19 Juin 2008
Lors de sa séance du 16 juin, l’assemblée départementale a mis en place une Mission d’information et d’évaluation sur « le Val-de-Marne et l’avenir de la région Ile-de-France ». Il s’agit de plancher sur ce que d’aucuns appellent « le Grand Paris ».
Quelle gouvernance pour quel projet ? Faut-il dissocier la zone centrale très dense du reste de l’espace régional ou peut-on mieux coopérer sans tout chambouler ? Quel doit être le rôle de l’Etat dans la région capitale ? Quels moyens financiers pour quelle intervention publique ? Voilà quelques unes des questions que la Mission de 9 membres (3 PC, 3 UMP, 2 PS, 1 Gauche citoyenne) a charge d’explorer d’ici la fin de l’année en procédant aux plus larges consultations. Cette mise en place a été précédée d’un débat qui a permis une première confrontation des points de vue et de mieux cerner ce qui fait problème.
Dès son exposé introductif, le président Christian Favier ne fait pas mystère de sa conviction : «Les questions institutionnelles et de gouvernance ne doivent pas constituer un préalable. La fragilité majeure de la métropole francilienne, l’une des plus riches du monde, tient avant tout au creusement des inégalités sociales et territoriales. » Pour lui, la question première est donc de résoudre la crise du logement, de s’attaquer à l’insuffisance des transports et de rééquilibrer le développement économique et l’accès à l’emploi.
Pour Jacques JP Martin (majorité présidentielle) la cause première des difficultés serait qu’ « il n’y pas aujourd’hui de pilote au plan régional ». Estimant que la gauche « veut partager la croissance comme elle l’a fait pour le travail avec les 35 heures », il juge vaines « les incantations sur le rééquilibrage à l’Est » et estime que « tout ce qui sera bon pour la Défense sera bon pour toute la région Ile-de-France ». Il ne s’interroge pas moins peu après : « Faut-il continuer à densifier l’habitat dans certains secteurs en ignorant la localisation de l’emploi et les réseaux de transport ? ».
Si Dominique Roblin (majorité présidentielle) partage une part du diagnostic posé par le président Favier, il s’en écarte sur un point essentiel : « Il y a un empilement, une juxtaposition de collectivités qui s’occupent de tout, coûtent très cher et génèrent les déficits publics. Il faut construire une nouvelle gouvernance avec une structure forte centrée sur des compétences précises : transport, habitat, emploi et sécurité. » Appartenant au même groupe, son collègue François Duluc ne cache pas son doute : « J’attends d’être convaincu que des propositions institutionnelles permettent de faire mieux qu’aujourd’hui. Pour l’instant ce n’est pas le cas.» Evoquant les transports en commun, il convient que l’Etat a eu des défaillances. Mais les inégalités de développement des territoires relèvent selon lui des responsabilités locales : « Vous n’avez pas fait les bons choix au bon moment. Vous vous êtes réveillés, mais 25 ans après les autres » dit-il à propos du développement et de l’aménagement du Val-de-Marne. Il invite la Mission à « réfléchir avec pragmatisme ».
La préoccupation de Pascal Savoldelli (PCF) «n’est pas le rang auquel se situe Paris dans la concurrence entre les grandes places boursières internationales ». Il pointe une contradiction : « L’Etat manifeste la volonté d’une intervention forte dans la région capitale alors même qu’il se désengage sur le plan financier.» Au chamboulement institutionnel il oppose un approfondissement des coopérations et souhaite des initiatives pour « associer les habitants au débat en cours.» Une réforme urgente n’en est pas moins nécessaire, celle du «financement des collectivités locales permettant le développement des services publics du transport, du logement, de l’emploi, de la revitalisation économique. »
Problème de gouvernance ? Daniel Breuiller (GC) rappelle le choix d’installer l’Institut national du cancer à Boulogne-Billancourt : « Une logique de copains.» Il met un accent particulier sur le logement : « Autant que les plus pauvres, le marché chasse les couches moyennes du cœur de l’agglomération. Le développement économique de toute la Métropole est mis en danger. » Il suggère la mise en place d’un système coopératif solidaire dans lequel l’Etat accompagnerait de crédits les ambitions d’aménagement équilibré et celle d’un fonds d’aménagement et d’investissement alimenté par une péréquation forte (par exemple les droits à construire et les recettes de taxe professionnelle de la Défense).
