5 Juin 2008
Par Michèle Leloup, mis à jour le 04/06/2008 à 19:20 - publié le 04/06/2008
Qu'est-ce qu'une grande métropole du XXIe siècle? Jusqu'où va le Grand Paris? Comment concilier écologie et croissance ? Nicolas Sarkozy a chargé dix équipes internationales d'architectes de réfléchir à un "projet d'exception" pour l'avenir de Paris.ors du conseil des ministres du mercredi
Le 4 juin, Nicolas Sarkozy a reçu les dix équipes d'architectes chargées de donner leur vision d'une métropole du XXIe siècle de l'après Kyoto, puis d'appliquer le résultat à l'agglomération parisienne. Le travail est considérable pour imaginer Paris à l'horizon 2040. Réponse en décembre 2008.
Le projet. Le président de la République a fait part de sa "volonté que soit réalisé rapidement un projet d'exception pour l'aménagement de la capitale française. Il a demandé un projet fort, original, réaliste..." et c'est bien là le problème. Que fournir en six mois ? Sinon des perspectives, au mieux des ouvertures que les politiques sauront ou pas mettre en musique.
Christian Blanc, le nouveau secrétaire d'Etat à la Région capitale a tenu un discours direct et simple devant les équipes (architectes, urbanistes, paysagistes, des bureaux d'études, des labos scientifique attachés aux Ecole d'architecture, des sociologues et des géographes (indispensables !) : "Nous devons inventer un art de vivre dans le Grand Paris, il faut que l'on puisse dire qu'il y a quelque chose de particulier à Paris, soit dans la façon de se loger, soit dans la façon de se déplacer, tout simplement qu'il y existe un art de vivre ensemble, et c'est à nous d'en jeter les bases".
Bref, il s'agit d'enfanter une nouvelle ville comme en son temps le baron Haussmann, sauf que l'échelle à changé. Pour l'architecte et urbaniste Jean Marie Duthilleul qui fait équipe avec Jean Nouvel (ensemble ils planchent sur la refonte de la Gare d'Austerlitz) tout le travail de réflexion devra se faire sur l'idée de la ville en mouvement et des transports : "ce qui créé la ville c'est la rencontre".
Adjointe à l'urbanisme, l'élue Anne Hidalgo (PS) ne cachait les enjeux politiques de ce Grand Paris : "La mairie de Paris veut prendre part à la stratégie. Si les élus ne sont pas respectés, alors qu'ils sont une émanation du suffrage universel, nous réagirons" a-t-elle prévenu, saluant Christian de Portzamparc pour la qualité de son travail sur l'Ilot Massena dans le quartier Paris Rive Gauche (le nouveau quatier étudiant de la capitale).
Les équipes. La génération poids lourds (55/70 ans), de rares jeunots, une expérience et des visions du monde très différentes: les Français Roland Castro, Djamel Klouche (le plus jeune), Yves Lion, Jean Nouvel, Christian de Portzamparc et Antoine Grumbach, l'Allemand Fin Geipel, le groupement néerlandais MVRDV, l'Italien Bernardo Secchi et le Britannique Richard Rogers.
Toutes les équipes semblaient à la fois contentes "d'en être", selon les propros de l'architecte Patrick Celeste de l'équipe MDRDV, mais certains semblaient déjà absorbés par le poids de leur tâche tel Yves Lion : "Je rentre des Emirats, le libéralisme forcené n'accouche pas forcément de projet de ville équilibré, franchement, je suis content de voir l'Etat s'impliquer dans le développement du Grand Paris, une occasion pour échanger et se projeter".
Un regret. Le manque d'ingénieurs, d'informaticiens de la Drif capables de fournir des données très utiles sur les mouvements de la France francilienne.
