1 Septembre 2007
Vous trouverez ci dessous le texte de l'intervention de Bertrand Delanoë au Conseil de Paris mon intervention et celle de Jean Pierre Caffet ( adjoint chargé de l'urbanisme ) en réponse aux orateurs des groupes politiques.
Bertrand Delanoë
Mes chers collègues, Nous examinons aujourd’hui le Schéma Directeur de la Région Ile de France (SDRIF), afin de rendre un avis sur ce projet très important. En effet, celui-ci dessine les grandes lignes de l’aménagement du territoire francilien, à l’horizon 2030. Je veux d’abord souligner que sous l’autorité de Jean-Paul Huchon, ce document a donné lieu à une vraie concertation avec les Franciliens, toutes les collectivités d’Ile-de-France, les régions voisines et bien entendu l’Etat. Personne ne découvre donc son contenu, qui est le fruit de trois années de travail très exigeant. Ce projet de Schéma directeur réserve une place particulière au cœur de l’agglomération. Cet espace social où tant de Franciliens habitent ou travaillent, est désormais pris en compte de façon spécifique dans les projections de la Région. C’est une bonne chose, car d’évidence, ce qu’on appelle la « zone dense » légitime une approche ciblée, pour dépasser notamment les déséquilibres entre l’est et l’ouest. Précisément, ce document s’articule autour de trois objectifs majeurs : favoriser l’égalité sociale et territoriale, répondre aux grandes mutations liées notamment au défi environnemental et développer une dynamique économique qui serve le rayonnement régional sur la scène internationale. Nous approuvons totalement cette démarche, ainsi que les engagements auxquels elle aboutit. Je citerai en particulier la volonté affichée de construire 60 000 logements par an en Ile de France. Dans cette optique, nous souhaitons aller au-delà de l’objectif fixé à Paris, à savoir 20% de logements sociaux. En effet, si les contraintes foncières de l’espace parisien nous distinguent de nos voisins, nous plaçons néanmoins la barre à 25% de ces logements d’ici 2030. Notre soutien à ce projet de SDRIF repose en outre sur le constat d’une réelle convergence entre les ambitions régionales et les grandes lignes de nos Plan Local d’Urbanisme et Plan de Déplacements. Par exemple, comment ne pas mentionner l’accent qui est mis sur la résorption de l’habitat dégradé, l’équilibre Emplois/lieu de résidence, le recours et le souci d’une meilleure répartition de logements afin de limiter les déplacements automobiles quotidiens ? Ce dernier point s’accompagne, plus largement, d’une volonté de rééquilibrage dans l’implantation des services et des équipements. C’est là, incontestablement, un outil stratégique au service de la cohésion sociale. Ainsi, ce Schéma directeur prévoit de mieux accompagner les nouvelles opérations d’urbanisation et de définir des programmes diversifiés avec du logement, des services publics, des activités et des commerces de proximité. Concrètement, cette position renforce notre département dans les actions d’ores et déjà engagées dans le cadre de la politique de la Ville, qu’il s’agisse de bibliothèques, d’équipements sportifs, d’espaces verts ou de lieux d’accueil de la petite enfance. Très complet, ce Schéma directeur a cependant fait l’objet de critiques récentes et inattendues du Président de la République. Pourtant, la loi est claire, elle confie à la Région, le pilotage exclusif de ce projet. Et sur le fond, nous n’avons entendu aucun argument précis justifiant cette mise en cause. Aucun engagement non plus. L’Etat est-il prêt à mobiliser des moyens supplémentaires - et si oui, dans quelles proportions - pour développer les transports collectifs en Ile de France ou financer davantage de logements sociaux ? A ce jour, pas de réponse. Alors, pourquoi faudrait-il renoncer à ce SDRIF et balayer d’un revers de la manche trois années d’élaboration sérieuse ? Que certains départements, tels les Hauts de Seine, expriment un avis défavorable, c’est leur droit. Mais les réserves d’une minorité ne peuvent s’imposer à une délibération majoritaire ! Rien, à nos yeux, ne peut raisonnablement interrompre brutalement, et de façon unilatérale, un processus aussi indispensable.
Seule, une approche réellement démocratique peut permettre des avancées utiles. Et bien entendu, la remarque s’applique à la problématique institutionnelle, également évoquée par le Chef de l’Etat.
