De bonnes idées pour le boulevard périphérique de Paris
23 Décembre 2007
Rédigé par Pierre MANSAT et publié depuis
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A l'Arsenal l'équipe Trevelo / Viger-Kolher a présenté l'étude d'insertion urbaine duboulevard périphérique de Paris. Cette étude sera en ligne dans quelques jours sur le site de la Ville de Paris [ www.paris.fr] , rubrique Paris métropole. Je vous propose en avant première quelques propositions concernant la Porte de Bagnolet et la section limitrophe de la rue Le Vau, ainsi que celles sur la partie en viaduc dans le 18e arrondissement
Je souhaite que ce travail exigeant, minutieux, détaillé contribue à un débat stratégique sur l'avenir de ce Boulevard et des quartiers qui le bordent. Je ferai quelques commentaires dans les jours qui viennent. Pour l'occasion j'ai ressorti un article et une interview de 2003, publiés par l'Humanité.
Entretien. Pierre Mansat, maire adjoint de Paris. " Il n’y a pas de limite infranchissable " Pour Pierre Mansat, maire adjoint chargé des relations avec les collectivités territoriales d’Île-de-France, la Ville de Paris souhaite situer les boulevards périphérique et des Maréchaux au cour de l’agglomération. Le boulevard périphérique est-il aujourd’hui une réelle coupure physique et psychologique de Paris avec sa banlieue ? Pierre Mansat. Oui, bien sûr. Les concepteurs du périphérique n’avaient pas forcément cette idée-là en tête. Au moment où il a été décidé et réalisé, il devait s’inscrire dans une extension de Paris par une nouvelle enceinte. De fait, la coupure urbaine est très forte dans certains endroits. On voit sur les images du chantier présentées à l’exposition du Pavillon de l’Arsenal que dans les zones qui ne sont pas construites, il y a de sentiers, des voies de passage. Le périphérique les a supprimés. La coupure est aussi psychologique : c’est la fin de la Ville pour Paris et ses voisins. On vient buter dessus et ses abords sont souvent peu valorisés, mal entretenus. L’expression " au-delà du périph " le traduit symboliquement en langage courant. La banlieue proche s’est-elle développée en tournant le dos au périphérique ou au contraire en espérant rétablir des liens avec Paris ? Pierre Mansat. Il y a eu une période politique où la banlieue s’est construite en opposition à Paris. Elle s’est constituée une identité en résistant à Paris, la ville du pouvoir, dominée par la droite et la bourgeoisie triomphante. Elle a mené des projets très importants en matière de logements, d’équipements culturels, d’équipements publics. Les deux phénomènes ont convergé : Paris se coupait de ses voisins et ceux-ci se protégeaient de Paris et de sa spéculation foncière. Le résultat - que personne n’avait voulu - fut cette coupure physique. Il y a aujourd’hui une évolution très importante : tout le monde a pris conscience que le développement de Paris est étroitement lié à celui de ses voisins et, réciproquement, l’attraction de Paris est un atout pour tout le monde. En fait, on redécouvre ce que les urbanistes appellent l’interface. On peut dire qu’il s’agit d’une vraie révolution, culturelle, politique. La limite est-elle devenue infranchissable ? Pierre Mansat. Non, le boulevard périphérique n’est pas une limite infranchissable même si parfois cela se fait dans des conditions périlleuses. Par exemple, les Parisiens riverains des centres commerciaux de la porte de Montreuil ou de Bagnolet traversent régulièrement les grands carrefours des portes pour faire leurs courses. C’est pour cette raison qu’il faut mener à bien des projets d’aménagement. La couverture est-elle la solution idéale ? Pierre Mansat. Nous l’avons entreprise pour trois sections de 1,2 ou 1,3 kilomètre. Il y a beaucoup de projets et tous sont liés aux nuisances sonores. D’un point de vue financier et urbain, ce n’est pas la seule solution. Une couverture avait été évaluée en 2001 à un million de francs (150 000 euros) le mètre linéaire, uniquement pour la pose de la dalle. Nous ne voulons pas nous inscrire dans cette seule alternative, financièrement inaccessible et très longue. Et comment ferait-on sur les sections en viaduc ? On peut par contre travailler sur la réduction de la pollution des camions et du trafic des utilitaires, par exemple en favorisant une politique de fret marchandises. C’est ce que projette la municipalité avec les plates-formes