17 Décembre 2008
Penser Paris a travers le périf, un dossier réalisé par Françoise Moiroux
> Une doctrine qui se cherche
> François Lacour l'impromptu du périf
> Nulle borne à l'ambition: l'étude TVK sur l'insertion urbaine du périf
> Une vision intégrée: entretien avec Jean Louis Cohen
> Débaptiser le périf, entretien avec Pierre Mansat
> Sous les pelouse, le périf, entretien avec georges Farhat
"C'est précisement parce que l'avenir du périphérique n'appartient pas seulement qu'a Paris, qu'il peut permettre de penser celui, metropolitain, de la capitale "1 Le périf doit faire face à un double calendrier, celui de l'urgence des nuisances à résorber, et celui du long terme, conditionné par l'évolution des mobilités franciliennes. Comment envisagez-vous l'avenir de cette infrastructure ?
L'étude réalisée par TVK, c'est la manifestation dans le champs de l'expertise et des connaissances d'une volonté politique, le périf étant au cœur de l'enjeu métropolitain. En 2001, il s'agissait de « casser le périf » comme symbole du rapport de Paris avec l'agglomération. Ensuite on a voulu sortir de la vulgate, considérant le périf uniquement comme une fracture. On a mis en évidence, que le sujet était plus complexe que cela. Du fait d' approches localistes ou uniquement environnementales il a fallu un long temps de discussion politique pour lancer l'étude d'insertion urbaine du périf. ... Au bout d'un moment avec Jean-Pierre Caffet ( l'adjoint à l'urbanisme), on a voulu avancer: mieux comprendre quel était son rôle dans l'organisation de la métropole et ce qui se passait dans la ville autour.
On avait besoin de changer d'échelle, de cesser de le considérer ponctuellement ou dans une perspective uniquement linéaire et de l'étudier en lien avec les grands projets urbains riverains. L'autre aspect déterminant consiste à affirmer que le périf n'est plus périphérique de rien du tout, il est au cœur.( d'ailleurs je suis pour le débaptiser); ce n'est pas une frontière, mais un lien entre les différentes parties de la métropole. C'est le sens de la politique urbaine de Paris animée par Anne Hidalgo.
Quant à son devenir, je n'établis pas de hiérarchie. Il importe de ne jamais perdre de vue que cet anneau est essentiel à l'activité francilienne, une pièce dans un système, ce qui oblige à trouver des solutions à cette échelle; c'est le cas de la création d'une file réservée aux taxis, aux transports collectifs, aux véhicules propres.... A plus long terme, il faut toutefois affirmer l'idée de reconquérir comme ce qui se fait dans de nombreuses métropole ( aux USA, en Allemagne,à Barcelone..), et de la reconvertir en boulevard urbain. Quand bien même il n'existe pas de solution miracle, on doit clairement afficher cette ambition . Mais toutes les interventions sont complexes, et impliquent d'investir de très fortes sommes, or à partir de 2007, l'Etat s'est désengagé et a décidé de ne plus mettre d'argent dans les projets de restructuration des infrastructures.
2 A la pollution sonore, s'ajoute la pollution atmosphérique. Où en sont les études traitant de cette question cruciale pour la santé publique ? Comment parer aux nuisances? Faut-il envisager la démolition des logements sociaux les plus exposés ?
Les résultats des études d'Airparif portant sur la totalité du périf ne sont pas connues. Certaines études ponctuelles sont toutefois très préoccupantes. Des dizaines de milliers de Parisiens sont soumis à la pollution et au bruit.. Rappelons néanmoins que le trafic du périf est en diminution constante depuis vingt ans. Il faut continuer à faire baisser la circulation, améliorer les réseaux de transports, réaliser métrophérique et supprimer les véhicules les plus polluants.10% des véhicules empruntant le périf sont des poids lourds! On touche moult questions: la place excessive du routier dans le transport de marchandises, la gratuité des autoroutes franciliennes . Personnellement je suis pour des dispositions ( financières) contraignant les transporteurs routiers a utiliser des itineraires qui ne traversent pas l'agglomération. ... La couverture à la Porte des Lilas a considérablement réduit le bruit pour les riverains et a fabriqué un nouveau quartier, totalement différent de ce qui existait; au lieu d'un échangeur, une place, un jardin, un cirque , une gare bus, un cinéma, une bibliothèque...Dans la situation de crise détruire des logements est peu envisageable mais pas interdite ( c'est le cas d'une tour dans le 17e à la Porte Pouchet), raison de plus pour pousser les autres solutions.
3 La plupart des accords bilatéraux conclu par la Ville de Paris avec les collectivités franciliennes l'ont été avec des communes riveraines du périf. Faut-il en déduire que la problématique de l'insertion urbaine de celui-ci a été le banc d'essai de la nouvelle diplomatie parisienne ?
