28 Juillet 2007
Grand Paris
Jean-Paul Huchon : « Respecter la décentralisation et la démocratie »
Le président (PS) de la région fait le point sur le schéma d’aménagement francilien, après les injonctions de Nicolas Sarkozy qui voudrait prendre en main son avenir.
Trois ans de concertation ont été nécessaires pour construire le schéma régional pour l’Île-de-France (le SDRIF). Quels en sont les axes forts ?
Jean-Paul Huchon. C’est la première fois qu’une région peut adopter un plan de développement sur trente ans. Plus de 400 réunions suivies par Mireille Ferri, vice-présidente de la région en charge du schéma, près de 50 000 personnes consultées puis, en octobre, une enquête publique qui permettra à onze millions de Franciliens d’être en direct avec les propositions du schéma. C’est là le premier acquis. Ce n’est pas un schéma qu’on a infusé avec trois technocrates et deux ministères, mais une perspective d’aménagement construite en consultant les élus, les associations, les syndicats, le patronat, les chambres de commerce… donc une élaboration démocratique.
Avec quelles préconisations fortes ?
Jean-Paul Huchon. Il y a la densification de l’habitat autour des pôles d’activités et des gares afin de réduire les temps de trajet et de rendre la vie plus facile aux Franciliens. Concentrer l’habitat là où il peut l’être encore, au centre des pôles urbains et autour des villes nouvelles. Nous voulons construire 60 000 logements par an. Il ne suffit pas de sauter sur sa chaise en criant : « Le logement ! le logement ! » mais de libérer, comme nous le voulons, des terrains. Nous faisons le pari de la densification raisonnée pour éviter la dispersion dans les espaces ruraux et sauvegarder les espaces verts et l’environnement
Vous parliez de pôles de développement, mais qu’en est-il du rééquilibrage est-ouest ?
Jean-Paul Huchon. Comme nos efforts pour le logement, celui pour le développement économique permettra un rééquilibrage vers l’est et le nord et même vers le sud avec le pôle d’Orly. Nous favoriserons le développement des universités, des pôles de recherche autour des pôles de compétitivité. La Défense (3 % des emplois en Île-de-France) ne peut tirer à elle seule la croissance de l’économie de la région. Et sur la question des transports, particulièrement sensible ? Jean-Paul Huchon. Nous avons prévu un schéma de développement en trente ans dont le principal objectif est les trafics de banlieue à banlieue. Nous réaliserons de grandes tangentielles au nord et au sud. À l’ouest, c’est déjà en cours avec la rocade de tramway, qui sera achevée quand le T2 et le T1 auront été prolongés. Les travaux démarreront dès 2007, jusqu’à 2011. Enfin des lignes de métro seront prolongées pour mailler complètement le trafic. Nous améliorerons les RER (A, B, C et D) et nous envisageons la fameuse rocade arc-express qui est la version val-de-marnaise et alto-séquanaise du « métrophérique ».
À la fin de juin, Nicolas Sarkozy a déclaré vouloir, avec son « grand Paris », prendre les choses en main sur le devenir de la région. Au début de juillet, François Fillon vous a demandé de suspendre l’enquête publique… *
Jean-Paul Huchon. J’ai vu le premier ministre et je l’ai convaincu qu’il n’était pas possible d’arrêter l’enquête publique. Elle ira à son terme et sera suivie d’un vote définitif du conseil régional, probablement après les élections municipales. Ensuite, il sera de la responsabilité de l’État de valider le SDRIF. Entre-temps je m’efforce de rapprocher nos choix de ceux de l’État
Pourquoi une telle intervention de l’État ?
Jean-Paul Huchon. C’est une conception extrêmement bonapartiste de l’aménagement du territoire, qui fait fi de la décentralisation et de la démocratie. Je dois dire que le groupe communiste au conseil régional et l’ensemble de la majorité ont réagi de façon extrêmement ferme face à cette intervention de l’État. Nous avons conduit le débat avec une démarche de négociation de part et d’autre et nous sommes prêts à poursuivre.
Lesquelles précisément ? Jean-Paul Huchon. Par exemple la Défense, un sujet sur lequel le gouvernement Sarkozy est très accroché. Nous avons prononcé un avis négatif car trois choses n’étaient pas prises en compte : 1º le rééquilibrage d’autres pôles à l’est, 2º des logements en nombre suffisant pour les travailleurs, 3º la présence de transports publics pour éviter la saturation complète. Discutons-en. Nous sommes favorables à la modernisation de la Défense. Mais opérer son extension sans penser à l’est, ni au logement, ni au transport, ça ne tient pas debout. Par ailleurs le gouvernement met en avant comme difficultés les opérations d’intérêt national comme Saclay, Seine-amont ou Seine-aval. Mais nous en sommes partie prenante, y compris financièrement ! Écoutons les habitants et il n’y aura pas de difficulté. Les seuls sujets qui restent conflictuels, ce sont les autoroutes 12 et 104 dont nous ne partageons ni le principe ni le tracé, sans parler de la RN13 à Neuilly. À l’État de dire ce qu’il veut faire…
Le SDRIF a été élaboré dans le même temps où fut lancée, par Paris, la conférence métropolitaine. Sont-ce des projets qui s’opposent ou qui se conjuguent ? Jean-Paul Huchon. Ce sont deux démarches complémentaires. La conférence métropolitaine figure en toutes lettres dans le SDRIF. Il n’y a donc pas de difficulté. D’ailleurs, Bertrand Delanoë, maire (PS) de Paris, s’est beaucoup investi pour que le SDRIF soit adopté par le Conseil de Paris. Nous avons travaillé avec le maire de Paris et avec Pierre Mansat, adjoint au maire (PCF) en charge de ces questions, pour prendre en compte les problématiques de ce qu’on appelle la zone dense, constituée par Paris et sa proche banlieue.
Après les votes des conseils généraux, dont cinq ont voté pour le SDRIF (Paris, Val-de-Marne, Seine-Saint-Denis, Essonne et Seine-et-Marne), trois contre (Hauts-de-Seine, Yvelines et Val-d’Oise), quel rendez-vous donnez-vous à la rentrée aux Franciliens ? Jean-Paul Huchon. Durant l’enquête d’utilité publique et jusqu’à sa clôture, à la fin de décembre, nous n’avons pas la possibilité légale de changer le schéma. Nous poursuivrons cependant la concertation pour modifier ensuite le schéma sur tel ou tel point qui apparaîtrait fortement lors de l’enquête. J’invite les Franciliens à s’investir dans ce débat.
Entretien réalisé par Max Staat
Paru dans l'Humanité du 27 juillet