Le sujet est-il tabou ? Absolument pas. J’ai toujours dit ma disponibilité pour l’évoquer, dans l’honnêteté intellectuelle. Mais pour cela, revenons un instant sur la méthode choisie. J’ai rencontré le président de la République depuis son entrée en fonctions, notamment lorsque nous l’avons accueilli à l’Hôtel de Ville.
Chaque fois, il m’a fait part de son souhait que, dans le respect de nos différences, nous puissions entretenir un dialogue constructif sur des sujets d’intérêt commun. Or, j’observe qu’avant son intervention du 26 juin - et même depuis - il n’a pas jugé utile de m’informer ou d’informer les autres élus des collectivités concernées. Or comment imaginer que dans notre République, où l’autonomie des collectivités locales est pourtant proclamée, une éventuelle communauté de l’agglomération parisienne puisse découler d’un simple comité interministériel ?! Aucune évolution de notre agglomération ne peut se concevoir sans que les élus soient placés au cœur d’une telle ambition. C’est avec eux qu’il faut inventer un tel projet !
Car poser la question institutionnelle comme un préalable, me semble être une erreur. Attention, en effet, de ne pas ignorer l’Histoire et ce qu’elle nous livre comme enseignements. Avant 2001, les relations entre Paris et les communes de l’agglomération ont été marquées par des décennies de mépris de la part de notre capitale. J’en ai pris la mesure quand, élu de l’opposition, j’avais moi-même proposé la création d’une communauté urbaine. Les réactions très vives des maires des communes environnantes, quelle que soit leur tendance politique, m’avaient alors éclairé sur la nécessité de restaurer avec elles une relation de confiance et de partenariat. C’est ce que nous avons entrepris, dès le début de cette mandature. Puis dans le même esprit, la conférence métropolitaine est née il y a un an, à l’initiative d’une quinzaine de maires de toutes sensibilités politiques. Cette nouvelle structure constitue un lieu inédit où, selon les réunions, 50 à 70 collectivités échangent, confrontent leurs points de vue et recherchent des solutions communes aux grands enjeux de notre territoire, qu’il s’agisse des déplacements, du logement, ou bientôt, du développement économique. Et j’y insiste : contrairement à ce qu’affirmait récemment un élu régional de l’UMP, ce n’est pas du « bi-latéral » entre Paris et ses interlocuteurs : c’est bien une synergie collective. De même, comment comprendre l’attitude de l’UMP Paris qui a appelé à boycotter (c’est une habitude !) les travaux de cette conférence, sans d’ailleurs être tout à fait entendue ? Curieuse conception : les mêmes qui aujourd’hui prétendent « décréter » la création d’une communauté urbaine, désertent un lieu où les élus se retrouvent pour traiter ensemble des enjeux de l’agglomération ! Eh oui, si l’on veut vraiment entreprendre collectivement, il est pourtant nécessaire de dialoguer et d’agir au-delà des seuls membres de sa propre famille politique. La légitimité de chacun doit donc être respectée. De même que les diversités institutionnelle, géographique et politique qui caractérisent cet espace. Je pense notamment à la Région qui occupe une place tout à fait stratégique en Ile-de-France. Toute réforme visant à l’affaiblir serait une faute, source d’enlisement. Et je pense aussi à Paris car toute tentation visant l’unité même de notre collectivité, serait assimilable à une agression politicienne. Je le dis en passant, car je crois savoir que nombre de scénarii, sont aujourd’hui à l’étude dans certains cercles gouvernementaux. Aux meccanos destinés à contourner le choix du suffrage universel, nous préférons la loyauté à l’égard des citoyens. Et plutôt que des décisions imposées par le pouvoir central, nous prônons un dialogue constructif, respectueux de chaque acteur démocratique. C’est dans cet état d’esprit que nous abordons les mois à venir, avec la volonté de contribuer, plus que jamais, à l’échange, au partenariat, et au progrès au sein même de notre agglomération. Le débat d’aujourd’hui répond d’ailleurs pleinement à une telle préoccupation, puisque le Schéma directeur qui nous est soumis illustre un projet ouvert, dès l’origine, à des contributions diverses et utiles. Son résultat est positif et recoupe les options économiques, sociales et environnementales de notre département. Ainsi, en approuvant, mes chers collègues, ce projet de Schéma directeur de la Région Ile de France, vous doterez notre espace commun d’une feuille de route ambitieuse et opérationnelle, au service d’un avenir qu’il nous revient d’écrire ensemble !
