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Pierre Mansat et les Alternatives

Luttes émancipatrices,recherche du forum politico/social pour des alternatives,luttes urbaines #Droit à la Ville", #Paris #GrandParis,enjeux de la métropolisation,accès aux Archives publiques par Pierre Mansat,auteur‼️Ma vie rouge. Meutre au Grand Paris‼️[PUG]Association Josette & Maurice #Audin>bénevole Secours Populaire>Comité Laghouat-France>#Mumia #INTA

Un Grand Format de Libération : Grand Paris,bordel organisé

Un Grand Format de Libération : Grand Paris,bordel organisé
Un Grand Format de Libération : Grand Paris,bordel organiséUn Grand Format de Libération : Grand Paris,bordel organisé

Libération: 


GRANDPARIS,

«BORDEL» ORGANISÉ

Auteurs d’un atlas historique des abords de Paris, deux urbanistes passent de la carte au territoire et accompagnent Libé dans trois lieux emblématiques de l’évolution de la capitale.

De l’île de la Cité au Vexin, de Cergy-Pontoise aux villages de la Brie, ils connaissent la région capitale et ses 12 millions d’habitants comme leur poche. Et pour cause : Hervé Blumenfeld (architecte et urbaniste) et Philippe Montillet (juriste et historien) n’ont cessé de l’arpenter au fil d’une carrière qui les a tous deux conduits à l’Institut d’aménagement et d’urbanisme (IAU), pierre angulaire de l’aménagement du territoire de la région Ile-de-France. Cette connaissance géographique tient de la prouesse tant l’expansion urbaine semble avoir laissé Paris incompris, Paris morcelé, Paris éclaté. Comme si rien n’avait vraiment changé depuis que De Gaulle, survolant la région, observa un «bordel» (version urbanistique de la chienlit) qu’il demanda au haut fonctionnaire Paul Delouvrier d’organiser un peu mieux. «Quand la croissance est exponentielle, arrive un moment où elle n’est plus compréhensible», ­explique Philippe Montillet.

Pour mieux saisir la logique de ce territoire, les deux hommes en ont retracé l’histoire en compilant près de cinq siècles de cartes dans un beau ­livre intitulé Environs de Paris. ­Atlas des cartes du XVIe siècle à nos jours (Ed. Dominique Carré, 2018, 39€). «Avec les cartes apparaît une vision systémique du territoire», résume Montillet pour présenter cet ouvrage riche et documenté, qui donne à voir l’évolution des réseaux de routes, des terres agricoles, des zones urbanisées ou encore des massifs forestiers, au fil de représentations de plus en plus précises.

Jusqu’au XXe siècle au moins, on constate autour de Paris l’ampleur des territoires agricoles.

Les cartes qui se succèdent présentent des périmètres différents, tantôt zoomés sur Paris, tantôt élargis à toute l’Ile-de-France, avec un mille-feuille administratif en arrière-plan, qui se dessine dès le XVIe siècle : banlieue, généralité de Paris, gouvernement de l’Ile-de-France, ou tout simplement «environs de Paris», une formulation utilisée sur de nombreuses cartes. Difficile, donc, de savoir où s’arrêtent ces fameux environs, qui se définissent comme la zone où l’influence directe de la capitale ne se fait plus sentir. «Tout s’explique par la ville et sa croissance. Paris a besoin d’un espace pour vivre, d’un hinterland [arrière-pays] qui n’a cessé de s’étendre», résume Montillet. Ce sont donc les besoins de Paris qui décident du visage de ses alentours. Jusqu’au XXe siècle au moins, on constate ainsi l’ampleur des territoires agricoles, certaines cartes laissant même deviner la différence entre les champs dédiés au labourage ou au pâturage et les parcelles plantées d’arbres fruitiers. Jusqu’à ce que l’étalement urbain parisien ne transforme ces terrains en pâtés de maisons. Mais pour Montillet, il ne faut pas négliger l’influence de la Politique agricole commune (PAC) lancée au début des années 60 : «Le marché commun a porté un modèle d’agriculture spécialisée. L’Ile-de-France a conservé l’héritage de grande culture céréalière, ce qui a défait la ceinture maraîchère de Paris.» Il faudra donc encore du temps pour qu’une agriculture locale nourrisse à nouveau les Parisiens.