L'insertion du périf a été le fer de lance de cette nouvelle politique de coopération, que ce soit d'ailleurs sur le plan symbolique ou pragmatique. C'est un territoire, où il se joue des choses essentielles au développement de l'agglomération, ces projets en cours ont une échelle et une portée, qui expriment un « Paris Métropole »: il suffit d'évoquer le Parc des expositions (cf le Triangle d'Herzog et de Meuron), la Cité internationale universitaire, Paris Nord-Est, les Porte de Montreuil et de Vincennes, Bercy-Charenton... Tous débordent par leur ampleur, leur fonctionnalité , et transgressent l'échelle parisienne comme le démontrent l'interpénétration entre Masséna et Ivry/Seine Amont ou La Gare des Mines dans le Nord-Est.
Le rapport des élus à l'infrastructure évolue au rythme où évolue le rapport à Paris. Du côté de la banlieue, on édifiait des murs de façades renforçant la frontière du périf. Il y une évolution très nette, dont le choix par Gentilly d'Henri Gaudin comme architecte du siège d'Ispos, en face du stade Charléty, a été un signe avant-coureur. Certes il y a pleins de coups partis, que l'on peut déplorer. Quoi qu'il en soit, la façon dont on conçoit les rapports avec les communes riveraines modifie en profondeur le rapport à l'infrastructure. Ainsi par exemple lors du concours portant sur le secteur Masséna, nous avons invité le maire d'Ivry-sur-Seine à siéger au jury. Tous les maires - ou presque-, repensent le rapport à Paris, jusqu'a Neuilly qui nous invite aux côtés de la Région et de l'EPAD à une réunion consacrée au projet Axe 13.
4 Les projets de couverture du périf ont été bouclés sur le plan technique avant que ne soient arrêtées les orientations urbaines et paysagères. Y a t-il une fatalité dans l'hégémonie des ingénieurs et le dictat de la voirie ? Le rétablissement de la continuité des sols urbains ne relève-t-il pas parfois d'une vision trop dogmatique ?
On était extrêmement contraint par le temps, puisque nous sommes arrivés en 2001, que les projets de couverture étaient inscrits au contrat de plan 2000-2006 et n'avaient fait l'objet d'aucune étude préalable. Et il faut préciser que les services techniques doivent intégrer tous les dispositifs de sécurité et composer avec les contraintes financières. Au départ l'idée était celle d'une couverture de la Porte des Lilas à la cité Fougères. Il a fallu en rabattre, d'où deux séquences de dalle distinctes .Il est vrai cependant que nous devons aller vers une vision plus ouverte, associant étroitement les paysagistes, les architectes, les urbanistes, et non uniquement dictée par les impératifs de voirie ... Anne Hidalgo avec la direction de l'urbanisme, l'équipe de l'APUR, Francis Rol Tanguy et Dominique Alba porte fortement ce point de vue.
En ce qui concerne la dimension paysagère, il y a sans doute une sous estimation de notre part. Ainsi les préconisations de TVK pour les sections en viaduc du périf ne rencontrent pas l'intérêt. On est pourtant l'un des rares pays, où le dessous des infrastructures n'est pas traité. Même des interventions légères, tels l'éclairage ou la peinture, seraient bienvenues pour modifier la perception par le piéton, d'autant qu'elles ne sont pas ruineuses.
Le budget de l'étude (remarquable) TVK bornait son ambition. J'aurai vu d'un très bon œil que soient impliqués des paysagistes, des sociologues, des artistes, des photographes tels François Lacour... Certaines analyses mériteraient d'être approfondies, qu'il s'agisse de la régulation de l'infrastructure, du rayonnement économique et de l'attractivité du périf. Même si le processus est long, la mandature de Bertrand Delanoë 2001-2008 a donné l'élan. Aujourd'hui, on passe à une action de partage ou de mise en cohérence des projets urbains et d'optimisation des complémentarités. C'est une fenêtre historique qui s'ouvre après une période de 20 à 30 ans, que l'on peut qualifier de très grand « trou dans la pensée urbaine ». Ce sera le rôle du futur syndicat mixte d'etudes « Paris Métropole » qui prolongera la Conférence Métropolitaine.
5 Dans le débat sur le rapport Ville/Infrastructure les positions sont souvent clivées, comme l'ont démontré les réponses à la consultation portant sur le boulevard circulaire de la Défense. Ne peut-on pas y voir le signe d'une inculture du projet infrastructurel en France ?