_____________________________________________________________________
Pierre Mansat
Je pense que tout le monde constate à la fois la qualité du débat et l'ampleur des contributions qui sont versées à la réflexion du Conseil régional et, plus généralement, dans le débat public, à partir des initiatives prises par le Président de la République, même si, bien sûr, dans le débat, il y a des expressions extrêmement schématiques ou marquées d'une certaine mauvaise foi tendant à nier pour une part la réalité du S.D.R.I.F., la réalité de l'implication de la Municipalité parisienne et la réalité du mouvement politique qui affecte l'ensemble de la Région autour de ce que l'on appelle aujourd'hui le Grand Paris. S'agissant du S.D.R.I.F., je voulais souligner, comme de nombreux orateurs l'ont fait et je vous demande de me pardonner de ne pas les citer dans ma réponse, l'intensité du travail depuis trois ans, sous la direction de la Région, en partenariat avec l'Etat, qui impliquait, contrairement à ce que certains ont dit, l'ensemble des acteurs (les collectivités, les chambres conciliaires, les organisations syndicales et les associations de toute nature), à travers des débats et des ateliers, dans tout le territoire, réunissant des milliers d'experts ou de citoyens anonymes de la Région Ile-de-France. Je citerai également le C.E.S.R. qui a joué un rôle très important dans ce travail. On ne peut donc pas dire que l'ensemble des acteurs n'ait pas été associé à la fois à l'évaluation de la situation précédente et au travail d'élaboration.
Pour ce S.D.R.I.F., nous nous prononçons sur l'avis porté par la collectivité parisienne et cet avis souligne le fait que ce schéma directeur, d'une certaine façon, et c'est Georges SARRE qui l'a dit, renouvelle aussi l'analyse de la situation de cette Région Ile-de-France, Région dont on souligne tous l'extrême productivité, sa capacité à produire énormément de richesses et, en même temps, les importants défis auxquels elle est confrontée, des défis d'inégalité sociale terribles, y compris dans le cœur de l'agglomération, y compris à Paris, des défis d'inégalité territoriale, des défis environnementaux considérables et donc des besoins tout à fait extraordinaires.
Ce renouvellement de l'analyse et de la vision de notre territoire s'accompagne aussi d'une vision nouvelle du type de développement que la Région et les collectivités souhaitent mettre en œuvre, c'est-à-dire le type de développement qui n'oppose par l'attractivité, la dynamique économique aux enjeux environnementaux de lutte contre le dérèglement climatique, aux enjeux considérables dans ce domaine. Il fait même de la question de la résorption des inégalités sociales, des inégalités territoriales, des enjeux énergétiques et des enjeux climatiques des clés du développement et de ces mêmes compétitivité, attractivité et efficacité économiques.
Ensuite, ce S.D.R.I.F. renouvelle également l'approche et la vision territoriale. Dans cette affaire, pour ce qui est de la contribution parisienne, contrairement à ce qu'ont affirmé les orateurs de l'U.M.P., Paris n'est pas pour rien dans cette vision renouvelée du territoire d'Ile-de-France. C'est Paris qui a porté cette vision que l'on a appelée "zone dense". Ce sont bien la Municipalité parisienne et les élus parisiens qui ont défendu la mise en évidence, au cœur de cette grande région, en lien avec l'ensemble du bassin parisien et même beaucoup plus loin, de l'existence d'un cœur particulièrement dense, imbriqué, complexe, au sein duquel, bien sûr, existent les mêmes inégalités que je soulignais tout à l'heure. Mais, c'est un cœur qui, lui aussi, n'est pas le même que celui que beaucoup ont décrit. Je pense qu'il y a, chez certains, la foi des nouveaux convertis qui découvrent des choses, mais avec beaucoup de retard. L'agglomération n'est plus l'agglomération parisienne d'il y a trente ou quarante ans. Le cœur, cette zone dense, est très différent de ce qui existait, il y a trente ou quarante ans. D'abord, il déborde largement les trois Départements qui entourent Paris. Il va bien au-delà et les flux qui se constituent sont très différents de ce qui existait auparavant. Le cœur n'est plus un cœur dominateur qui attire absolument tout. Au contraire, se sont constituées des polarités extrêmement fortes qui entretiennent des flux et la Ville est en train de se transformer profondément, de faire système, système au sein duquel Paris joue un rôle tout à fait essentiel.