La perspective historique de l’atlas fait apparaître la croissance de Paris comme un phénomène récent et rapide : sur les cartes du XIXe siècle, la banlieue forme un tissu urbain clairsemé, et seules les cartes des années 20-30 semblent vraiment montrer le début de son développement. Mais attention aux images trompeuses : «Depuis Louis XIV, on essaie de limiter l’étalement urbain», explique Blumenfeld. La planification ne date donc pas d’hier, et le livre documente précisément les plans d’aménagement qui se sont succédé au XXe siècle : Urbs en 1919, Parp en 1934, Padog en 1960, Sdaurp en 1965, Sdaurif en 1976, Sdrif en 1994 et 2013. Si les aménageurs du début du siècle font parfois des plans sur la comète, concevant un immense port fluvial au nord-ouest de Paris, les années 60 mettent en place des dispositifs plus cohérents, dotés d’outils opérationnels.

Hervé Blumenfeld explique : «Jusqu’au début des années 60, on se contentait de prévisions réglementaires, qui se résumaient à de la planification abstraite.» La création de l’IAU en 1960 et l’acquisition d’une réserve foncière permettent au Sdaurp de 1965, conçu sous l’autorité de Delouvrier, de conduire à des réalisations concrètes comme les villes nouvelles censées équilibrer le territoire régional : «Quand on lit les textes de Delouvrier, on trouve mention des zones constructibles, de zones de transition ou de zones agricoles, explique Blumenfeld. Avec une volonté de concentrer le bâti : l’ag­glomération de Cergy-Pontoi­se regroupe aujourd’hui 200 000 habitants, et à l’époque, on prévoyait plus.» L’expansion de la ville aura donc été en partie contenue, à défaut d’être vraiment maîtrisée.

«Il faut prendre en compte un grand espace pour y maintenir des poumons. Sinon, c’est le risque de la ville minérale dans toute sa splendeur.» Philippe Montillet

La Métropole du Grand Paris vient aujourd’hui poursuivre cette histoire. Philippe Montillet s’interroge sur son utilité : «C’est le retour du département de la Seine», ironise-t-il, en référence à l’entité qui associait jusqu’en 1968 Paris et les trois départements actuels de Petite Couronne. En comparaison des schémas d’aménagement précédents, le Grand Paris s’étend ainsi sur un petit périmètre. «Il faut prendre en compte un grand espace pour y maintenir des poumons, explique- t-il. Sinon, c’est le risque de la ville minérale dans toute sa splendeur.»

Les deux urbanistes défendent plutôt l’idée d’une ville modérément dense, avec une plus grande attention portée aux paysages et au cadre de vie. Au fil d’un parcours qu’ils ont élaboré pour Libé, de la première couronne de banlieue parisienne jusqu’aux limites de l’agglomération, ils passent de la carte au territoire pour montrer ce qui, selon eux, marque un bon équilibre territorial en région parisienne.

ST-OUEN, GENNEVILLIERS
VERS LA BANLIEUE ET AU-DELÀ

C’est comme Paris, les prix mirobolants de l’immobilier en moins. Cette analyse optimiste, souvent tenue par des bobos venus faire dans des communes encore populaires de juteuses plus-values, n’est pas sans fondement : la Petite Couronne est équipée en métros, elle a gagné des lignes de tram et elle accueille des bâtiments autrefois réservés à l’intra muros comme le siège de la région Ile-de-France, désormais installé à Saint-Ouen, en attendant l’arrivée du village olympique des JO 2024.

A l’ombre de ce Grand Paris en train de se construire, on retrouve à Saint-Ouen et Gennevilliers les traces historiques d’une Petite Couronne au service de la capitale. Les cartes ont longtemps laissé un peu vide cette partie du territoire francilien, se contenant de localiser les hameaux. Une situation causée par le risque de crue de la Seine, qui serpente dans la zone : «C’est une plaine alluviale, explique Hervé Blumenfeld. Les terres sont inondables, donc riches, et on y trouve quelques grandes fermes près des rives.» A l’époque moderne, déjà, et jusqu’au XIXe siècle au moins, Paris se nourrit en circuit court.