Les propositions. Pour l'heure, rien n'a vraiment transpiré. L'équipe Grumbach, Jean Marie Charpentier à fait savoir qu'elle allait travailler sur un axe Paris/Le Havre. L'idée peut paraître effarante, encore qu'il n'est pas question de faire une ville sur 200 kilomètres il va de soi, mais de bâtir un territoire dont l'identité première serait la Seine. La trame : renforcer le port du Havre, véritable force économique (comme New York, ou Rotterdam qui draine toute la Hollande, ou encore Shanghai et Nankin avec le fleuve Wang Pu) derrière lequel se trouverait un territoire fort et verdoyant. L'idée est surtout de mettre des forces en commun, des réseaux de communication, un fleuve, et de la matière grise à chaque bout (Paris/le Havre).
L'équipe table sur le fait qu'il existe dans des cartons un projet de Canal entre le Nord et Paris (mais d'argent pour le payer) un axe qui accélèrerait les échanges avec l'Europe du Nord.
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Le Parisien
A L'HEURE OÙ NICOLAS SARKOZY recevait les architectes chargés de plancher sur le Grand Paris, nous avons demandé à un responsable de la SNCF, un membre d'association de banlieue et un chef d'entreprise de réagir sur le projet.
« Faire sauter les bouchons ferroviaires ». Thierry Mignauw, directeur du réseau SNCF d'Ile-de-France, dresse les atouts qu'il voit au Grand Paris : « Le projet m'intéresse parce qu'il offre la capacité de résoudre mieux et plus vite les problèmes posés à la région parisienne.
Il faut dépasser les querelles et les polémiques pour dégager des consensus. En matière de transport notamment, qui est sujet structurant pour l'avenir de la région, les enjeux sont très importants. Le réseau des transports ferroviaires d'Ile-de-France a vu son trafic augmenter de 25 % en huit ans. C'est considérable ! On n'a pas pu suivre. D'où les problèmes de retards et de saturation. Si le Grand Paris aide à prendre les bonnes orientations et à accélérer la mise en oeuvre des solutions, ce sera très bien. »
« Une chance pour la banlieue ». Ameziane Abdat, président de l'association Zy'va, qui organise des cours de soutien scolaire pour les enfants du quartier du Petit-Nanterre, est formel : « L'intérêt principal du Grand Paris serait à mes yeux de rééquilibrer les territoires en améliorant la vie des banlieusards. Aujourd'hui, Paris concentre toutes les grandes écoles et les centres culturels importants. Je rêve de voir s'installer de belles salles de spectacle à Saint-Denis ou à Créteil. Il y a par ailleurs des différences notables entre les départements, en termes de richesse, d'infrastructures ferroviaires ou de logements sociaux. On le voit dans les Hauts-de-Seine, où de nombreuses villes ne contribuent pas assez à l'effort général en matière de construction de HLM. En s'affranchissant de l'échelon local, le Grand Paris permettrait peut-être de décloisonner les choses. Mais je ne suis pas naïf : je sais très bien que ça coince au niveau des départements et de la région, qui veulent continuer à gérer leur pré carré. Si le Grand Paris ne sert qu'à rajouter une couche supplémentaire, alors ce n'est pas la peine. »
« Nous nous préparons déjà ». Le Grand Paris, Alain Ziegler, chef d'entreprise, l'appelle ardemment de ses voeux : « C'est une démarche excellente à laquelle nous nous préparons déjà. » Le patron de Rand, l'un des leaders de la bijouterie fantaisie, avec un chiffre d'affaires de 35 millions d'euros et 180 salariés, arbore des marques populaires comme Bala Boosté ou Lollipos. Pour lui, il n'y a plus de place intra-muros pour des activités artisanales ou semi-industrielles. Rand s'apprête ainsi à délocaliser ses ateliers de montage et de préparation de commandes de bijouteries à Pantin (Seine-Saint-Denis). Quelque 60 employés vont bientôt quitter les trois immeubles du IIIe arrondissement de Paris. « Avec les voies piétonnes et les contraintes logistiques qui interdisent aux camions de circuler à certaines heures, ce n'est plus possible de continuer à travailler comme par le passé », souligne Alain Ziegler. Le regrette-t-il ? « Au contraire. Cela libérera de la place dans nos locaux parisiens pour l'accueil de la clientèle et les ateliers de style... » Ce qu'il attend du Grand Paris ? Une meilleure transversalité des transports en commun. « Aujourd'hui, les lignes SNCF et RATP sont toutes dirigées vers la capitale, alors les salariés qui habitent dans les banlieues du nord-est doivent se rendre à la gare du Nord puis prendre le RER pour rejoindre Pantin. C'est absurde. J'espère que le projet permettra de rationaliser tout ça. »
Il y a 12 heures
PARIS (AFP) - Qu'est-ce qu'une grande métropole du XXIe siècle, jusqu'où va le Grand Paris, comment concilier écologie et croissance ? Dix équipes internationales d'architectes se sont vu confier la tâche mercredi, par Nicolas Sarkozy, de réfléchir à un "projet d'exception" pour l'avenir de Paris.
