26 Novembre 2008
Voici le texte de la contribution du président du Groupe socialiste, radical de gauche et apparentés
Monsieur le Maire, mes chers collègues,
Je ne rappellerai pas l'histoire de Paris et « sa » banlieue, ni même l'historique de la conférence métropolitaine.
Mais je peux quand même dire et redire que nous venons de tellement loin, en matière de dialogue et de coopération entre Paris et ses voisins, que le vote qui nous est proposé aujourd'hui est une étape proprement historique et je dis cela sans emphase.
Pardonnez-moi, à cette occasion, de ne pas résister pas au plaisir de citer l'humoriste Mark Twain : « Ils ne savaient pas que c'était impossible, donc ils l'ont fait ».
Dès 2001, la municipalité parisienne a perçu que Paris intra-muros ne saurait rester longtemps - et j'aurais même envie de dire, n'était déjà plus depuis longtemps - la dimension pertinente des politiques publiques ambitieuses que nos concitoyens vous avaient chargé de mener. Nous nous sommes aussitôt fixé pour but d'en parler avec nos voisins : toujours pour les entendre et échanger nos expériences, souvent pour les convaincre d'aller plus loin. Puis, en rupture avec un si long passé de méfiance réciproque et de culture de l'entre-soi, nous avons bâti ensemble des projets de coopération territoriale. En même temps, profitant d'une confiance retrouvée, nous avons décidé de la création de ce lieu de débat entre élus qu'a été, dès 2005, la conférence métropolitaine. Je veux ici rendre un hommage particulier à Pierre Mansat pour la patience, la persévérance et le tact avec lesquels il a su, avec d'autres, tisser et renouer des liens d'échange et de confiance avec nos partenaires.
Ce long travail d'élaboration d'un cadre collectif nous permet aujourd'hui, de concert avec soixante-dix autres collectivités d'Ile-de-France, de lancer, avec cette délibération, un processus qui consacre la reconnaissance politique du fait métropolitain.
Mais aujourd'hui beaucoup reste à faire et le chantier est immense, pour ne pas dire global. Car le problème posé n'est pas seulement, comme on pourrait le penser, la gouvernance mais aussi celui du contenu, du périmètre des problèmes à régler. En effet, existe-t-il aujourd'hui beaucoup de politiques publiques que l'on puisse traiter, avec toute l'efficacité requise, à l'intérieur de frontières administratives étanches - autrement dit, dont la dimension métropolitaine soit absente ? Si l'on regarde bien, assez peu. Sans parler des sujets joliment qualifiés d'orphelins par Pierre Mansat ; ceux qui, étant du ressort de plusieurs collectivités, ne sont finalement traités par aucune.
Comme le dit la sagesse populaire, il faut bien commencer quelque part. Commencer, c'est d'abord hiérarchiser nos priorités. Sur ce point, vous nous avez donné, Monsieur le Maire, une indication assez claire des chantiers les plus urgents et les plus emblématiques sur lesquels le syndicat est appelé à se pencher.
Mais il nous faut aussi marquer clairement sur la base de quelles nécessités et de quelles valeurs nous concevons la future Paris-Métropole.
Pour ma part, il me semble que nous devons nous fixer deux objectifs et poser une condition.
1) Le premier objectif à atteindre, celui sans lequel toute cette entreprise ne serait qu'une coquille vide, est la solidarité entre les territoires. Il existe aujourd'hui de grandes disparités et même des inégalités intolérables entre les différentes collectivités de la région parisienne « une injure à la devise de la République », dit le sénateur Dallier dans son rapport. Cela est vrai en matière d'activité économique, de revenu par habitant, de logement, d'infrastructures, d'accès aux transports, à la culture, de qualité de vie, et j'en passe. Toute nouvelle entité institutionnelle qui verrait le jour serait vaine et vouée à l'échec si n'est pas fixé pour principe de base le rééquilibrage entre les territoires par la correction des inégalités qui existent entre eux. Aucun lien durable, aucun sentiment d'un destin commun ne se construira sur des fondements qui ne seraient pas ceux de l'équité, de la solidarité et de l'effort partagé.
Nous ne ferons donc pas l'économie de travaux et de réflexions très poussés sur les mécanismes à même d'y parvenir. Par la fiscalité - par exemple, ou bien par un fonds mutualisé d'investissement sur projets identifiés ? Personne actuellement ne détient de réponse toute faite à ces questions. Nous avançons là en territoire vierge et il nous faut le défricher. Nous sommes voués à abandonner nos schémas rassurants, nos raisonnements de routine, nos égoïsmes, et à innover, à trouver d'autres modes de fonctionnement.
2) Le deuxième objectif est celui de l'accroissement de la vitalité de notre agglomération - et j'entends par là, en priorité, la vitalité économique. Il conditionne la réalisation de notre premier objectif tant il est vrai qu'il ne peut y avoir de solidarité et d'égalité réelles sans ressources financières nouvelles.