Je voudrais relever une contrevérité absolue. Au regard du S.D.R.I.F. précédent, celui de 1994, Paris était une tâche blanche. C'était chacun chez soi et les vaches étaient bien gardées. On se refusait, du point de vue de ceux qui dirigeaient Paris à l'époque et de ceux qui dirigeaient la Région, à considérer le rapport entre Paris et l'ensemble de la Région... Et c'est ce qui a changé avec ce S.D.R.I.F., à la fois avec le pilotage de la Région, le point de vue régional, le point de vue de la Municipalité parisienne et de nombreux élus du cœur de l'agglomération. Paris n'est plus cette tâche blanche, bien au contraire. Paris retrouve sa place, son dynamisme, parce qu'il est au cœur de ce système et qu'on lui fait la place et que le S.D.R.I.F. reconnaît la place motrice de Paris dans le développement de la zone dense, mais aussi de l'ensemble de la Région. Il lui fait sa place tout en reconnaissant que c'est dans un rapport nouveau, avec l'ensemble des pôles qui se sont constitués, que Paris justement peut continuer d'exercer ou de renouveler son rôle dynamique au profit de l'ensemble de la zone dense et de l'ensemble de la Région. C'est bien ce que Paris a développé. C'est la première fois, je souhaite le souligner, que Paris ose sortir de son périmètre pour affirmer une vision qui n'est pas étroite, enfermée dans le périphérique, dans les limites administratives parisiennes. On ne peut pas à la fois dire tout et son contraire, reprocher au Plan de déplacements justement d'essayer de se projeter à l'échelle pertinente et après lui reprocher d'avoir essayé de le faire et de s'appuyer sur des critiques infondées qui lui ont été faites. De la même façon, la contribution de l'Exécutif parisien au Schéma directeur de la Région Ile-de-France est pour la première fois une vision renouvelée de ce rapport de Paris avec le cœur de l'agglomération qui fait la part belle, je dirais, au développement de centres extrêmement importants dans la zone dense, en lien avec Paris, pôles importants qui peuvent se développer, notamment grâce à leur continuité avec Paris, ce qu'il faut parfois souligner dans des débats que nous avons avec d'autres élus, amis de cette zone dense. En rappelant toujours que ce cœur-là n'a de sens et n'existe que s'il est dans un rapport équitable et solidaire avec l'ensemble de la Région. C'est ce que fait le Schéma directeur de la Région Ile-de-France. C'est ce que nous essayons d'exprimer dans l'opinion, dans le point de vue, dans l'avis de la collectivité parisienne sur ce Schéma directeur. Je dirai que de ce point de vue-là, ceux qui évoquent l'attitude d'opposants de certaines collectivités de droite à ce Schéma directeur devraient regarder un peu plus près le fait que ces mêmes collectivités sont celles qui bien souvent défendent un point de vue, que l'on pourrait qualifier d'égoïste ; c'est-à-dire qui ont affirmé - je pense au Conseil général, qui dès le début de la révision du Schéma directeur a dit qu'il avait élaboré son schéma directeur et qu'il ne démordrait donc pas de ce point de vue là - le refus d'une certaine façon de prendre un point de vue collectif d'intérêt général, et justement de porter cette vision générale, cette vision régionale que porte le Schéma directeur de la Région Ile-de-France. A partir de là, on peut se poser la question : qu'est-ce qui motive le point de vue du chef de l'Etat, le Président de la République, sur ce Schéma directeur ? Qu'est-ce qui motive le Premier Ministre quand il évoque, dans la lettre qu'il vient d'envoyer au Président du Conseil régional, en lui demandant de suspendre l'enquête publique, tout ce que nous avons défendu ici les uns et les autres et ce qui est au cœur du Schéma de la Région Ile-de-France, cette vision d'une capitale dynamique à l'échelle mondiale, le développement des infrastructures de transports, etc., j'en passe et des meilleurs ? On se demande donc où est l'interrogation autour de cela si ce n'est peut-être des visions extrêmement politiciennes.