Le président a reçu mercredi à l'Elysée dix cabinets d'architectes-urbanistes français, mais aussi britannique, néerlandais, allemand ou italien, retenus sur une quarantaine de candidatures pour plancher sur l'avenir du Grand Paris.
Le chef de l'Etat leur a fait part de "sa volonté que soit réalisé rapidement un projet d'exception pour l'aménagement de la capitale française, un projet fort, original, réaliste", a indiqué la présidence dans un communiqué.
Cette initiative fait suite à l'idée lancée en septembre 2007 par M. Sarkozy de "donner le goût de l'audace à l'architecture", appelant à "un nouveau projet d'aménagement global du Grand Paris", lors de l'inauguration de la Cité de l'Architecture et du Patrimoine à Paris.
Penser développement durable et délimiter des "frontières pertinentes" à l'agglomération parisienne sont désormais les sujets déposés sur la table à dessin des architectes-urbanistes, qui vont s'entourer de véritables armadas de géographes, écologistes, chercheurs voire comédiens, tel Jérôme Deschamps, recruté par l'équipe Jean Nouvel.
Il s'agit de "créer une réalité nouvelle à partir d'un rêve collectif, c'est passionnant", a indiqué la ministre de la Culture Christine Albanel qui recevait les lauréats après leur passage à l'Elysée.
C'est une "chance unique. On nous a dit de partir d'un projet pour arriver ensuite à sa gestion politique et administrative, c'est une véritable révolution, d'habitude c'est l'inverse", dit Djamel Klouche, architecte et urbaniste.
Ce "regard nouveau, sans idées préconçues de départ", comme le dit l'urbaniste italien Bernardo Secchi, se déclinera dans les mois qui viennent selon les préoccupations de chacun, avec des axes forts: l'écologie, les transports, la mixité.
Antoine Grumbach imagine une métropole qui va jusqu'au Havre, "avec des noyaux urbains le long de la Seine qui devient l'élément fédérateur". L'Allemand Finn Geipel veut "trouver comment réduire les transports".
L'équipe Nouvel entend "se servir des villes telles qu'elles sont pour un projet populaire", selon Michel Cantal-Dupart. Pour Christian de Portzamparc, "on fait le pari d'une croissance qui peut être le moyen de mieux vivre, et non pas l'un ou l'autre. Ce n'est pas évident, mais c'est cela l'enjeu", dit-il.
Jeudi, un comité de pilotage constitué de l'Etat et des collectivités concernées, se réunira au ministère de la Culture pour lancer la consultation. Les projets seront débattus en trois étapes, en septembre, novembre et janvier 2009, puis présentés lors d'une exposition à la Cité de l'architecture et du patrimoine.
Les dix équipes retenues sont les équipes Richard Rogers, Lion, Klouche, Portzamparc, Grumbach, Nouvel, Studio 08, Roland Castro, Geipel-Andi et MVRDV.
Le maire de Paris Bertrand Delanoë (PS) a indiqué qu'il n'avait pas été "convié" à la réunion de l'Elysée mercredi, dénonçant une "opération de communication" du chef de l'Etat, tout comme le président PS de la région Ile-de-France Jean-Paul Huchon, qui s'est demandé si c'était un "coup de com' ou un passage en force".
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