27 Juillet 2010
Pour être mondiale, Paris doit être une capitale fluviale
Rendre les voies sur berges aux piétons parisiens a été mis à l’ordre du jour politique par Bernard Delanoë, maire de Paris. Mais les nouveaux loisirs sur les quais comme les balades du dimanche sur la voie express ou Paris Plages ne suffisent pas pour réintroduire réellement le fleuve dans la vie de la métropole. Il importe d’inscrire le projet de la
mairie dans la durabilité par des usages multiples des quais.
Le fleuve, comme vecteur à la fois continental et maritime de la circulation globale, doit permettre à Paris de dépasser son ancien rôle de capitale nationale pour s’affirmer
comme métropole européenne et développer une nouvelle urbanité. Nous restons pour le moment dans une grave exception française au regard des villes d’Europe du Nord
qui utilisent abondamment le fleuve, et pour le plaisir et pour la distribution de leurs marchandises.
Tous les responsables politiques des métropoles du Nord disposant d’un fleuve, de Rotterdam à Hambourg en passant par Anvers ou Berlin, développent des circulations durables où chaque convoi fluvial peut remplacer plus de 200 camions.
Pendant ce temps, quelque 30 millions de tonnes de marchandises continuent d’arriver
chaque année dans Paris par la route, produisant la majorité de la pollution par transports et accaparant un quart de la voirie publique.
Au-delà de la pollution des citadins, le tout routier dans la métropole devient aussi un problème pour les marques françaises de taille mondiale et leurs distributeurs ou armements.
Carrefour, Monoprix qui communiquent sur le transport fluvial moins polluant de ses produits
importés d’Asie, ou encore Tang Frères, numéro 1 européen de l’épicerie asiatique qui approvisionne déjà par palettes ses supermarchés parisiens, sont parmi les entreprises
qui sont à l’initiative d’une plus grande utilisation du fluvial. Car en termes financiers aussi, les
embouteillages coûtent cher en maind’oeuvre et mobilisation de matériels puisque la géoéconomie globale conduit dorénavant les camions de conteneurs à revenir souvent à vide
vers les ports d’une Europe devenue essentiellement consommatrice.
Du point de vue également des communes riveraines de la région, le fleuve est aussi générateur de plusvalues et d’emplois. Au-delà de la seule desserte du Paris historique,
avec une nouvelle répartition des entrepôts en proximité des fleuves et canaux pour desservir l’Europe par le canal Seine-Nord, il devient un élément structurant de l’ensemble du
territoire métropolitain en devenir.
Plusieurs villes d’Europe du Nord expérimentent des solutions. Amsterdam repense sa city region du port à l’aéroport pour arriver au centre par tramway. Utrecht alimente
ses bars régulièrement en bière par barge sur ses petits canaux en même temps investis par les habitants et les touristes. Pourquoi ne pas apporter le champagne au coeur de Paris par les
canaux de la Seine et de la Marne ? Vecteur des produits de la mondialisation, le fleuve peut en effet tout autant alimenter quotidiennement Paris en produits de l’agriculture de proximité. Les New- Yorkais l’ont déjà expérimenté pour leurs produits maraîchers au bord de l’Hudson et poursuivent la réflexion.
L’originalité de ces expenences repose sur un mode de gouvernance liant initiatives publiques de la ville et coopérations avec des firmes innovantes pour créer des réseaux, mutualiser des activités, susciter de nouveaux entrepreneurs. Innovations techniques et sociétales sont
aujourd’hui étroitement liées au sein de la métropole.
Une nécessaire gouvernance métropolitaine pour agir des usages «multiples» du fleuve.
La question ne peut donc se limiter aux restrictions de la circulation
automobile imposées d’en haut pour devoir surtout susciter débats et
solutions alternatives. Plusieurs études de transferts d’activités vers le fluvial et leur rentabilité ont ainsi eu lieu à Paris, mais elles restent toutes confidentielles, tant les lobbies routiers sont puissants sur le marché et dans l’Etat. Plusieurs innovations technologiques sont impulsées,
comme de nouveaux espaces logistiques de proximité, réseaux de consignes, camions propres qui impliquent nécessairement un partenariat public-privé ainsi qu’une mutualisation de la distribution. Ces expériences font également coopérer les collectivités locales au sein du
territoire francilien.
L’ère industrielle est forclose, l’utile et le ludique entretiennent désormais des relations productives dans et pour la métropole. A condition d’inscrire toutes ces potentialités
fluviomaritimes dans les débats de gouvemance sur le devenir métropolitain de Paris
Par Thierry Baudouin et Michèle
Collin Sociologues au CNRS