18 Juin 2007
CINQ QUESTIONS A PROPOS DU TERRITOIRE METROPOLITAIN
I - Aujourd’hui dans le territoire métropolitain on observe un profond décalage entre les pratiques urbaines liées à la mobilité et l’organisation administrative et politique qui régissent la vie des habitants. N’y a-t-il pas ici la nécessité d’entamer un vrai bouleversement institutionnel pour combler ce décalage, et selon quelles procédures ? PM :Je suis d’accord avec la première partie de votre question mais je ne crois pas qu’elle induise pour autant la nécessité d’un bouleversement institutionnel. Certes, la vie des citoyens est marquée par une très grande mobilité qui a peu à faire des barrières administratives. La jeunesse, en particulier, en utilisant très largement les transports en commun, pour la détente, les loisirs ou les études, vit la ville à l’échelle de l’agglomération. Cependant, les identités et les légitimités des collectivités – communes ou départements – sont très fortes. Depuis des décennies, elles ont construit des politiques publiques territorialisées qui sont reconnues par les citoyens. Affirmer cela n’empêche pas, cependant, de constater et de déplorer qu’il n’existe pas de lien d’échange démocratique politique et citoyen à l’échelle de la métropole pour y aborder en commun des sujets qui nous concernent tous ensemble : logement et habitat, déplacement, développement durable, etc. II - Quels sont dans le cadre des nouveaux rapports entre l’administration parisienne et les communes limitrophes, les axes de recherche et de discussion qui peuvent fonder une nouvelle visibilité du territoire ?
PM :Tout d’abord, il faut constater que ces axes de dialogue et de construction en commun se développent tous les jours. C’est pourquoi nous avons mis en place au sein de l’administration parisienne une sous-direction chargée de la Coopération Territoriale. Concrètement, quels sont les sujets ? D’abord, il y a beaucoup à faire encore pour gérer mieux les espaces ou les équipements qui marquent la frontière entre Paris et ses voisins. C’est une exigence quotidienne que d’améliorer les relations entre services et entre élus sur les questions de propreté ou de stationnement par exemple. Mais il existe aussi des chantiers bien plus vastes – je laisserai JPC parler du PLU – mais je voudrai dire qu’il s’agit là, pour moi, d’un dossier emblématique. La sécurité, les transports collectifs, le développement des modes de transports alternatifs à l’automobile sont autant de sujets d’intérêt commun. Avec certaines villes, nous en passons pour formaliser nos engagements réciproques. Cela a été le cas avec Montreuil, avec qui nous venons de signer un protocole de coopération ; cela va l’être dans quelques semaines ou dans quelques mois avec Saint-Ouen, Clichy, Vanves, Issy-les-Moulineaux, Saint-Mandé ou Nogent. Cela le sera également, j’espère assez vite, avec des départements voisins : le travail est en cours avec la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne.
III - La mobilité est au cœur de la vie métropolitaine. En limitant les possibilités de circulation et d’accessibilité à la ville centre, n’y-a-t-il pas ici un danger de renforcer une forme de ségrégation ? N’y a-t-il pas le besoin d’entamer une profonde modification de l’organisation des transports à l’échelle métropolitaine ?
JPC: Je ne formulerais pas les choses de cette manière. Il ne s’agit pas de limiter l’accès à la ville-centre, mais de faire en sorte qu’il s’effectue de manière privilégiée par des moyens de transport acceptables pour assurer une qualité de vie satisfaisante dans cette ville-centre. Vous savez, cette question se posent à toutes les agglomérations et la réponse ne varie guère : il faut maîtriser l’usage de l’automobile. Cette priorité aux transports en commun, appliquée dans l’agglomération, ne me paraît d’ailleurs pas de nature à accroître la ségrégation, puisqu’elle facilite les déplacements des personnes de revenus modestes.
Quant à la réforme des transports, c’est, je crois, une question ancienne excessivement difficile à résoudre. Beaucoup pensent d’ailleurs que ce n’est pas tant la question des transports en eux-mêmes qui est en jeu que la bonne adéquation entre politique d’urbanisme et politique des transports. Réduire la pollution, c’est en effet favoriser les transports en commun, ce qui ne peut se faire qu’avec une densité minimale d’occupation du sol. Ce type de question est d’ailleurs ressorti de nos travaux préparatoire sur le PLU. La densité, dans des proportions convenables, peut-être un atout pour la qualité de l’environnement.