logistiques. L’objectif est une politique de développement urbain qui fasse passer le périphérique du statut d’autoroute à un statut différent. Un architecte a émis l’idée d’un ring parisien. Si on prend de la hauteur, on peut considérer que le périphérique et les boulevards des Maréchaux constituent le cour de l’agglomération. On redonne aux portes un statut de seuil, autour desquelles se constituent de nouvelles centralités. C’est ce que nous faisons aux portes de Montreuil, d’Ivry, d’Aubervilliers et dans le secteur Chapelle-Clignancourt. Ces grands projets parisiens inquiètent tout de même les communes riveraines qui s’inquiètent d’un détournement de trafic sur leur territoire. Et auront-ils un impact sur le périphérique ? Pierre Mansat. Il n’y a pas de structure de coordination, de concertation entre Paris et les villes limitrophes, et c’est un butoir. Quand la municipalité a instauré une nouvelle politique de stationnement, nous avons avec Denis Baupin écrit aux maires des communes limitrophes pour les avertir des répercussions de nos projets. C’est notre façon d’engager le débat. Aux communes riveraines de faire à leur tour leur plan de circulation et de stationnement. Pour le tramway des Maréchaux, nous avons travaillé avec elles. La politique parisienne s’inscrit dans une politique définie en commun, celle du plan de déplacement urbain d’Île-de-France qui a pour objectif de réduire la place de l’automobile et favoriser celle des transports collectifs et des autres modes de déplacement. Évidemment, ça a des conséquences. Le périphérique est-il traité à part dans le PDU ? Pierre Mansat. Le PDU ouvre la perspective de traitement du trafic du fret, ce qui n’a jamais été entrepris. On a diminué de 3 % en dix huit mois le trafic automobile dans Paris alors que l’objectif du plan était une diminution de 5 % en cinq ans. Cela ne peut être sans effet sur la circulation du boulevard périphérique. Celui ci restera une grande infrastructure. Il y a de nombreux exemples dans le monde de transformations d’autoroutes en boulevards urbains. Madrid en est un. C’est d’abord une affaire de volonté politique. Il n’y a effectivement pas de projet global sur le périphérique mais un projet parisien de la couronne. Nous mettons en ouvre des politiques urbaines d’aménagement sur les portes de Paris, notamment sur le nord-est. Donc, on travaille pour améliorer la vie dans les secteurs les plus délabrés. Il n’y a pas un projet autonome mais celui d’un grand projet de la municipalité parisienne pour les vingt prochaines années. Et il n’a de sens que si on le conçoit en partenariat avec les communes voisines. Propos recueillis par Jacques Moran _______________________________________________________________________
Anniversaire Le périph a trente ans La réalisation de cette voie parisienne s’est achevée il y a trente ans. Anneau automobile d’une densité sans égale en Europe, il a accru la coupure physique et morale entre Paris et sa banlieue. Trente ans, presque jour pour jour. Le 23 avril 1973, le boulevard périphérique de Paris est officiellement bouclé. Les 3,1 kilomètres qui courent de la porte Dauphine à celle d’Asnières constituent l’ultime tronçon livré à la voracité automobile. Seize années s’étaient écoulées depuis le premier coup de pioche porté du côté de la porte d’Orléans, au raccordement de la future autoroute du Sud. D’un point de vue juridique, le périph est une voie communale parisienne. Cela lui confère quelques-unes de ses caractéristiques. Contrairement aux autoroutes et voies express, la priorité à droite est de règle, favorisant les entrants sur les circulants. Les chaussées sont dépourvues de bande d’arrêt d’urgence mais bordées de trottoirs sous lesquels passent de multiples réseaux. La vitesse y est cependant limitée à 80 km/h au lieu des 50 de la voirie citadine. Et il possède deux traits autoroutiers : dépourvu de tout croisement, il n’est que lieu de transit, tout arrêt y est prohibé sauf cas de force majeure. On estime à 1,2 million le nombre moyen de véhicules qui l’empruntent chaque jour ouvrable pour des parcours très variables. Entre les portes de Bercy et de Bagnolet, on compte chaque jour ouvrable quelque 300 000 voitures et camions. Mais ce boulevard, la voie la plus chargée d’Europe, n’est-il - qualité fondamentale pour les uns, tare rédhibitoire pour les autres - qu’un aspirateur à voitures ? Entièrement