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Pierre Mansat et les Alternatives

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Grand Paris : Christian Devillers "Pour un gouvernement de l'agglomération parisienne

Christian Devillers m'a fait passer cette contribution au débat " Grand Paris / Paris Métropole"

Pour un gouvernement de l'agglomération parisienne

Christian Devillers architecte urbaniste 

Paris reste une des capitales les plus riches et les plus attractives du monde, mais elle ne parvient ni à mener une politique économique capable de ralentir la chute de ses emplois, ni à s'opposer efficacement à la hausse foncière qui exclut la majorité de sa propre population et aggrave la crise du logement. Sa politique de réduction de la place de la voiture n'est possible que parce qu'elle dispose intra-muros d'un des meilleurs réseaux de transports en commun du monde mais elle se traduit là. encore par une exclusion de la banlieue très sous-équipée en la matière.

Paris possède encore assez d'espace pour développer quelques nouveaux quartiers (Nord-Est, Bercy, Héliport...) auxquels il faudrait donc donner un rôle stratégique à l'échelle de l'agglomération mais aucune des difficultés évoquées ci-dessus ne peut trouver une solution durable à l'intérieur de son territoire. La proche banlieue a profité de la saturation de Paris mais son développement reste très inégalitaire. Malgré l'émergence de quelques territoires comme la Plaine Saint-Denis les déséquilibres se renforcent. La Seine Saint-Denis a la population la plus pauvre de France métropolitaine, les communes de l'est parisien sont de plus en plus déficitaires en emplois, aggravant ainsi la saturation des réseaux de transports vers l'ouest, les villes nouvelles peinent à trouver un deuxième souffle. Comparée aux grandes métropoles mondiales, Paris sans son agglomération fait figure de nain prestigieux et de belle destination touristique.

Pourtant l'agglomération parisienne reste la plus productive et la plus créatrice de richesse du pays et les difficultés évoquées ci-dessus pourraient trouver sinon une solution au moins une amélioration dans une politique urbaine appropriée. Contrairement à une idée reçue ce n'est pas l'espace qui manque dans de l'agglomération mais la capacité à le mobiliser et à développer des projets.

L'agglomération vit toujours sur le schéma directeur d'aménagement de la Région parisienne (1964) auquel on doit l'essentiel des infrastructures (RER, routes, villes nouvelles...). Depuis les années 80 elle connaît ce qu'on pourrait appeler une vaste régression démocratique dont le point d'aboutissement est le SDRIF. Les villes se sont réapproprié leur territoire et la démocratie y a gagné, les nouveaux départements se sont forgé une identité mais le repli local n'a jamais été aussi fort et les politiques municipales privilégient la satisfaction des besoins des résidents actuels. Par exemple tout le monde reconnaît qu'il est urgent de construire plus de logements et vante les mérites de la ville " compacte " mais beaucoup de PLU réduisent de fait les coefficients d'occupation du sol. " Not in my backyard " !

La nécessité d'un gouvernement d'agglomération efficace ayant une légitimité démocratique, le pouvoir de planifier et les moyens de réaliser les grands investissements nécessaires, relève donc de l'évidence mais sa création est loin d'être inéluctable tant elle se heurte aux inquiétudes de ceux qui pensent avoir quelque chose à perdre dans le partage et de ceux qui craignent d'être dépossédés de leur identité, de leur liberté d'action, voire de leur existence. II est vrai que la banlieue n'a pas gardé que des bons souvenirs d'un gouvernement central et parisien qui après avoir annexé ses faubourgs ouvriers a considéré la périphérie comme un territoire servant où rejeter les équipements, les infrastructures et enfin les populations qui n'avaient plus leur place dans Paris et l'Ouest parisien, pour finalement créer les villes nouvelles au-delà de cette ceinture rouge qu'il ne contrôlait pas. Le problème est plus que politique : on n'effacera pas l'histoire des rapports de Paris et de sa banlieue et on ne pourra créer un gouvernement d'agglomération que s'il représente les intérêts de tous et non plus celui d'un centre élargi. C'est pourquoi l'idée d'un grand Paris limité à la première couronne (78 communes) est digne du 19ème siècle et non du 21ème On reste dans la problématique de l'annexion par un centre hégémonique. En l'adoptant on se heurterait à la résistance des collectivités locales qui n'entendent pas abandonner une identité souvent conquise contre Paris pour un plat de lentilles fiscales. 

