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Pierre Mansat et les Alternatives

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Sur Le Monde.fr, Guerre d’Algérie : Emmanuel Macron reconnaît le rôle de l’Etat dans la mort de Maurice Audin

Guerre d’Algérie : Emmanuel Macron reconnaît le rôle de l’Etat dans la mort de Maurice Audin

Ce mathématicien communiste, militant de l’indépendance, arrêté le 11 juin 1957 en pleine bataille d’Alger, avait disparu sans laisser de traces.

LE MONDE | | Par

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La décision est historique et pourrait être à Emmanuel Macron ce que le Vél’ d’Hiv fut à Jacques Chirac. Après plusieurs mois de réflexion, le président de la République a décidé de reconnaître la responsabilité de l’Etat dans la mort de Maurice Audin, ce mathématicien communiste, militant de l’indépendance de l’Algérie, arrêté le 11 juin 1957 en pleine bataille d’Alger, torturé par l’armée française et disparu sans laisser de traces.

« Le président de la République a (…) décidé qu’il était temps que la Nation accomplisse un travail de vérité sur ce sujet, annonce l’Elysée dans un texte dévoilé jeudi 13 septembre. Il reconnaît, au nom de la République française, que Maurice Audin a été torturé puis exécuté ou torturé à mort par des militaires qui l’avaient arrêté à son domicile. »

Le geste était attendu depuis soixante et un ans par la famille du mathématicien, devenu l’un des symboles des exactions de l’armée française en Algérie. Le 18 juin 2014, François Hollande avait fait un premier pas en reconnaissant que Maurice Audin ne s’était pas évadé, contrairement à la version officielle, et était mort en détention. Le président socialiste n’avait toutefois pas voulu aller plus loin. Quant à Nicolas Sarkozy, il n’avait pas même répondu à la lettre que Josette Audin, la veuve de l’universitaire, aujourd’hui âgée de 87 ans, lui avait adressée à l’Elysée.

« Pouvoirs spéciaux  » confiés à l’armée

Mais Emmanuel Macron ne s’arrête pas au cas Audin. Pour la première fois, le président reconnaît également officiellement que l’Etat a failli en permettant le recours à la torture lors de la guerre d’Algérie. « Si la mort [de Maurice Audin] est, en dernier ressort, le fait de quelques-uns, elle a néanmoins été rendue possible par un système légalement institué : le système arrestation-détention, mis en place à la faveur des pouvoirs spéciaux qui avaient été confiés par voie légale aux forces armées à cette période », explique l’Elysée.

En 1956, le Parlement français avait voté une loi donnant carte blanche au gouvernement pour rétablir l’ordre en Algérie. Elle avait permis l’adoption d’un décret autorisant la délégation des pouvoirs de police à l’armée, lequel décret avait été mis en œuvre en 1957 par arrêté préfectoral, d’abord à Alger, puis dans toute l’Algérie. C’est ce « système légalement institué qui a favorisé les disparitions et qui a permis la torture à des fins politiques », estime le texte de l’Elysée.

Selon son entourage, la conviction de M. Macron était faite depuis longtemps sur l’affaire Audin. « Il y a peu de cas où la version officielle est aussi éloignée de la vérité historique », estime un conseiller. Lors de la campagne présidentielle, le candidat d’En marche ! avait eu une première longue conversation avec Mme Audin, par l’intermédiaire du mathématicien Cédric Villani, proche des enfants de Maurice Audin (deux sont mathématiciens), aujourd’hui député (La République en marche) de l’Essonne. Plusieurs membres de la famille Audin avaient ensuite été reçus à l’Elysée en février et l’ont été à nouveau le 10 septembre.

Des plaies pas toujours refermées

En reconnaissant la responsabilité de l’Etat dans l’affaire Audin, Emmanuel Macron répond aux attentes de nombreuses associations, qui réclamaient un tel geste depuis des décennies. Le Parti communiste (PCF), qui en avait fait un combat, devrait aussi applaudir.

« C’est un soulagement, un moment historique, l’accomplissement d’une démarche qui permet enfin à la France de regarder en face une partie de son histoire », se félicite Cédric Villani, qui préside également le jury du prix Maurice-Audin, décerné chaque année à deux mathématiciens, l’un français et l’autre algérien.

Mais le chef de l’Etat prend également le risque de raviver des plaies pas toujours refermées. Lors de la campagne, l’ancien ministre de l’économie avait provoqué une vive polémique en déclarant, en février 2017, que « la colonisation est un crime contre l’humanité ».

Même si l’Elysée assure que les associations d’anciens combattants d’Algérie ont été associées à la réflexion sur le cas Audin, Emmanuel Macron s’attend à être critiqué par certaines d’entre elles, mais aussi par une partie de la classe politique, notamment l’extrême droite, qui abhorre toute idée de « repentance ».

Apaiser les souffrances

Pour se prémunir, le chef de l’Etat prend soin de ne pas généraliser la pratique de la torture à l’ensemble de l’armée française. « Le président de la République estime que les actes de certains individus ne sauraient peser sur la conscience de tous ceux qui n’en ont pas commis et n’y ont pas souscrit », indique l’Elysée.

De même, le chef de l’Etat a décidé, parallèlement à la reconnaissance de la torture et de la mort de Maurice Audin, d’ouvrir l’ensemble des archives de l’Etat relatives aux disparus d’Algérie. « Une dérogation générale, par arrêté ministériel, va être accordée pour que tout le monde, historiens, familles, associations, puisse consulter les archives pour tous les disparus d’Algérie. On place la question des disparus au centre », explique l’entourage de M. Macron.

Un moyen d’apaiser les souffrances, qu’elles soient françaises ou algériennes : on estime que plusieurs milliers de personnes, issues des deux camps, ont disparu durant les « événements » d’Algérie, dont 500 soldats tricolores. Selon l’Elysée, le règlement de l’affaire Audin « doit être aussi un symbole qui déclenche quelque chose ».

De la même façon, le chef de l’Etat a décidé de lancer un appel à tous les témoins de l’époque ou à leurs descendants pour qu’ils participent à ce « travail de mémoire », en confiant leurs témoignages ou leurs documents personnels aux archives nationales.

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