25 Janvier 2008
Préécipitez vous sur ce petit bouquin. extraits de la "CONCLUSION" Pour une “nouvelle critique territoriale”
En conclusion, on voit donc que le modèle territorial qui gagne actuellement, sur le plan d’un développement à la fois économique, social et démographique, est, contrairement à ce qui paraissait établi, celui de territoires faiblement “métropolisés”, peu exposés à la mondialisation, et qui souvent captent plus encore qu’ils ne créent les richesses. Leur offre est d’abord territoriale, par l’exploitation plus ou moins mesurée de leur rente paysagère, et leur activité plutôt tournée vers les ménages, low-tech et à faibles gains de productivité (d’où la croissance de leur emploi et leur succès dans la lutte contre la pauvreté). Les territoires les plus industrieux et les plus productifs, dont les capacités de production de richesse sont – sur le papier – infinies et qui mettent en œuvre des facteurs de production dont la part renouvelable s’accroît sans cesse (le capital humain), quant à eux, parviennent de moins en moins à associer le développement social et démographique à leurs performances de développement productif, au contraire. On est loin du schéma du déséquilibre cumulatif, au profit des métropoles les plus riches, que nous ont prédit les économistes. Au moment où la question du “travail” est posée comme un grand débat national, on constate que ce n’est plus lui qui fabrique la géographie du succès de nos territoires. Les régions-wagons vont désormais plus vite que les régions-locomotives, alors que le développement des premières dépend largement de la croissance assurée par les secondes. Peut-on continuer à penser, comme nos grands-pères, que les principaux problèmes territoriaux du pays sont aujourd’hui ceux des traditionnelles zones aidées, du monde rural ou d’un Ouest qui se serait tenu à l’écart de la croissance ? Dans le registre économique, c’est au contraire la fragilité de nos métropoles – au moment où on nous dit que l’avenir de l’économie du pays repose sur elles – et de nos grands territoires industrieux, qui devient cruciale. Dans le registre du développement humain et de la cohésion sociale, c’est à l’intérieur de nos métropoles que les situations se dégradent de la façon la plus inquiétante. Ces phénomènes doivent interroger aussi sur le sens que peut avoir une décentralisation ou une régionalisation accordant plus d’autonomie politique à des territoires dont l’interdépendance économique n’a cessé de s’accroître. Et cela dans un contexte dans lequel le gouvernement central, par sa posture de seul garant de l’intérêt national et de la “cohésion territoriale”, affranchit de ces impératifs les collectivités territoriales qui n’ont donc à s’occuper que de leurs intérêts particuliers. Autonomes et également légitimes, nos régions et nos villes “ fonctionnant comme de petites nations et fabriquant de petits États ” , courent le risque de confondre compétition entre elles – notamment sur la captation d’un revenu plus encore que d’investissements productifs de plus en plus mobiles – et compétitivité nationale. De plus, elles reproduisent vis-à-vis de leurs territoires locaux, comme des poupées russes, cette même posture que le gouvernement central a vis-à-vis d’elles. .... Les régulations publiques nationales ne sont plus un élément de correction. Elles sont devenues un facteur exogène déterminant du devenir de territoires dont l’identité autonome et la légitimité, dans le même temps et paradoxalement, ont accédé au rang de droits absolus.....
Si les analyses qui sont esquissées ici recèlent un peu de sens, il est urgent, avant d’en tirer les conséquences en termes d’action publique, de les approfondir, de les valider, afin de fonder la nouvelle grammaire du développement territorial qui permette à tous les territoires de se situer dans ce nouveau système économique territorial. ....... La nécessaire émergence d’une “ nouvelle critique territoriale ” ne peut plus se ramener à la simple application aux territoires de grilles idéologiques ou académiques établies dans le champ social. Elle doit viser à faire émerger ce qui apparaît comme une véritable autonomie des mécanismes territoriaux et de leur analyse. Mais cette nouvelle critique territoriale reste encore à construire avant d’inventer enfin un modèle spécifique de gouvernance territoriale intégrée qui ne soit plus seulement la maquette, répétée à tous les échelons géographiques, d’une gouvernance nationale sans intelligence ni stratégie locales.