Un grand Paris contenu dans la A86 -- limite encore plus arbitraire que le boulevard périphérique -- n'aurait aucun sens géographique. Un simple regard sur la carte montre que l'agglomération parisienne va jusqu'à la Francilienne avec des extensions le long des vallées de la Seine jusqu'à Melun et Mantes-la-Jolie, de l'Oise jusqu'à Creil, de la Marne jusqu'à Meaux. Cette agglomération inclut bien entendu les villes nouvelles, les aéroports, les opérations d'intérêt national (Seine-Amont-Orly ; Seine-Aval ; Massy-Saclay...). Sa planification doit être coordonnée avec celle des territoires franciliens qui l'entourent afin de garantir la préservation de leurs ressources naturelles et leurs équilibres sociaux et économiques.

Cette définition de l'agglomération correspond à la vie réelle de ses habitants et notamment à leurs déplacements quotidiens ou occasionnels, elle est à l'échelle de toutes les politiques urbaines stratégiques : les transports, le foncier, le logement, la solidarité, le développement économique et notamment celui des grands pôles structurants, l'environnement. Cette définition de l'agglomération est aussi à l'échelle des grandes métropoles mondiales.

Paris devrait continuer à lui donner son nom (comme le Grand Londres, le Grand Lyon...) et y jouer un rôle essentiel, ne serait-ce que par son attraction et son rayonnement international mais deviendrait minoritaire en termes démographiques et politiques. 

Du coup les identités locales - celle du " 9-3 " comme celle de Boulogne-Billancourt ou d'Evry pourraient ne pas entrer en contradiction avec un gouvernement d'agglomération qui pourrait avoir une structure fédérale et laisser une certaine autonomie à l'échelon local. L'expérience des communautés urbaines françaises qui fonctionnent bien montre qu'en matière d'urbanisme certaines politiques gagnent à être menées à l'échelle de l'agglomération : les grands projets, les transports, et d'autres pas (ex : l'aménagement du centre d'une des villes de l'agglomération). Certaines de ces grandes communautés souhaitent évoluer vers une représentation démocratique par un parlement et un président élus au suffrage universel direct. 

La Décentralisation puis les lois sur les intercommunalités ont multiplié inutilement les niveaux institutionnels, mais, la création d'un gouvernement de l'agglomération parisienne pourrait être l'occasion d'une refonte. L'Agglomération parisienne n'est pas la Région Ile-de-France, moins pour des raisons géographiques (l'étendue de l'agglomération se rapprochant de celle de la région) que pour des raisons politiques. La Région n'a ni la visibilité démocratique ni les pouvoirs d'un gouvernement d'agglomération. Par ailleurs les régions françaises sont trop petites à l'échelle européenne. Il faudrait remplacer la Région Ile-de-France par l'Agglomération parisienne et par une Région du Bassin Parisien qui irait de la Somme à la Loire et de la Normandie à la Champagne incluses.

Les départements créés sous le général de Gaulle ont acquis une identité politique et territoriale forte. En revanche l'application de la loi sur les communautés de communes ou d'agglomération a particulièrement mal fonctionné en région parisienne. Rares sont celles qui comme Plaine Commune ont un territoire cohérent et un projet commun. A l'inverse la stagnation de Seine-Amont s'explique en partie par l'absence d'un portage politique à travers une communauté rassemblant les villes importantes de ce territoire. Autant l'agglomération de Rennes voire celle d'Evry est facile à cerner autant le découpage intercommunal est à priori arbitraire au sein d'une grande agglomération et tourne par conséquent à l'arrangement politicien. Il y aurait là une idée à développer : celle de " communautés de projets " qui pourraient se mettre en place pour que les grands projets de développement de l'agglomération soient fortement enracinés dans la démocratie locale. 

