Le quartier de la Défense est un site d’exception, mais il appartient au territoire métropolitain. D’abord parce que ses tours de bureaux, visibles par tous depuis tant de points de l’agglomération et dessinant une skyline en construction, sont devenus des repères dans le paysage de tous les franciliens. Ensuite, et surtout, parce qu’elle exerce des fonctions métropolitaines essentielles, sur le plan économique avant tout, mais également commercial, culturel ou touristique.
Rappelons quelques données simples. Aujourd’hui, les immeubles de bureaux de la Défense attirent chaque jour près de 150 000 salariés, dont un quart réside dans les Hauts-de-Seine, un quart à Paris, la moitié restante se répartissant dans le reste de l’agglomération. Le quartier se trouve ainsi être le siège d’une intense mobilité, réalisée à 80 % grâce aux transports en commun.
Le choix historique du site a consisté à exploiter une position privilégiée, dans la continuité de l’axe est-ouest parisien (du Louvre jusqu’au Pont de Neuilly, en passant par les Champs-Élysées), et une exceptionnelle desserte en transports (autoroutes, ligne 1 du métro, train, RER A, autobus et tramway plus récemment), tout en se construisant selon un principe insulaire.
Cette situation est aujourd’hui à reconsidérer. La Défense n’assume pas seul le dynamisme de la fonction financière de la métropole parisienne. C’est un fait. Plus encore, pour atteindre son meilleur potentiel, la Défense doit devenir un quartier à part entière, rompre avec la logique de d’hyperspécialisation, pas seulement au nom d’une volonté de partage de la richesse, mais pour viser plus d’efficacité. Le développement en contraste absolu avec son environnement n’est plus tenable. La monoculture fonctionnelle a ainsi atteint un point de rupture qui menace, dans la durée, le dynamisme même de la Défense. Son hypertrophie ne serait qu’une fuite en avant et une prise de risque inconsidérée dans un contexte de cycles économiques fluctuants
L’insertion urbaine de la Défense a fait l’objet de nombreuses études très intéressantes (Dusapin, Castro, …) qui visent à mieux intégrer le quartier d’affaire dans son environnement en direction des centres villes de Puteaux et Courbevoie, pour corriger l’effet dalle et réduire la coupure du boulevard circulaire (dynamisation des pieds d’immeubles, diversification des activités, …). L’enjeu actuel est à présent de concrétiser ses réflexions.
En bref, je crois que nous devons nous donner les moyens de préparer le développement de la Défense, en construisant un projet urbain concerté qui articule les complémentarités avec l’environnement immédiat et renonce à la simple juxtaposition, au zoning. Qui acte, par la réintroduction d’éléments sous-développés : logements, petites boutiques, physionomie des rues, la volonté de produire une ville plus durable.
2. Relier la Défense aux autres pôles structurants de la métropole.
La Défense a tiré parti d’une position géographique en proximité de Paris. Pour se développer, ce quartier a su nouer d’étroites relations avec les acteurs et les tissus économiques performants de la capitale dont il constitue un prolongement et des communes voisines. Comme le rappellent justement Daniel Béhar et Philippe Estèbe, les affaires et la finance ne sont plus désormais « l’exclusivité du pôle de la Défense mais l’attribut de tout l’Ouest parisien ».
Il y a aujourd’hui deux impératifs majeurs pour le développement de la Défense : faire le choix de la mise en réseau de la Défense, en affirmant des liens avec les nouveaux pôles économiques métropolitains comme Mantes, Cergy, Paris Nord Est, Pantin, Fontenay… Ce sont autant de bassins d’emplois, de formation, de services nécessaires au développement de la Défense. Et ne pas occulter Paris en s’inscrivant dans une logique stérile concurrentielle.
Occulter la place de Paris serait une grave erreur. L’attractivité de la Défense ne saurait se construire contre Paris qui est aujourd’hui, la première place financière Française (regroupant près de 25% des salariés de la finance, contre 20% à La Défense). La mixité du tissu économique parisien (1er employeur parisien le tourisme, 2ème employeur le secteur banques/assurances mais aussi les commerces, les métiers de la création, les jeunes entreprises innovantes…) est un atout majeur pour la place financière qui participe au développement en proximité de toutes les entreprises. La dynamique économique n’est pas toujours simplement polaire et centrée : elle est ici plutôt linéaire et multipolaire. Il faut donc penser ce lien organique et réciproque (30 % des salariés de la Défense viennent de Paris) et non le dissoudre.