Jean-Jacques Bridey (PS) cerne trois défis essentiels et trois conditions à réunir pour les relever. Les défis : la crise du logement, les déplacements par les transports en commun, les fractures territoriales sources de profondes frustrations (émeutes de novembre 2005). Les voies d’une intervention cohérente: un Etat jouant son rôle de régulateur et imposant l’équité fiscale, des collectivités aux compétences clarifiées et disposant de moyens financiers cohérents avec celles-ci, la fin d’un archaïsme financier et fiscal qui nourrit la concurrence entre les territoires et le rétablissement d’une capacité d’investissement des collectivités. Ces différentes approches vont maintenant être approfondies, nourries de multiples rencontres pour en dégager des propositions portées par le Val-de-Marne.
Marcel Chabrel
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Ensuite la déclaration commune
>Déclaration commune sur la Métropole Paris Ile-de-France
Dans le cadre du débat sur le devenir de l’Ile-de-France, les présidents de gauche des conseils généraux de Seine-et-Marne, d’Essonne, de Seine-Saint-Denis, du Val de Marne et du Val d’Oise tiennent à affirmer leur ambition pour les habitants et le dynamisme de leurs territoires. Ils prennent acte de la volonté de Christian Blanc, Secrétaire d’Etat
chargé du développement de la région capitale, d’appréhender la
mission qui lui est confiée dans le cadre d’une démarche nouvelle, fondée sur de grands projets et appuyée sur une vision partagée de l’avenir de la Région.
A ce titre, ils entendent rappeler que les processus de métropolisation à l’oeuvre, depuis une quinzaine d’années, en Ile-de-France, à travers un élargissement progressif du coeur de l’agglomération parisienne, concernent désormais l’ensemble des départements de la Région. Ces phénomènes nécessitent une recomposition permanente des relations entre les territoires dans une dynamique de projets partagés, loin du schéma aujourd’hui dépassé, opposant le centre et la périphérie, concentrant les emplois, les équipements, les transports sur Paris et
l’ouest de la petite couronne, tandis que les logements et les routes étaient relégués à l’est et en grande couronne.
Les présidents des conseils généraux de gauche réaffirment donc la nécessité de favoriser l’émergence de nouvelles dynamiques métropolitaines et la réalisation des grands projets d’équipements et des infrastructures de transports nécessaires à l’amélioration de la
qualité de vie des franciliens et au développement de la Métropole Paris Ile-de-France, à ses différentes échelles.
Partageant une même vision du devenir de l’Ile-de-France, ils entendent promouvoir une nouvelle approche, plus ambitieuse et plus juste, de l’aménagement de la région, afin de rompre avec les logiques d’exclusion tout autant sociales que géographiques, qui pénalisent
gravement les populations.
Or, depuis quelques semaines nous voyons que ce débat est de plus en plus marqué par la volonté du gouvernement de reprendre la main sur le devenir de l’Ile de France, passant outre les collectivités territoriales responsables, à contre courant de l’esprit de la décentralisation et
mettant en cause la très large concertation engagée autour du projet de SDRIF.
A cet égard, les présidents des conseils généraux prennent acte avec satisfaction de l’avis favorable unanime exprimé par la commission d’enquête publique et souhaitent que le projet de schéma directeur, intégrant les remarques exprimées à l’occasion de l’enquête publique, soit rapidement validé par le gouvernement.
Or, sur ce sujet comme sur le débat engagé quant à l’avenir de la métropole Paris Ile-de-France, règne une extrême confusion. Les prises de position aux arrières pensées électorales se multiplient à droite. La campagne pour les élections régionales et les critiques contre Jean-Paul Huchon, Président de la Région Ile de France, sont quotidiennes. Les Franciliens n’y comprennent plus rien, ou plutôt ils découvrent que ce projet mal engagé et mal conduit risque d’aboutir au statu quo, dont ils seraient les premières victimes.
Parce que nous partageons de grandes ambitions pour nos territoires et leurs populations, pour leur avenir, nous lançons aujourd’hui cet appel.
Oui, il est impératif dans les mois et années qui viennent d’améliorer l’organisation et la gouvernance du bassin parisien. La fragmentation qui prévaut aujourd’hui est souvent inefficace et injuste. La coordination et la solidarité entre les territoires sont insuffisantes. Mais pour faire aboutir la réforme, il faut être réaliste.