PM: La densité évidemment, la mixité des fonctions également. Jean-Pierre CAFFET le sait mieux que moi, mais un des points forts des opérations d’aménagement que nous lançons ou réorientons, consiste à essayer de garantir la mixité des fonctions urbaines : logements, activités, espaces de détente, équipements publics. En cela nos objectifs rejoignent très largement ceux qui sont poursuivis par nos voisins, comme par exemple sur la Plaine-Saint-Denis. IV- Si l’on replace la question du travail comme élément majeur de l’organisation urbaine, on est amené à s’interroger sur les systèmes de production qui ont toujours procédé par substitution ( moins d’industrie, plus de tertiaire, moins de services publics, plus de high tech), réduisant les formes de mixité de la ville et de son territoire . Ce phénomène a eu pour conséquence d’amplifier la distinction entre Paris et son territoire métropolitain. Comment est-il possible de réorienter ce mouvement qui tend à muséifier la Ville Centre ?
JPC: Il y a trois questions différentes dans vos propos. Le travail, en premier lieu, reste un élément majeur de l’organisation urbaine, mais vous savez bien qu’il perd de son poids. Prenez l’exemple des transports, la distinction classique entre heures de pointe et heures creuses a beaucoup vieilli et les motifs de déplacements se sont considérablement diversifiés. Cette évolution des modes de vie, les nouvelles manières de gérer son temps, jouent beaucoup sur l’organisation de la ville et pousse à l’innovation, au changement, notamment sur le plan de l’activité. Paris demeure à cet égard extraordinairement divers. L’importance du tertiaire ne doit pas cacher toutes les activités qui sont liées au tourisme, à la tradition, comme la bijouterie, l’habillement, la haute couture, mais aussi à la recherche et la haute technologie et bien entendu tous les services à la population. Il est vrai que le renouvellement urbain devient parfois plus difficile à Paris, en raison des sensibilités qui s’expriment vis à vis du patrimoine. Il faut en tenir compte. Mais si l’on veut que Paris reste une ville accueillante et active, il faut qu’elle puisse évoluer. C’est donc une double mouvement qui s’exprime, dont il faut trouver le point d’équilibre. Nous ferons des propositions dans ce sens dans le nouveau PADD.
Je ne partage donc pas votre analyse sur la distinction qui s’affirmerait de ce point de vue entre Paris et son territoire métropolitain. Je suis même convaincu que les différences se réduisent et que toutes les communes de l’agglomération sont concernés par ces tendances antagonistes, même si c’est à des degrés divers. La préservation du patrimoine, comme l’évolution des métiers et la création de nouveaux points d’attraction, de nouvelles « centralités », comme disent les techniciens, est une réalité qui concerne l’ensemble du territoire habité.
PM: Je crois, comme Jean-Pierre, qu’il faut arrêter de présenter tout le modèle de développement de l’agglomération sous la forme centre/périphérie. Les dossiers quotidiens auxquels nous sommes confrontés démentent cette présentation. Le 18e ou le 19e ressemblent plus à Saint-Denis ou Aubervilliers qu’au 16e. D’autre part, tout notre action – et le PLU comme le PADD s’en feront l’écho – consiste à permettre aux familles de revenir vivre à Paris, l’effort de construction de logements que nous avons entrepris est très important ; de même sous l’impulsion de Christian SAUTTER, le développement économique est devenu un axe central de la politique municipale. V- Un nouveau paysage urbain se constitue depuis quelques années autour du périphérique venant des communes limitrophes. La constructibilité s’y développe de manière massive par un front de tertiaire, fermant un ensemble de perspectives sur le paysage de la ville et bouleversant ce rapport issu de l’histoire. N’y a-t-il pas là, la nécessité et l’urgence de porter un projet commun, lié à une idée de refonte du paysage, pour organiser ce qui apparaît aujourd’hui comme une vaste mouvement spéculatif de valorisation des terrains limitrophes ? A l’opposé d’une approche fragmentaire, le boulevard périphérique , infrastructure majeur du lien au territoire, ne devrait-il pas être repensé comme une grande unité de paysage fédératrice?PM Certes, vous avez raison. Il ne faut cependant pas méconnaître le poids symbolique que représente le périphérique, construit sur la « zone ». Le renversement des mentalités autour d’un tel équipement est dur à mettre en œuvre. Par ailleurs, un bon nombre des 29 communes limitrophes de Paris connaît des difficultés sociales et urbaines. Elles ne peuvent négliger la manne financière que représente la « constructibilité », comme vous dites, des terrains proches du périphérique. Il n’en reste pas moins qu’il serait absurde de reconstruire une barrière d’immeubles de verre fumé au moment même où l’on couvre par endroit le périphérique. Mais là aussi les mentalités changent. Tout d’abord nous sommes engagés dans des concertations très intéressantes avec les communes qui bordent les secteurs de couverture du périphérique. Nous souhaitons concevoir en commun avec elles les équipements qui seront mis sur les couvertures. Par ailleurs, certaines collectivités font l’effort de modifier certains de leurs projets pour marquer leur lien avec Paris. C’est le cas, par exemple, de Gentilly qui, pour un des immeubles « phares » de sa ZAC d’entrée de ville a fait appel à Henri GAUDIN qui avait construit le stade Charlety de l’autre coté du périphérique.