Pour laisser du temps à Jean-Pierre qui répondra à l'ensemble des groupes, je voudrais dire quelques mots autour de ce qu'on appelle la gouvernance et le Grand Paris. D'une part, je le disais hier dans la réponse à la question d'actualité, dès 2001, le Maire de Paris et la Municipalité parisienne se sont affrontés à cette question, à la fois en prenant en compte l'héritage de l'histoire, qui est extrêmement important, qui structure les mentalités politiques de façon profonde, quels que soient les courants politiques ce qui se retrouve dans tous les partis, et dans toutes les collectivités quelle que soit leur taille, qui bien évidemment doit guider la façon dont on travaille car toute volonté de passer en force par-dessus cet héritage serait évidemment catastrophique ; il y a beaucoup d'exemples dans le monde entier ou les Etats ont cru pouvoir décider en force. Evidemment, l'échec était au bout du compte.
Et puis, il y a, en même temps que ce développement, en prenant en compte cette histoire, la volonté de créer un dialogue politique nouveau, des relations nouvelles. Avec un effort tout à fait considérable, la Municipalitéparisienne - on a cité des exemples mais j'en cite toujours un qui est agréable à citer, c'est celui de nos relations avec la commune de Saint-Mandé dont le député maire est U.M.P.; c'est la plus petite commune voisine de Paris car il y a 10.000 habitants - il y a eu depuis 2001 plus de quarante-cinq réunions de travail entre élus et services parisiens et services de Saint-Mandé, 1.300.000 euros investis sur des projets d'intérêt commun qui concernent beaucoup l'aménagement urbain et les travaux de voirie. On pourrait développer ainsi les 450 opérations de coopération de toute nature menées par la Municipalité parisienne avec plus de 120 collectivités, quelle que soit leur taille, qu'elles soient voisines de Paris ou plus éloignées, comme à Achères ou Clichy-sous-Bois, et je pourrais en citer beaucoup d'autres. Mais évidemment dès le début, nous avons inscrit cette vision de travail bilatéral dans une vision tout à fait différente. C'est à l'initiative de l'Exécutif parisien qu'en 2003, nous avons voté un vœu demandant la création de la Conférence métropolitaine. Relisez les attendus de ce vœu qui disait bien effectivement la nécessité de se projeter à une autre échelle et de penser le développement de Paris et de la zone dense, dans son lien étroit avec la collectivité régionale qui joue un rôle politique absolument majeur. C'est dès 2003 que nous avons lancé le travail à partir de l'acquis depuis 2001.
Mais je voudrais, là aussi, faire quelques remarques, je dirais à destination des nouveaux convertis. Je dirai que l'on n'est pas dans la pampa, d'une certaine façon. Il y a en Ile-de-France un système politique extrêmement complexe, très imbriqué qui s'est développé depuis de nombreuse années, qui s'est développé notamment depuis les années 1964 et 1968, à la fin du Département de la Seine, qui s'est développé par des structures de coopération extrêmement fortes. Nous ne sommes pas sur la table vide ou dans un désert ; il y a des structures extrêmement puissantes et très intégrées de coopération dans des domaines précis mais qui sont très importants : je pense au traitement des ordures ménagères, je pense à l'assainissement, je pense aux grands lacs de la Seine, je pense bien sûr aux syndicats de transports. Et il y a des systèmes de solidarité au cœur de Ile-de-France. Le Fond de solidarité de la Région d'Ile-de-France est une innovation, qui a fait d'une certaine façon ses preuves, auquel la Ville de Paris contribue puissamment. Christian SAUTTER rappelait que c'est 100 millions d'euros que nous versons maintenant annuellement et qui sont répartis pour les 85 communes les plus défavorisées de la Région Ile-de-France. Il y a donc des systèmes de coopération et d'intégration qui déjà existent. Et puis, il y a aussi des projets. Ceux qui disent que du jour au lendemain, on pourrait sans un débat approfondi, sans la mise en perspective de toutes ces questions-là et qu'il suffirait parce que Nicolas l'a dit de créer une collectivité, là aussi ils font un contresens extrêmement problématique. Je pense à tous les projets qui sont ceux de collectivités groupées en intercommunalités. J'en citerai une seule : Plaine Commune, 350.000 habitants, excusez du peu, une collectivité constituée en intercommunalité depuis plus de dix ans et qui développe effectivement sur la base d'une taxe professionnelle unique, un projet de territoire, un projet social, un projet politique. Cela veut dire que là aussi, ce sont des exemples qui disent la complexité de l'effort politique à accomplir autour de quelque chose que bien évidemment le Maire de Paris et la Municipalité ont mis sur la table dès 2001, c'est-à-dire la nécessité d'un nouveau rapport politique qui permette une meilleure articulation, une meilleure coordination des politiques publiques au service des habitants de Paris, de l'Ile-de-France.