Si le débat paraît aujourd’hui dans l’impasse, c’est d’abord parce qu’il a été placé sur le terrain institutionnel au lieu de privilégier la réflexion sur les politiques. Les fausses bonnes idées se sont multipliées. Créer une Communauté urbaine rassemblant Paris et la petite couronne ? Cela introduirait un nouvel échelon dans le millefeuille institutionnel, générateur de lourdeurs, et cela laisserait de côté la grande couronne, pourtant également concernée. Supprimer les départements ? Collectivité historique, dynamique et solidaire, combinant proximité et cohérence territoriale, les Conseils généraux disposent d’une véritable administration en prise avec les territoires. Il est de toute façonillusoire de vouloir faire coïncider la gouvernance avec une réalité territoriale extrêmement complexe et en perpétuel mouvement. D’urgence imposons un moratoire sur les usines à gaz !
Pour faire vraiment bouger les choses, il faut se tourner vers des formes
coopératives et plus élaborées de gouvernance, celles-ci ne pouvant s’articuler que sur des projets. Avant de réfléchir aux structures, partons des enjeux concrets, partons des ambitions de nos territoires, consultons nos concitoyens et sachons répondre à leurs attentes.
1 – Le premier enjeu, c’est celui de la solidarité financière. Les inégalités considérables entre les territoires conduisent à des situations budgétaires totalement déséquilibrées. Le potentiel fiscal varie de 1 à 7,5 entre les communes d’Île-de-France, et de 1 à 2,3 entre les départements. Les plus pauvres sont aussi ceux qui ont le moins de ressources. C’est injuste, car la richesse produite dans les zones les plus riches l’est souvent par des salariéshabitant ailleurs. Rappelons que trois Franciliens sur quatre ne travaillent pas dans leur commune de résidence et 1 sur 2 hors de leur département de résidence.
C’est aussi inefficace car tout le monde gagnerait à un développement plus rapide des zones moins favorisées. Nous proposons donc de renforcer les mécanismes de péréquation, pour financer des projets de développement économique (pôles de développement) et contribuer au financement du logement. Une première étape, réaliste, pourrait consister à mutualiser le
produit des droits de mutation.
2 – Le second enjeu, ce sont les déplacements. Il faut une politique globale des déplacements en Île-de-France avec comme objectifs d’améliorer la qualité des transports en zone dense (la première couronne au bord de la saturation) et de développer l’accessibilité de la deuxième couronne, notamment les liaisons transversales entre les centres périphériques. La transformation du STIF (transports publics) en SDIF, compétent pour l’ensemble des déplacements en Île-de-France, notamment la route, permettrait d’avoir enfin
une autorité unique et cohérente.
3 – Le troisième enjeu, c’est l’habitat. D’urgence, il convient de répondre au droit au logement partout et pour tous. Nous refusons la spécialisation des territoires. En aucun cas, l’élaboration d’une politique audacieuse de l’habitat à l’échelle de l’Ile-de-France ne peut conduire les communes, qui refusent d’appliquer la loi SRU, à continuer de s’y exonérer à bon compte. Oui, il faut plus de logements de qualité et pour tous les franciliens.
4 – Le quatrième enjeu, c’est la préservation de l’environnement et des ressources naturelles. Rappelons que les espaces agricoles et naturels couvrent encore 80% de la superficie régionale (53% en cultures, 23% en forêts et le reste en parcs et jardins). Alors que l’urbanisation continue sur un mode extensif avec le triomphe du modèle pavillonnaire, il est urgent d’améliorer la gestion à l’échelle du bassin parisien des enjeux
environnementaux, économiques et sociaux liés à la pression urbaine et au réchauffement climatique.
Voilà quatre enjeux concrets, articulés à des projets précis, dont la mise en oeuvre est possible rapidement. A l’échelle de la métropole Paris Ile-de-France, pensons concrètement et agissons, comme nous sommes habitués à le faire dans nos départements.
Vincent Eblé, Michel Berson, Claude Bartolone,Christian Favier, Didier Arnal
« Il faut profiter du Grand Paris » |
Didier Arnal, président (PS) du conseil général, se penche aujourd'hui sur l'avenir de la métropole parisienne. |
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DIDIER ARNAL a rendez-vous aujourd'hui à Créteil (Val-de-Marne) avec les quatre autres présidents de conseils généraux de gauche d'Ile-de-France (Essonne, Seine-Saint-Denis, Seine-et-Marne et Val-de-Marne) pour évoquer le Grand Paris. La semaine dernière, le président du département avait déjà pris soin de réunir tous les conseillers généraux pour savoir comment ils voyaient le projet. |
Propos recueillis par Denis Courtine |
Le Parisien , mercredi 18 juin 2008