A Saint-Ouen, ex-village de vignerons, certaines rues desservant des maisons ouvrières ou de petits immeubles construits sur des terrains un peu étroits conservent la mémoire des découpages agricoles. «Il y avait des parcelles très petites, des venelles en terre sans égout ni eau potable», ajoute-t-il. Peu à peu , s’appuyant sur la Seine qui facilite les échanges de produits, l’industrialisation érige ces communes en symboles de la banlieue ouvrière, dans la continuité de Paris : certains axes sont ainsi percés pour que les usines des Batignolles soient reliées le plus directement possible au fleuve. L’identité ouvrière est encore visible par la présence d’usines en plein centre-ville, comme celle de PSA, qui cédera cependant la place en 2021 à des activités hospitalières. «Pourtant, l’industrialisation est un phénomène assez récent dans l’Ouest parisien – l’Est avait une ou deux générations d’avance. En 1850, il y avait peu d’usines à Saint-Ouen !» précise Philippe Montillet.

La banlieue sert aussi de réceptacle aux activités qui gênent la capitale. Hervé Blumenfeld explique : «Au début du XIXe siècle, l’interdiction des activités polluantes dans Paris les a repoussées à l’extérieur.» Les déchets de la capitale sont ainsi gérés à l’écart du centre : le Syctom, chargé de la gestion des déchets ménagers dans la métropole, possède un incinérateur toujours en activité, dont la cheminée est l’un des points culminants de Saint-Ouen. A Gennevilliers, le quartier des Grésillons tire son nom de l’entreposage des rebuts de charbon parisien, dont certains morceaux qui grésillaient encore étaient ramassés puis revendus.

Avec la désindustrialisation, les paysages changent vite : en longeant la Seine à Saint-Ouen, on voit que si certaines usines restent, d’autres ont laissé place à de grandes zones d’aménagement concerté (ZAC) avec leurs immeubles labellisés pour leurs qualités environnementales. En traversant la Seine, qui marquait autrefois la limite de la banlieue (le territoire administrativement placé dans l’orbite de Paris), on arrive à Gennevilliers où se succèdent friches, entrepôts, et ateliers. «C’est un paysage horizontal, décrit Montillet, car les ateliers nécessitent un éclairage naturel zénithal.» Ces bâtiments bas et souvent très étendus ont bénéficié lors de leur installation du «vide» laissé par les anciennes parcelles agricoles. Aujourd’hui, ces surfaces suscitent la convoitise des promoteurs, dont on aperçoit les publicités. «Mais le tissu industriel va en partie se maintenir, tout ne peut disparaître», parie Blumenfeld. Ne serait-ce que parce que certaines infrastructures lourdes sont là, comme le port de Gennevilliers et ses 400 hectares.

L’avenir est en revanche à l’intégration des usines dans un environnement de bureaux et d’habitations. La densification donc, mais jusqu’à quel point ? Alors que la voiture longe le parc de l’Ile-Saint-Denis, où pelouses, arbres et équipements sportifs offrent des loisirs aux riverains, Montillet prévient : «Tout reste possible : on peut encore donner plus de place aux espaces verts, et ne pas confiner la Seine-Saint-Denis dans une histoire industrielle.» Il faudrait donc réinscrire ce lieu dans une histoire agricole et «naturelle» qui fut aussi la sienne.

SAINT-GERMAIN-EN-LAYE
LA VOIE ROYALE

Cap sur un coin chic pour poursuivre ce parcours ­parisien : le parc du château de Saint-Germain-en-Laye, où Louis XIV vécut plus longtemps qu’à Versailles.

Evoquer le Roi Soleil, c’est expliquer un peu pourquoi l’agglomération a trouvé à l’ouest une direction privilégiée pour son expansion. «Avant, Paris regardait plutôt vers l’est : Henri IV construit la place des Vosges, on envisage un axe en direction de Vincennes. Mais avec Louis XIV, il y a un retournement de situation», explique Philippe Montillet. «On prétend aussi que c’est parce qu’il voulait voir le soleil couchant», s’amuse Hervé Blumenfeld.

Dans Paris, où l’expansion du Faubourg-Saint-Antoine limite les velléités de développement du côté oriental, cela se traduit alors par l’aménagement de la place de la Concorde, qui ressemblait jusque-là à un égout.Dans son prolongement, de nombreuses cartes dessinent, dès le début du XVIIIe siècle, l’axe qui depuis le Louvre pointe vers la croix de Noailles, au beau milieu de la forêt de Saint-Germain. Alors appelé «Grande Avenue des Tuileries» dans sa partie parisienne, le tronçon deviendra celui des Champs-Elysées et de l’avenue de la Grande-Armée.