Dans développement durable, il y a développement, tout le monde l'aura noté. Ce développement - économique, mais aussi culturel, démographique, technologique - ne peut s'accomplir que dans le cadre d'une préoccupation environnementale constante. Celle-ci est devenue, au stade où nous en sommes, non seulement un facteur d'enrichissement de nos réflexions mais aussi et surtout une ardente obligation et pourquoi ne pas le dire, une source de croissance. C'est parce qu'il est la condition nécessaire du progrès social et de la solidarité que le développement, pour autant qu'il s'opère à des conditions durables, est un impératif.
Les perspectives d'actions propres au développement économiques qui s'offrent à nous ne manquent pas. Le changement d'échelle est la condition nécessaire de leur réussite ; je suis aussi convaincu que, réciproquement, elles contribueront par leur mise en œuvre à donner forme, contenu et pertinence au projet de métropole.
Reprenant à ce sujet les propos de mon ami Christian Sautter, s'il le permet, j'évoquerai les défis que représentent la constitution de pôles de compétitivité, le plan climat dans ses déclinaisons en matière de déplacements et d'habitat, l'attraction des investissements - nationaux et étrangers -, l'économie solidaire, l'accueil du tourisme d'affaires et de loisirs, l'urbanisme commercial : autant de chantiers qui exigent, pour donner des résultats, d'être déployés au niveau de l'agglomération et, en tout état de cause, le plus vite possible, car la récession menace et le temps presse.
3) Au-delà de ces deux objectifs majeurs, j'ai évoqué à l'instant une condition que nous estimons incontournable : Paris-Métropole ou le Grand Paris, quel que soit le nom qui sera finalement adopté, ne se fera que par et avec les élus des territoires concernés. Certainement pas de façon technocratique, et certainement pas imposé d'en haut par l'État.
La constitution du syndicat représente donc un pas, et même un bond, qualitatif considérable : jusqu'à présent de nature technocratique, chasse gardée des aménageurs et planificateurs des années soixante et soixante-dix, conçu le plus souvent en termes de logique administrative, le thème de la métropolisation est dorénavant approprié par des élus de tous bords. Ceux-ci, au-delà de leurs divergences - elles existent, personne ne songera à le nier - éprouvent de plus en plus la nécessité commune d'un lieu de rassemblement pour penser l'avenir de ce territoire de manière moderne et démocratique. Cette réalité suffirait à elle seule à valider, si besoin était, notre démarche. Et je note à ce propos que la première ville à avoir délibéré sur la décision d'adhérer au syndicat, comme nous le faisons à notre tour aujourd'hui, est Nogent, ville gérée par un maire UMP.
De différentes collectivités locales émerge donc un mouvement d'élus, avec la volonté d'élaborer, dans une conception renouvelée de l'action publique, l'aménagement de la métropole de demain. De ce seul fait, le débat a changé de nature ; il n'est plus technique.
Le principe « Une collectivité, une voix », défendu avec vigueur par Paris, marque bien le caractère par essence politique et démocratique du syndicat. La représentativité aurait-elle été définie par le poids respectif de chaque collectivité, en terme de richesse ou de démographie, que nous nous trouverions face à un projet très différent, à une instance ressemblant à une intercommunalité, supposant ou laissant augurer un transfert de compétences ; mais tel n'est pas le cas.
Le fait métropolitain est désormais l'affaire des élus des territoires, et c'est bien ainsi. Pas plus que le syndicat Paris-Métropole ne constitue une machine de guerre contre l'État, il ne sera question à l'avenir de nous faire imposer quoi que ce soit « d'en haut » ou de voir le débat confiné dans d'autres sphères. Cette régression, nous ne l'accepterions pas. Même si nous pouvons nourrir certaines inquiétudes.
Il est à craindre, devant la prolifération des initiatives du président de la République en la matière, qu'existe la volonté de prendre la main et d'imposer des schémas préexistants à marche forcée. Je pense, par exemple, à la réforme des collectivités territoriales en cours de réflexion.
Nous serons donc très vigilants : Paris-Métropole est un projet fondamentalement démocratique et les élus du suffrage universel dans les collectivités territoriales y tiendront toute leur place.
Je terminerai en disant que l'attitude de Paris, en rompant avec son histoire remplie de tentations d'hégémonie me semble exemplaire.
Mais il n'en reste pas moins que Paris a une responsabilité de toute première importance dans cette affaire. La rupture avec les travers passés ne doit pas nous conduire, inversement, à minorer notre rôle. Capitale oblige, notre ville ne peut que jouer un rôle moteur dans cette entreprise, bien entendu en continuant de pratiquer le dialogue et le respect de toutes les autres collectivités. Je souhaite donc que nous nous dotions de tous les moyens nécessaires à la mission d'impulsion qui nous est assignée.
Beaucoup de travail en perspective et de lourdes responsabilités, puisqu'il s'agit de changer la vie de nos concitoyens et de modifier - sensiblement - le visage de notre pays : tout cela dépasse, de bien loin, les querelles de pouvoir et c'est pourquoi ce projet est exaltant.
Monsieur le Maire, mes collègues du groupe socialiste, radical de gauche et apparentés et moi-même voterons cette délibération avec enthousiasme et même avec bonheur.
Je vous remercie de votre attention.