_____________________________________________________________________________
M. Jean-Pierre CAFFET, rapporteur. - Non, je serais plus bref que Pierre MANSAT.
Je crois qu'il a bien cité les enjeux et qu'il a bien rappelé en fait le contenu
de ce S.D.R.I.F.
Je voudrais commencer en faisant remarquer que nous vivons ce matin un moment
particulier, parce que ce matin des élus parisiens débattent librement d'un
document important qui porte sur l'avenir de Paris et de la Région parisienne et
qu'hier le Premier Ministre a envoyé une lettre au Président de Région, habilité
par la loi de 1995 à porter ce projet et à écrire ce texte.
Hier, le hasard fait parfois bien les choses, le Premier Ministre a écrit au
Président de Région, M. HUCHON en lui demandant de surseoir à l'enquête
publique, laquelle n'est rien d'autre que la poursuite du débat et une forme de
concertation avec tous les citoyens franciliens et des élus franciliens.
Sur quel fondement juridique ? Vous n'avez pas le droit de le savoir. Pour
quelles raisons de fond ? Sur quelles orientations, alternatives éventuellement
? Vous n'avez pas le droit de le savoir. Simplement, le Premier Ministre a
décidé de surseoir, enfin a décidé… demande au Président de Région de surseoir à
l'enquête publique.
Comme quoi, voyez-vous, Madame KUSTER, en termes de déni de démocratie, je crois
que franchement chacun peut balayer devant sa porte.
Mme Brigitte KUSTER. - (Hors micro).
M. Jean-Pierre CAFFET, rapporteur. - Alors la question qui se pose à nous, c'est
: que veut l'Etat ?
J'ai entendu comme tout le monde le discours de Roissy.
Que veut l'Etat ? L'Etat veut-il continuer à se désengager, comme il le fait
depuis des années, de la Région parisienne ?
Beaucoup de choses ont été rappelées ce matin :
- les difficultés que nous avons eu à négocier un contrat de projet à la hauteur
des enjeux,
- la dette de l'Etat auprès des collectivités territoriales : 3 milliards en
tout au niveau national, 184 millions pour Paris.
M. LE PRÉSIDENT. - Non, 200.
M. Jean-Pierre CAFFET, rapporteur. - 200, excusez-moi. Les chiffres augmentent
tous les jours.
Que veut l'Etat ? Continuer à se désengager ou revenir dans le jeu d'aménagement
de l'Ile-de-France ? Ce qui peut se comprendre.
Mais sous quelle forme, avec quelle orientation et avec quel projet politique ?
Aujourd'hui, nous ne le savons pas.
Moi, j'ai écouté les orateurs de l’U.M.P. en me disant… je les ai écoutés
attentivement en me disant : peut-être, peut-être que les orateurs de l’U.M.P.
vont nous expliquer ce que souhaite le Gouvernement.
Eh bien, écoutez, je vous l'avoue, je suis resté sur ma faim car quand j'écoute
notamment les orateurs du groupe U.M.P., je n'ai pas vu de projet alternatif.
J'ai vu simplement la sempiternelle critique de ce que faisait Paris.
Exemple : un P.L.U. malthusien. Excusez du peu, mais ce P.L.U. est celui de Mme
de PANAFIEU qui permet d'aménager 940 hectares à Paris, c'est-à-dire à peu près
10 surfaces du territoire et qui permet, puisque vous avez en fait cité cet
exemple, d'aménager les 50 hectares de Batignolles. Chose que vous n'avez
jamais, ne serait-ce que commencée auparavant.