construit sur le territoire de la commune de Paris, sur la " zone " issue des ultimes fortifications, cette artère se confond à quelques mètres près avec les limites administratives de la capitale. Au-delà de la liaison entre les autoroutes radiales alors projetées, le premier projet, élaboré en 1943, lui assignait une fonction urbanistique et politique claire : " Il importe d’éviter à tout prix que Paris ne coule dans une banlieue qui l’enliserait à nouveau pour un siècle. Paris, grand salon de l’Europe, requiert des soins, des sacrifices et des égards particuliers, et il doit être défini d’une manière élégante et précise, afin que les étrangers, abordant l’Île-de-France, puissent dire : voici Paris, sans le confondre avec Levallois, Aubervilliers, Pantin, Vitry ou Malakoff " (1). Quelques mois plus tôt, inaugurant les travaux de la Commission d’études de la région parisienne, le maréchal Pétain en personne décrivait cette banlieue dont il convenait de démarquer Paris : " Cette enceinte de misère et de laideur qui afflige à la fois le cour et la raison. " Dans la forme, il s’agissait pourtant d’un boulevard bordé d’arbres et pourvu de contre-allées, sorte de doublure majestueuse des Maréchaux. Quand le projet est lancé en 1953-54, les ambitions affirmées sont aux antipodes des précédentes. Il n’est question que de " suture " entre Paris et sa banlieue, de " mise en harmonie des territoires urbains et suburbains qui le jouxtent " (2). Pourtant le choix d’en faire une voie express, les solutions techniques retenues (pour une part tributaires des moyens de l’époque) ainsi que les multiples compromis sur le programme allaient de fait conduire à la mise en ouvre caricaturale des conceptions antérieures. La coupure physique ainsi édifiée entre Paris et sa banlieue va s’avérer d’autant plus profonde et durable qu’une autre va bientôt s’y superposer. Au 1er janvier 1968, la réforme politico-administrative de la région parisienne fait éclater le département de la Seine, dissociant Paris des 80 communes " suburbaines " de sa périphérie au premier rang desquelles se trouvent les 22 communes riveraines du boulevard périphérique. C’est dans le même temps historique, de l’après-guerre au début des années soixante-dix, qu’il est répondu au moindre coût au besoin massif d’un habitat moderne et que, dans ce mouvement, Paris expulsera massivement ses couches populaires au-delà du périphérique. Conceptions urbaines d’un temps, logiques économiques dominantes, choix politiques explicites liés à des rapports de forces électoraux (c’était au temps de la " ceinture rouge ") se sont combinés jusqu’à établir le périphérique comme une frontière. Une frontière est (presque) toujours lieu de passage, mais sa raison d’être est de marquer une limite entre deux territoires, de rendre tangible l’ici et l’ailleurs. Durant plus de trente ans, Paris - plus précisément la droite, à travers la tutelle gouvernementale sur la capitale jusqu’en 1977, puis directement à l’Hôtel de Ville - a ignoré sa banlieue quand elle ne l’a pas méprisée. Le mur du boulevard périphérique a en quelque sorte symbolisé cet état de fait. Ce temps n’a pas été vain. La banlieue, qui est tout sauf uniforme, s’est affirmée, souvent en se confrontant à des mutations douloureuses. Des mobilisations, des luttes, souvent menées de part et d’autre de la frontière, y ont déjà imposé des aménagements. Aujourd’hui, la volonté de requalifier bien des quartiers en souffrance aux franges de la ville, les projets de réaménagement d’ampleur de nombreuses portes, l’impossibilité (souvent soulignée par Bertrand Delanoë) pour Paris d’apporter seul des réponses harmonieuses à une multiplicité de besoins, ainsi qu’une autre conception des rapports entre collectivités fondent de nouveaux rapports entre la capitale et ses voisins. Ces projets et démarches devraient conduire peu à peu à effacer et à digérer le périph. Des couvertures lourdes seront dotées d’équipements publics et les coopérations entre ses deux rives sont appelées à se multiplier. Restera le flot automobile et l’indispensable réduction de ses pollutions. Marc Blachère (1) Mestais, chef des services techniques de topographie et d’urbanisme, " Projet d’aménagement de la ville de Paris ", 1943, cité dans la Ville du périphérique. (2) Séance inaugurale de la Commission d’études de la région parisienne, 5 février 1942, même source.