L'Université de Paris Dauphine est un bon exemple de la différence entre la logique de réseau multipolaire que nous défendons et la logique insulaire et unipolaire qui est celle de l'Etat. La ville de Paris soutient la démarche du Président et du conseil d'administration de Dauphine en faveur d'une double implantation à Paris et à la Défense, dans un esprit de campus urbain ouvert sur la ville, tandis que l'Etat par la voix du Président de la République envisage un transfert pur et simple, ce qui veut dire non seulement dépouiller Paris de l'une de ses universités mais surtout empêcher celle ci de déployer une logique de campus avec des zones de spécialités (finance, gestion, mathématiques, etc.) et une mise en réseau des différentes fonctions d'enseignement et de recherche.
Au-delà de La Défense, la stratégie de la métropole parisienne doit être d’accroître le potentiel de développement de l’ensemble de l’agglomération en renforçant les réseaux de transport, les pôles de compétitivité, en réalisant un urbanisme plus dense et mieux équilibré.
Au moment de la consultation internationale sur le Grand Paris, l’équipe de Christian de Portzamparc avait utilisé le concept du rhizome pour « décrire non un territoire, non un espace mais un organisme pluriel avec des membres distincts, différents mais liés. Du rhizome, La Défense possède la caractéristique d’être une résurgence du « triangle d’or » parisien et également de produire des effets de diffusion inédits, au sud le long des bords de Seine vers Issy et maintenant à l’ouest vers Poissy et Argenteuil / Bezons. », à l’Est depuis Paris rive Gauche, au Nord autour de Pantin. De fait, la structuration de l’agglomération permet de positionner des pépinières ou back offices très importants à Cergy ou au Val de Fontenay. A leur tour, ces implantations ne peuvent être isolées. Les réseaux numériques permettent aujourd’hui des résurgences dans des territoires plus lointains encore et la Défense comme Paris, Achères, Cergy…regarde aussi vers Rouen et Le Havre. On le voit cette dynamique économique globale engendre par dissémination ou par complémentarité des dynamiques locales associées : c’est ce que l’on peut appeler une logique métropolitaine. C’est au sein de cette toile que la Défense trouve son équilibre économique et son attractivité dans un schéma d’interdépendance : un système opportuniste, qui va chercher à Paris son label et son paysage, à Fontenay son foncier économique, à la Défense l’image de la modernité et d’un entre soi. Le rapport de la CCIP en 2007 le montre : le système Paris–La Défense se complète par celui des espaces de résidence où le logement se développe. Il prend ainsi en compte le fait que le développement et l’attractivité de la Défense sont étroitement liés à la proximité de la capitale, proximité d’ailleurs pleinement assumée par les entreprises à travers le choix de l’adresse postale « Paris-La Défense ».
Pour que la Défense demeure un territoire exceptionnel, il ne faut pas acter un régime d’exception, il faut engager la transformation en profondeur de la place de la Défense dans la métropole. C’est à l’aune de ces débats, que les questions d’actualité doivent être tranchées. L’avenir de la Défense se joue dans son ancrage territorial plus vaste, dans sa capacité à rétablir de la continuité urbaine, à s’inscrire dans les dynamiques du territoire. C’est un choix politique et non une simple question de gestion.
Il appartient aux élus, concernés par la Défense, de proposer leur vision de l’avenir de ce territoire. Paris soutiendra le seul candidat à même de porter une vision de la Défense porteuse d’un véritable projet urbain équilibré. La ville de Paris continuera à s’opposer à une fusion qui ignore la volonté des collectivités, engage la Défense dans une concurrence absurde et stérile avec Paris, développe les surfaces de bureau sans chercher à développer une véritable mixité fonctionnelle.
Enfin, je souhaite que la ville de Paris reste dans la gouvernance de la Défense, comme c’est le cas depuis 1958, afin de développer les complémentarités entre les territoires et de contribuer à trouver dans un travail collectif les moyens innovants et éthiques du maintien de notre métropole dans la place internationale.