Malthusianisme économique paraît-il.
Ecoutez, je voudrais vous rassurer sur ce point. Je pourrais citer une
demi-douzaine d'études économiques de grandes institutions comme KPMG,
Presswater Hoos (?), etc. etc. mais je sais que vous allez me dire : "Tout cela,
ce sont des études qui sont sujettes à caution, etc."
Alors, je ne citerai qu'un texte, un rapport extrêmement récent, rapport de M.
MARINI, Philippe MARINI, sénateur U.M.P. de l'Oise, connu pour ses positions
progressistes en matière de fiscalité bien sûr et de l'application de l'article
55 de la loi S.R.U.
Mais enfin, M. MARINI a envoyé un rapport il y a maintenant quelques jours et
qui se trouve sur le bureau du Président de la République. Et que nous dit M.
MARINI dans ce rapport qui porte bien évidemment sur les centres de décision
économique et sur la place des métropoles dans la mondialisation ?
Eh bien, vous voyez, M. MARINI dit que Paris, qui concentre tous les sièges
sociaux des grands groupes français à l'exception de Michelin à
Clermont-Ferrand, apparaît très bien placée sur le plan international.
Et je poursuis, je serais bref, rassurez-vous. Pôle français exclusif pour les
centres de décision économique, la capitale française se classe au deuxième rang
mondial. Au deuxième rang mondial.
(Brouhaha).
M. LE PRÉSIDENT. - Il exagère.
M. Jean-Pierre CAFFET, rapporteur. - C'est l'Ile-de-France, tout à fait ! Tout à
fait ! Et c'est de la Région dont nous parlons, ce matin, de l'avenir de
l'Ile-de-France et de la place de Paris dans la Région. Voilà ce dont nous
parlons ce matin.
25 des 500 plus grandes entreprises mondiales y sont implantées, 9 des 100 plus
grandes et je passe sur toutes les grandes entreprises multinationales qui ont
implanté leurs sièges sociaux soit à Paris, soit à proximité immédiate.
(Intervention inaudible dans l'hémicycle).
Oui, bien sûr, nous parlons… Mais Paris dans...
M. MARINI dit que la Région Ile-de-France est particulièrement bien positionnée
au niveau international et qu'elle est parfaitement dans la compétition et
qu'elle supporte la compétition avec les autres concurrents puisqu'elle se place
au deuxième rang.
Donc rassurez-vous ! Rassurez-vous, la situation de l'Ile-de-France n'est pas
aussi catastrophique que vous voulez bien le dire grâce à La Défense.
(Brouhaha).
Alors, Madame de PANAFIEU, écoutez… Madame de PANAFIEU, écoutez, puisqu'il a été
question, en fait, de La Défense et qu'il a été question de CDG Express, on peut
discuter de l'implantation des pôles d'activité. On peut discuter de savoir si
c'est plutôt à La Défense ou plutôt ailleurs, mais très franchement, la méthode
que vous avez utilisée est parfaitement détestable.
C'est-à-dire une proposition de loi votée en catimini, nuitamment à la fois à
l'Assemblée nationale et au Sénat, sans qu'elle ait été précédée de la moindre
discussion avec les autres collectivités territoriales et sans qu'il y ait eu la
moindre concertation. Et cela, c'est détestable.
Et si vous continuez comme cela, et si vous… parce que c'était une proposition
de loi mais bien évidemment, elle a été inscrite à l'ordre du jour par le
Gouvernement.
Si c'est cela ce que veut faire l'Etat de l'Ile-de-France et avec ces méthodes,
je crains que nous n'allions à la catastrophe.
Et je tiens à vous dire qu'en tant qu'élu parisien, les parlementaires parisiens
qui ont voté cette proposition de loi n'ont pas rendu service à Paris.
(Applaudissements sur les bancs de la gauche).
Voilà, et j'en suis convaincu.
Alors je ne vais pas m'étendre beaucoup plus longtemps, en fait, sur les
sempiternelles critiques de l’U.M.P. et de sa vision catastrophiste des choses.
