14 Décembre 2009
Paris métropole, comment aller plus loin ?
L’avenir de la région capitale mérite plus que le texte de loi qui vient d’être voté à l’Assemblée nationale. Je voudrais revenir à quelques idées simples pour expliquer pourquoi je ne peux accepter d’en rester là.
Il faut renforcer l’attractivité de la métropole. C’est un enjeu essentiel. Le projet du Gouvernement a ramené ce défi à une proposition inadaptée : miser sur la création de zones de production spécialisées comme locomotive du territoire. Ce pari procède d’une mauvaise lecture de la mondialisation. La vitalité, la performance de l’économie ne tiennent plus aujourd’hui à la présence sur un petit territoire d’acteurs d’un même secteur. Elle est bien plus ancrée dans la mise en réseau, le partage et l’interpénétration. Les entreprises, les laboratoires de recherche eux mêmes s’organisent en réseau, s’affranchissant des effets de frontières, comme en témoigne la dynamique réussie de quelques grands pôles de compétitivité mondiaux, à l’image de Cap Digital en Ile de France.
Les politiques publiques doivent renforcer l’attractivité de la métropole et, en même temps, être les garants de la justice sociale et d’une bonne économie des ressources. C’est cela, et rien d’autre, la ville durable. Ma conviction est qu’en se battant pour une métropole juste, on construira une métropole durablement attractive. Pour ceux qui la vivent, et non pas d’abord pour ceux qui ne font que la traverser.
Notre territoire, parce qu’elle est au cœur de la mondialisation est tous les jours mis en concurrence avec les plus grandes capitales du monde. Mais, à quelques kilomètres de distance, souvent au sein de la même ville, se côtoient engagement dans l’économie monde et ségrégation urbaine. Une partie de ceux qui font vivre la métropole : étudiants, Infirmiers, personnels de service, employés, ouvriers, les classes populaires - peinent à trouver leur place dans cet espace en mutation. Il est temps que les politiques publiques changent de braquet et se déploient à une échelle pertinente. C’est le seul moyen de s’attaquer sérieusement aux territoires de relégation, de construire un développement durable parce qu’il crée du lien entre des territoires.
Je suis convaincu que l’échelle de la métropole est fondamentale, qu’il faut inventer des politiques urbaines partagées à ce niveau, sur le logement, sur la résorption de l’habitat indiqne, sur l’attractivité économique, sur l’engagement écologique… Parce que c’est là que se joue la vie quotidienne de millions de gens et que se construit la ville de demain. C’est pourquoi, dès 2001, Paris a engagé un travail résolu de coopération avec l’ensemble des élus franciliens pour construire les contours d’un projet commun. C’est le sens de la création de Paris Métropole, espace inédit d’élaboration collective entre élus de toute sensibilité ayant mis en avant leur volonté de se saisir des enjeux à l’échelle où les vivent les citoyens.
Oui, comme beaucoup, j’avais trouvé encourageants les propos du président de la République le 29 avril dernier. Alors que lui étaient présentés les projets des architectes, il avait même qualifié Paris Métropole d’ « Agora », et semblait ouvert à une synergie loyale avec les élus locaux. Le résultat n’a pas été à la hauteur. Ainsi, c’est Jean Nouvel qui récemment, regrettait ce « projet de loi conflictuel qui ne donne aucune garantie d’utilité publique s’il n’est pas relié à une stratégie urbaine précisée et située ». (Le Monde – 21 octobre 2009). Les travaux des urbanistes sont en effet, une source si riche d’idées, de réflexions collectives, de confrontation et de débats que je plaide encore pour que nous puissions collectivement nous saisir de ces questions et élaborer des réponses communes.
Je propose donc à l’Etat un partenariat moderne et efficace pour inventer la métropole parisienne du 21ème siècle. Autour des équipes de la consultation internationale du Grand Paris, avec l’Etat, la Région, Paris Métropole, et l’association des maires d’Ile de France, créons l’Atelier du Grand Paris. Arrêtons des choix, identifions les territoires et les projets métropolitains prioritaires et veillons à donner du sens à cette démarche. Paris Métropole s’est déjà engagé sur cette voie en travaillant avec ces dix équipes.
Précisément, renforcer la construction métropolitaine, c’est permettre à Paris Métropole de grandir en poursuivant son ouverture en direction des maires et des élus franciliens, de droite comme de gauche. La société du Grand Paris, créée pour construire le « grand huit », est un outil technique conçu par et pour l’Etat : elle ne peut et ne doit être le lieu de la gouvernance métropolitaine. Celle-ci doit s’inventer au sein de Paris Métropole, conçu comme lieu d’action qui entreprend, développe des instruments de solidarité financière, porte des projets métropolitains concrets sur le logement, pour l’emploi, pour le développement durable. Paris Métropole est le pôle où doivent s’inventer de nouveaux rapports entre collectivités, avec les citoyens, assumant de rechercher une voie nouvelle qui ne se réduise pas aux schémas institutionnels classiques. La démocratie doit reprendre ses droits dans le débat sur la métropole : c’est ainsi que nous serons à la hauteur des enjeux et d’une certaine idée de l’ambition métropolitaine.
Bertrand Delanoë
Maire de Paris
dans Les Echos le lundi 14 décembre 2009