Un peu décalée par rapport à cette longue ligne, la perspective qu’offre la terrasse du parc du château de Saint-Germain, en surplomb de la Seine, ouvre sur Le Vésinet et Le Pecq au premier plan, puis La Défense et la capitale. Pour accéder au point de vue, on suit une allée bordée d’arbres, bien proportionnée : «Une terrasse comme celle-là, ça se traite monumentalement», constate Blumenfeld.

A gauche, on aperçoit le pont sur lequel passe aujourd’hui le RER A. Avant lui, le chemin de fer desservait déjà la zone, grâce à une ligne de chemin de fer ouverte en 1837 de Paris jusqu’au Pecq. Le détail a son importance, car cette accessibilité précoce a garanti l’attractivité de l’agglomération : l’intercommu­nalité de Saint-Germain compte 330 000 habitants. Le cas n’est pas isolé, puisque la ligne de Sceaux, ouverte à la même époque et prolongée notamment en direction d’Orsay, a joué le même rôle au sud de la capitale. «Elle a permis de structurer un “axe scientifique” depuis le Quartier latin jusqu’à Orsay où, par exemple, Marie Curie et son mari avaient un laboratoire. Aujourd’hui, il se prolonge jusqu’au plateau de Saclay», explique Montillet. L’actuel dynamisme scientifique tiendrait donc au train du XIXe siècle.

Quand on observe Le Vésinet depuis la terrasse de Saint-Germain, on aperçoit surtout la verdure. Signe là encore d’un héritage ancien, cette fois-ci forestier : ce projet urbain de Napoléon III a pris place sur une forêt que Louis XIV fit planter : «On pouvait probablement voir le roi chasser depuis la terrasse», imagine Blumenfeld, qui souligne que les forêts royales avec leurs chemins en étoile – toujours précisément dessinés sur les cartes de l’époque moderne – ont pu servir de modèle à l’urbain : «La culture des forêts de chasse était le modèle de développement des villes», dit-il.

Le Vésinet, où les principales avenues partent de l’actuelle place de la République, semble en effet suivre ce modèle. Sous le Second Empire, le développement urbain y est rapide : «Ça s’est très vite construit», confirme Montillet. La forêt ne résiste pas mais laisse toute de même une trace : «De nombreux terrains mesurent 2 000 m², c’est l’héritage des parcelles forestières. Il est interdit de les scinder», ajoute l’historien.

Comment préserver les poumons verts qui ont échappé à l’urbanisation ? C’est d’autant plus difficile qu’ils subissent les assauts des Parisiens en manque de chlorophylle : «La forêt de Fontainebleau est foutue, entre chasseurs, piétons, voitures… et pourtant, nombreux sont ceux qui essaient de la protéger», se désole Blumenfeld. La protection de la nature se réduit donc à peau de chagrin, comme sur cet îlot que l’on aperçoit sur la gauche : «C’est l’île Corbière, décrit Montillet, une réserve ornithologique où personne ne peut aller», mais qui est tout de même traversée par les rails du RER. Alors, à tout prendre, pourquoi ne pas sacrifier ces quelques timbres-poste, et les paysages qui vont avec, pour densifier la ville et mieux préserver (peut-être) les espaces naturels qui bordent la métropole ? «Si vous voulez sacrifier le parc du château de Saint-Germain, allez-y, mais il n’y en a plus beaucoup !» grince Montillet. Hervé Blumenfeld, lui, compare la capitale à ses voisines européennes : «Paris est d’une densité bien plus forte que Berlin ou Londres !» Pour eux, pas de doute : le Grand Paris a besoin de parcs et de paysages, pour l’agrément des habitants, mais aussi pour donner de la cohérence, à travers quelques points de vue, à un Grand Paris qui semble parfois sens dessus dessous.

CERGY
VIEILLE VILLE NOUVELLE

«C’est le plus beau site des villes nouvelles», s’exclame Hervé Blumenfeld, du haut de «l’axe majeur» qui surplombe le méandre de l’Oise à Cergy, commune qui marque l’une des extrémités orientales de l’agglomération parisienne, c’est-à-dire de l’espace continûment bâti depuis le centre de Paris.