Simplement, je voudrais peut-être revenir sur un certain nombre de débats qui
ont eu lieu ce matin et dire à Mme Geneviève BERTRAND que je ne comprends pas
très bien son vote puisque je l'ai entendue dire qu'elle partageait les objectif
de ce S.D.R.I.F. et que le problème qu'elle avait était un problème de
hiérarchie des priorités. Puisque ce que vous disiez, c'était qu'il fallait
placer le développement économique avant la question environnemental et que vous
faisiez arriver en troisième position la question de la cohésion sociale. C'est
un débat.
Je crois que très franchement cette question de hiérarchie des priorités est une
fausse question. Pour une raison très simple : c'est que dans l'attractivité de
Paris et de l'Ile-de-France, la qualité de la vie et la cohésion sociale par
rapport à un certain nombre d'autres métropoles est un facteur d'attractivité
important. On le constate dans toutes les études. Donc la compétitivité d'une
métropole est un tout. Ce n'est pas simplement le coût du foncier mais c'est
aussi, comme je viens de le dire, la qualité de la vie ou le climat qui y règne
en matière de cohésion sociale.
Donc, Madame BERTRAND, je crois que c'est un débat qu'il faut avoir mais je ne
crois pas que la bonne solution soit de procéder à cette hiérarchie.
Et puis, Madame de SARNEZ, écoutez, il y a toute une série de questions qui
restent ouvertes et qui pourraient être discutées justement dans l'enquête
publique, donc dans la poursuite de la discussion.
Ce que vous évoquez, par exemple, sur les logements étudiants mérite évidemment
d'être pris en considération.
Sur les transports en commun, ce que vous avez évoqué mérite également d'être
pris en considération et pourquoi pas d'être débattu dans la suite de
l'élaboration de ce document.
Mais il y a quand même une différence, je crois, d'appréciation de ce texte
entre deux groupes qui n'appartiennent pas à la majorité municipale et le groupe
de l’U.M.P. Je l'ai ressenti et je crois que tout le monde l'a ressenti.
Alors il y a une question qui a été évoquée très longuement ce matin, qui est
celle de la gouvernance.
Ecoutez, cette question est probablement devant nous.
Et j'entends bien M. GOASGUEN sauter comme un cabri depuis quelques mois sur son
fauteuil en criant non pas : "L'Europe ! L'Europe !" mais en criant :
"Communauté urbaine ! Communauté urbaine !".
Il y a deux manières de créer une communauté urbaine :
- la première manière, c'est l'association libre de communes qui décident
librement de s'associer pour mener des projets en commun,
- la deuxième manière, c'est l'injonction préfectorale ou la loi. Et d'ailleurs,
c'est la loi qui en 1966 a créé les communautés urbaines, au nombre de 4 : Lyon,
Strasbourg, Lille et la quatrième, je crois que c'était Bordeaux.
Très franchement, je préfère la première.
M. LE PRÉSIDENT. - Moi aussi.
M. Jean-Pierre CAFFET, rapporteur. - Que le processus puisse être amorcé par une
loi parce que c'est la Région Ile-de-France, n'est pas quelque chose
d'extravagant, mais si la loi… si une loi éventuelle devait arriver au Parlement
avec la même méthode que ce qui a été adopté par le Gouvernement pour pouvoir
construire 450.000 mètres carrés de plus à La Défense, je crois que ce ne serait
acceptable pour personne.
Et donc la question, cette question-là d'une structure institutionnelle, elle
est peut-être devant nous. Je suis complètement d'accord avec Denis BAUPIN quand
il dit qu'en aucun cas ceci doit être fait au détriment de la région
Ile-de-France.
Et tout le défi, si on voulait avoir une intercommunalité dans laquelle Paris
serait présente, serait précisément de trouver un nouveau partage de compétence…
Je m'arrête !
… et un nouvel équilibre institutionnel. C'est cela, la question qui nous est
posée.
Le temps m’est un peu compté. J'aurais pu évoquer certains projets
intercommunaux, comme avec Saint-Ouen, avec beaucoup de communes, justement, sur
la gare des Mines. Nous aurons peut-être l'occasion d'en reparler dans un
prochain Conseil.
Il faut que je conclue. J'ai envie de vous dire, mes chers collègues, qu'en
adoptant aujourd'hui cet avis, vous ferez d'une pierre deux coups : vous rendrez
un service à Paris et à l’Ile-de-France et, en même temps, vous montrerez que
vous êtes des élus libres.
(Applaudissements de la gauche).