7 Mars 2009
Retrouvez le texte de la tribune parue aujourd'hui dans la nouvelle formule samedi du Journal du Dimanche.
Le président de la République veut prendre son temps pour refondre les institutions locales. On peut saluer cette sagesse inédite, mais on peut aussi redouter, pour le coup, la tentation de l’enterrement. Car il y a urgence à agir et il ne faut plus perdre de temps si nous voulons moderniser notre organisation territoriale, aujourd’hui de moins en moins lisible.
Les conclusions du comité Balladur sont assez proches du rapport rendu par Pierre Mauroy à Lionel Jospin en 2001 et de celui de la commission des lois de l’Assemblée Nationale pour un big-bang territorial. Elles visent à renforcer la région et l’intercommunalité qui sont aujourd’hui les deux niveaux d’administration locale à l’échelle européenne. Je partage cette ambition. Elle est juste et légitime.
Sans négliger les territoires ruraux, il est temps de reconnaître l’importance du fait urbain qui a fortement bouleversé le visage de la France car aujourd’hui notre pays c’est plus que jamais la ville. Il faut que l’Etat accepte l’existence de grandes métropoles qui structurent l’aménagement du territoire national. Ce sont elles qui se confrontent à la compétition économique, renforcent leur attractivité par le maintien d’une main d’œuvre qualifiée, participent au rayonnement culturel et touristique du pays.
Oui, il faut achever la carte de l’intercommunalité pour faire en sorte que puisse coïncider l’aire urbaine avec le périmètre des regroupements à fiscalité propre. L’émergence d’agglomérations fortes, avec des représentants élus directement au suffrage universel, sera un moyen efficace de conduire un développement cohérent de ces territoires en matière d’action économique ou d’urbanisme et d’améliorer la qualité des services publics de proximité.
C’est encore plus vrai en Ile-de-France. La région capitale est pénalisée par le retard de la coopération intercommunale qui ne couvre que 50% du territoire francilien, alors qu’elle doit s’appuyer sur des territoires cohérents et structurés pour agir avec efficacité dans les domaines des transports, du logement ou de la rénovation urbaine et sociale.
Les architectes qui participent à la consultation internationale initiée par l’Etat dessinent un horizon plus large, jusqu’à 30 kilomètres autour de Paris, bousculent les frontières administratives et intensifient la densité urbaine.
L’idée de reconstituer simplement le département de la Seine en fusionnant Paris et la petite couronne me paraît insuffisante. Cependant, la proposition d’Edouard Balladur ouvre le débat. Elle a le mérite d’imposer aux Hauts-de-Seine et à Paris une solidarité financière avec les territoires moins favorisés. Mais le Grand Paris doit intégrer, autour de Paris, les villes nouvelles, les zones aéroportuaires ou le plateau de Saclay.
Je suis favorable, à terme, à la constitution d’une communauté urbaine autour de Paris, large et puissante. Dans cette aire, de 7 à 8 millions d’habitants, il serait cohérent de faire progressivement disparaître les départements. Cela doit être l’étape suivante lorsque le syndicat mixte d’études et de programmation de Paris-Métropole, présidé par Bertrand Delanoë, aura produit ses premiers résultats.
Sur ces bases, la région Ile-de-France doit disposer de compétences fortes dans les domaines de l’aménagement, des équipements et des infrastructures de transport.
Je crois également plus que nécessaire d’engager une fusion de la RATP et de la SNCF en Ile-de-France pour gagner en efficacité et mettre un terme aux dysfonctionnements actuels que ne supportent plus nos concitoyens.
D’une manière générale, il me parait souhaitable d’encourager l’expérimentation en fonction des réalités locales car il est possible de conjuguer l’unité de la République avec la diversité des territoires. Dans de nombreux domaines il faut accepter qu’il n’y ait pas de réponse uniforme à des situations complexes. Par exemple, il serait plus efficace que les grandes agglomérations récupèrent la gestion des aides sociales qui se traduisent le plus souvent par des relations de proximité avec les personnes fragilisées.
Tout en respectant mieux le principe de spécialité, je crois essentiel de renforcer le couple entre des régions fortes et puissantes capables de rivaliser avec leurs partenaires européens et des grandes métropoles organisées en réseau, assurant un équilibre du territoire national. L’alliance de ces deux échelons territoriaux est un facteur de croissance et de progrès dans ces temps difficiles car ils sont les principales sources de l’investissement public de notre pays et les acteurs essentiels de l’aménagement du territoire.
Tout cela ne peut aboutir que si cette réforme débouche sur des mesures concrètes en matière de finances locales. Il est absurde de laisser le bouclier fiscal et les baisses d’impôts accordées aux entreprises remettre en cause les ressources des collectivités locales, au point de compromettre les investissements publics locaux nécessaires au bon développement des territoires. Il est impératif d’avancer sur une fiscalité locale juste et dynamique assurant un bon équilibre entre l’usager, les contribuables et les besoins de financement des collectivités. Je plaide pour une refonte des bases locatives et l’intégration d’une part des revenus dans le calcul des impôts locaux prélevés sur les ménages. Je suis aussi persuadé qu’il faut moderniser la taxe professionnelle en la fusionnant avec l’impôt sur les sociétés.
Enfin, si je me méfie d'une réforme du mode de scrutin des régionales et cantonales qui créerait la confusion, je suis favorable à la disparition des cantons et à un scrutin de liste qui rénoverait en profondeur, à partir de 2014, la vie locale grâce à la parité et la diversité de notre pays.
Finalement, il s’agit d’un formidable défi pour la gauche qui gouverne la plupart des collectivités que d’aider à jeter les bases d’une refonte de la démocratie territoriale au lieu de se replier sur nos territoires. Ne perdons pas de temps, évitons les postures simplistes et les oppositions de forme, soyons courageux, constructifs et réformateurs, nos concitoyens nous en serons reconnaissants.