On se trouve là au premier plan d’une perspective pleine de verdure au bout de laquelle se détachent La Défense et le centre de Paris. Philippe Montillet renchérit : «Delouvrier avait raison, il fallait construire là.» Des cinq villes nouvelles créées ex nihilo dans les années 70 pour répartir la croissance parisienne dans des pôles distincts de Paris, Cergy-Pontoise devancerait donc largement Marne-la-Vallée, Melun-Sénart, Evry et Saint-Quentin-en-Yvelines. Et peut-être même celles qui furent construites à la même époque hors de l’Ile-de-France : Villeneuve-d’Ascq près de Lille, Le Vaudreuil près de Rouen, Berre près de Marseille. La clé du succès, c’est l’alliance du panorama dans ce qui était autrefois un minuscule patelin, côté Cergy, et d’un lieu de patrimoine, côté Pontoise où le centre ­ancien est dominé par la cathédrale Saint-Maclou… et tant pis si la ville nouvelle se construit surtout du côté de l’ancien village. «On a la même chose avec ­Sénart et Melun», précise Blumenfeld.

Mais la carte postale s’arrête-là. Dès que l’on se tourne pour regarder l’axe majeur qui conduit jusqu’au point de vue, on découvre une voie trop vaste, trop monumentale, trop décentrée du reste de la ville, et donc un peu vide. «Sur les échelles d’aménagement, c’est loupé, constate Blumenfeld avant d’ajouter On marque un axe qui n’existe pas.» Quand on reprend la voiture en direction du quartier de la préfecture – un monumental bâtiment de béton «construit pour dire que l’Etat est là», ajoute l’urbaniste – on mesure tout le décalage entre les plans des aménageurs et la réalité de l’utilisation de la ville par ses habitants. La séparation des différents types de circulations à des hauteurs différentes : les voitures roulent sur des voies sans trottoirs, bordées de talus et enjambées par des passerelles étroites réservées aux piétons, qui semblent ne les emprunter que par nécessité. «C’est complètement inhumain !» soupire Philippe Montillet qui conclut un peu plus tard : «Nous aimons nos environs de Paris, mais certaines choses auraient pu être mieux faites.» Quand on s’arrête à pied sur la dalle vaste et un peu froide, on se sent un peu perdu, tant que l’on n’a pas pris les repères qui semblent familiers aux nombreux étudiants sortant du RER.

Quelles vertus ont ces villes nouvelles ? «D’avoir concentré l’urbanisation, sinon on aurait à la place des dizaines de milliers pavillons», explique Montillet. Les chiffres lui donnent raison, puisque l’intercommunalité de Cergy-Pontoise regroupe 200 000 habitants, un peu plus de 82 000 logements (majoritairement collectifs) et 90 000 emplois. Cette concentration est souvent décrite comme la clé pour offrir aux habitants un cadre de vie agréable en leur fournissant à proximité de chez eux et sans long trajet, travail, commerces ou loisirs. Mais à l’échelle de la métropole parisienne, l’équation trouve vite ses limites. «Parmi les habitants de Cergy, nombreux sont ceux qui vont travailler à l’autre bout de l’Ile-de-France», explique Blumenfeld. Entre les pôles d’emplois très attractifs, comme La Défense, ou très spécialisés, comme sur le plateau de Saclay, difficile de faire coïncider résidence et travail.

Après une quarantaine d’années d’aménagement, le bilan des villes nouvelles est en demi-teinte : «Le principe est une bonne idée, mais elles ne se créent pas d’un coup de baguette magique», explique Montillet, qui insiste sur l’importance de leur laisser du temps pour se structurer. Il cite un mot attribué Paul Delouvrier : «Le succès des villes nouvelles, ce sera quand il y aura des cimetières.» C’est-à-dire, quand les gens y auront vécu assez longtemps pour s’approprier les lieux et les transformer. C’est ce qui se passe à Cergy, où les abords de la préfecture ont été réaménagés. «Ça a beaucoup changé depuis quatre ou cinq ans, constate Montillet. Maintenant, il y a un vrai petit centre. Il faut qu’il y ait de la vie, que les gens marchent !» Aux abords de l’Essec, grande école de commerce, une esplanade donne au bâtiment des allures de campus américain. A deux pas de là, on trouve des bâtiments récents dont les rez-de-chaussée accueillent des boutiques. La dalle a disparu du champ de vision. «Comme à Evry ou Choisy-le-Roi, dont les centres redémarrent parce que les dalles ont été supprimées», souligne l’historien. Preuve que ces «villes nouvelles», qui ne le sont d’ailleurs plus tellement, sont comme les autres agglomérations : c’est en recomposant, en reconstruisant, en s’adaptant aux habitants, qu’on les rend vraiment habitables.

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