Un gouvernement d'agglomération pourrait mener une politique d'aménagement dynamique, équitable et durable en s'appuyant sur une mutualisation progressive des ressources fiscales. Ses enjeux principaux sont la lutte contre l'exclusion sociale et territoriale, la maîtrise foncière clé d'une politique de logement, une politique de développement économique à la hauteur des enjeux de la compétition mondiale (tertiaire, Recherche, nouvelles technologies) et des besoins locaux (économie résidentielle, services, emplois peu qualifiés, etc...), le développement d'un réseau de transport moderne équivalent à celui de Paris, la maîtrise de l'environnement (liée aux transports, aux densités bâties, à la gestion de l'eau, à la lutte contre les pollutions et le gaspillage énergétique...), 

Deux grands types d'actions pourraient relier ces thèmes entre eux : les nouvelles centralités et les grands projets de développement d'une part, la relance d'une grande politique foncière au profit du logement et de la lutte contre les ségrégations, d'autre part.

La création de nouvelles centralités urbaines et économiques est la condition du " desserrement " de la capitale, au profit du rééquilibrage à l'est et au nord par la création de valeur (liée à l'implantation d'emplois tertiaires, d'équipements et de logements) dans des territoires qui offrent de grandes potentialités foncières et dont les infrastructures existent mais demandent à être rénovées. La synergie de ces potentialités avec l'image internationale de Paris est essentielle. Les territoires sont identifiés : la Plaine Saint-Denis entre Plaine de France, Roissy et Paris Nord-Est ; l'axe Paris Rive-Gauche - Seine-Amont - Orly - Evry ; l'ensemble Massy, Saclay, Saint-Quentin et enfin Cergy, le Mantois, Seine-Aval. D'autres présentent des contours plus flous mais des besoins aussi grands comme les communes de l'Est parisien (ACTEP) et Marne-la-Vallée.

Parmi ces sites, certains comme Orly-Rungis ou Saint-Denis-Aubervilliers ont la capacité à devenir des " Défenses ", c'est-à-dire des pôles tertiaires très puissants capables d'entraîner le développement économique et urbain de leurs territoires (rappelons que ce type de politique a été menée de façon volontariste et avec succès à la Défense, à Paris-Rive-Gauche, et dans de nombreuses villes européennes).

Créer de la valeur dans des sites de reconversion industrielle est une façon d'apporter les services urbains aux populations éloignées du centre actuel tout en diminuant la rareté du foncier valorisé. Le pendant de cette politique de centralité et de développement économique doit donc être la relance d'une grande politique foncière au service d'une politique de logement qui concilie la quantité et la qualité urbaine et architecturale. Dans les dix dernières années la solvabilité des ménages a beaucoup augmenté grâce aux faibles taux d'intérêts permettant ainsi une relance de la construction de logements. Pourtant la qualité de la construction, son industrialisation, ses performances environnementales, la surface des logements, la quantité de logements sociaux n'ont pas augmenté. La manne apportée par la solvabilité des ménages a été dévorée par les bénéfices des entreprises de la filière mais surtout par la hausse considérable du foncier ; en pure perte sauf pour les propriétaires ou les spéculateurs. La responsabilité en incombe largement à la puissance publique qui n'a mené aucune politique foncière, échaudée qu'elle était par ses déboires passés dans ce domaine et paralysée par la décentralisation ; alors que les taux bas permettaient justement un portage foncier, dans de bonnes conditions. La politique foncière et la politique du logement sont profondément liées et ne peuvent être menées efficacement qu'à l'échelle de l'agglomération. Elles permettront notamment de juguler les risques mortels pour la ville de demain, la régression économique et l'exclusion qui conduisent à la destruction du tissu social.

Christian Devillers - 30 novembre 2007 pour la revue Echanges et Opinions

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