En ce qui nous concerne, on a surtout dû lutter contre une profusion d'idées toutes faites. Par exemple, il est indéniable que l'on franchit très facilement le périf, notamment avec le métro qui fait sauter cette barrière, dont on peut s'abstraire massivement. Il nous a fallu âprement lutter contre les préjugés et les représentations dominantes, qui ne voyaient dans le périf qu'une fosse à recouvrir, alors même qu'il n'est en tranchée que sur le tiers de son parcours. En France l'intérêt porté à la conception d'immeubles ponts me paraît très faible. L'Apur a introduit des comparaisons internationales pour sensibiliser à la multiplicité des interventions possibles sur l'infrastructure. L'exposition de Bertrand Lemoine à l'Arsenal a contribué à une autre approche. Je crois necessaire une nouvelle édition de l'ouvrage de Jean louis Cohen et André Lortie. J'ai insisté pour que l'étude TVK soit publiée. Et l'Arsenal prépare une expo.
On ne peut pas occulter la brutalité de la rupture que constitue le périf, il s'agit en effet souvent de la rupture la plus brutale qu'il soit, véhiculant un incroyable mépris et une ignorance de la réalité à laquelle sont exposés les riverains. A certains endroits, la continuité urbaine s'impose donc. Les abords du périf ne sont pas que des lieux de franchissement, ils sont aussi des lieux de vie. On peut s'inspirer des Rondas de Barcelone, il y a plein de façons d'intervenir. Mais on ne peut faire fi des contraintes budgétaires et réglementaires et on ne peut intervenir partout. Il faut créer du foncier en implantant des activités adaptées pour dégager de la richesse.
Cpiverture Porte des Lilas ( 19e, 20e, Le Pré Saint Gervais, Les Lilas, Bagnolet)
Voici ce que j'écrivais en 2006
Pierre Mansat
adjoint au Maire de Paris
chargé des relations avec les collectivités
territoriales d’Ile-de-France
La couronne de Paris, perçue pendant
longtemps comme un territoire " périphérique
", quelquefois dégradé, est
pourtant un des lieux où les opportunités de
développement du coeur de l'agglomération
sont les plus grandes pour les années à
venir. C'est pourquoi cette ville-là, qui était
une frontière entre deux univers (Paris et les
villes voisines) évolue progressivement vers
un territoire de projets, celui des " grands
boulevards du coeur de l'agglomération ".
Un processus de renouvellement urbain se
met aujourd'hui en place à Paris comme
en banlieue avec notamment plus de vingt
projets lancés par notre municipalité - Porte
Pouchet, Porte de Montreuil, Porte de
Vanves, Paris Nord-Est, tramway, couvertures
et études sur le boulevard périphérique...
A ce titre, la quinzaine de protocoles de coopération
que Paris aura élaboré d'ici
quelques mois avec des collectivités voisines
stimule l'échange permanent sur les
politiques publiques mises en oeuvre.
Inverser l'image de ces lieux d'exception
nécessite aujourd'hui de valoriser leur potentiel
et de domestiquer le périphérique,
faire reculer les nuisances (phoniques et
pollution atmosphérique), pour que cette
partie de la ville devienne attractive, ouverte
sur l'agglomération.
Quelques grandes orientations structurent le
travail de la municipalité parisienne. Elles
consistent tout d'abord à ouvrir et transformer
les quartiers de la couronne pour recomposer
la ville, à travailler sur le franchissement
du boulevard périphérique et
enfin à innover pour conforter l'identité et la
spécificité de ce territoire métropolitain.
Ces objectifs nécessitent aujourd'hui de repenser
le périphérique. Source de nuisance
et d'une pollution inacceptable, symbole de
la coupure entre Paris et ses voisins, ce territoire
est dans le même temps depuis ses
origines un champ d'innovation. C'est aussi
le lieu privilégié d'expression de l'architecture
contemporaine. Pour le développer harmonieusement,
des actions diverses doivent
être menées (restructuration d'échangeurs,
couvertures du périphérique, facilitation
des franchissements…). D'autres actions
plus légères, concernant en particulier
l'aménagement d'espaces publics de qualité,
sont mises en oeuvre.
Ces mesures doivent s'associer au travail
d'insertion urbaine du boulevard périphérique.
Afin d'engager une réflexion ambitieuse sur
ces différentes questions et notamment sur
celle de l'insertion urbaine du périphérique,
à proximité immédiate duquel vivent aujourd'hui
près de 800 000 personnes, la ville de
Paris, associée à la Région Ile-de-France, a
engagé une étude qui se déroulera sur près
d'une année, associant des acteurs très divers,
au premier rang desquels les élus des
collectivités voisines. Avec Jean-Pierre Caffet
et Denis Baupin, nous souhaitons que ce travail
soit un cadre partagé pour engager les
discussions futures sur cet ouvrage structurant
pour le développement du coeur de
l'agglomération.
Et pour moi, ce travail ne prend sens que
dans une politique offensive de réduction de
la pollution par le développement des
transports collectifs, le transfert du trafic
marchandise sur le rail et les voies d'eau…
Et je n'hésite pas à dire qu'à terme, le périphérique
devra évoluer pour passer du statut
d'autoroute urbaine
Rappel deux numéros d'Extra Muros consacrés au Périf