7 Mai 2007
Un projet de « métropole pour tous » n?a-t-il pas besoin de l?engagement de citoyens ? Comment assurer leur participation et leur implication ? Quelles places peuvent tenir les villes de périphéries pour ce développement de la démocratie ?C'etait une table ronde du Forum des Autorités Locales de Périphérie.
Je representais la Ville de Paris, Bertrand Delanoë étant retenu par un impératif de dernière minute. L'intégralité des actes est sur le site du FALP. http://www.nanterre.net/falp/sommaire.php3
Extramuros, la publication que je dirige a publié un numéro spécial consacré à cette rencontre. http://ddata.over-blog.com/xxxyyy/0/54/07/70/extramurosfalp.pdf
Participent à la conférence: Carlos DE SOUSA : Maire de Setubal ? Métropole de Lisbonne- Portugal ; Maria SALMERON CHARC : Maire de Viladecans- Métropole de Barcelone- Espagne ; Olivio DUTRA : ex ministre de la ville du Brésil, ex Maire de Porto-Alegre ; Jordi BORJA : Urbaniste ? Espagne ; Christian LEFEVRE : professeur à l?Institut Français d?Urbanisme ; Pierre MANSAT : Adjoint du Maire de Paris et chargé des relations entre la ville de Paris et les territoires de périphérie ; Guy BURGEL : Géographe urbain Université Paris X Nanterre. Modérateur : Gilles VRAIN, ADELS.
Gilles VRAIN C?est dans les métropoles que se pose la question et que se vivent les enjeux de transformation de notre démocratie, ou du moins de notre cadre démocratique. A l?échelle métropolitaine se concentre la fracture que nous observons distinctement entre les territoires d?enjeux et les territoires démocratiques, c'est-à-dire la crise de la représentation démocratique. C?est dans les métropoles, mondes très complexes dans lesquels nous vivons de plus en plus nombreux et dans ses périphéries que se concentre le plus de jeunesse. C?est là qu?il est possible de commencer sa vie, et non dans des centres inaccessibles lorsque l?on est face à des problématiques de logement et de travail. C?est aussi dans les périphéries que se concentre la diversité culturelle de nos mondes. Ce sont également dans ces territoires que les tensions entre l?économique et le social, c'est-à-dire les enjeux de solidarité, sont les plus fortes. Cette analyse rapide des métropoles et de leur rapport à leur périphérie nous permet de distinguer deux défis majeurs à relever. Le premier est celui de la démocratie. Au regard de la question qui nous est posée aujourd?hui, je ne suis pas certain qu?il s?agisse seulement d?un problème de représentation, de légitimité politique ou de démocratie participative. En tous cas, cela ne peut se résumer à un seul problème de participation. Le problème est davantage celui du renouvellement de nos contrats démocratiques. Ce n?est pas véritablement la participation par rapport à la représentation qui nous semble en crise, mais plutôt le contrat démocratique qui lie les deux. Concrètement, il s?agirait tout d?abord d?inventer de nouvelles formes de débats permettant à tous de s?exprimer, en dehors du cadre des débats souvent convenus des instances représentatives. Ce renouvellement pourrait revenir à former du jugement collectif sur les grandes questions que nous avons à résoudre, ce qui pose le problème de l?information démocratique, de la pédagogie et du rôle de l?éducation populaire. L?évaluation démocratique pourrait également être mobilisée utilement. Il s?agirait enfin de renouveler les conditions de la décision publique. Le second défi majeur auquel nous conduit l?analyse des métropoles réside dans la réponse que pourraient proposer les villes de périphérie aux grands débats sur les finalités du développement durable. Nous sommes en train de changer nos modes de réflexion et nos comportements sur les conditions de notre développement. Quel nouveau développement pourrait être inventé dans les périphéries et les métropoles ? Comment se poser les questions de développement durable à l?échelle métropolitaine ? Sur un certain nombre de finalités du développement durable, nous percevons bien que les choses sont plus concrètes à l?échelle locale, mais que nous ferons plus facilement levier sur l?effet de serre ou le réchauffement climatique par exemple à l?échelle métropolitaine qu?à l?échelle locale.
Jordi BORJA Nous sommes dans une étape historique de révolution urbaine. Ce concept n?est pas nouveau, mais il est certain que nous sommes face à un changement d?échelle territoriale, de base économique et de structures sociales urbaines. Nous trouvons aujourd?hui une nouvelle réalité riche de promesses, avec une maximisation des libertés, des choix d?emplois et de mobilité, mais également des promesses de brassage, de proximité, de dynamisme, etc. Ces promesses ne sont réelles que pour une minorité. Pour une grande majorité, ce sont en revanche des promesses trahies. Jamais il n?y avait eu autant de ségrégation sociale, de distance sociale entre les plus riches et les plus pauvres, d?exclusion sociale et territoriale, de danger de non-durabilité du développement et de risques de non-gouvernabilité démocratique. Lors d?un récent colloque à Barcelone, Saskia Sassen expliquait qu?elle craignait aux Etats-Unis la croissance d?un fascisme urbain. S?il y a non-gouvernabilité, s?il y a non-régulation démocratique il y a un risque que les tentations autoritaires répressives augmentent. Certains responsables politiques sont en France sur cette ligne et ont joué un rôle de provocateurs. De même ma ville, Barcelone, avec un gouvernement de « gauche », vient d?approuver un règlement du civisme qui pourrait être l??uvre d?un gouvernement d?extrême-droite. Les pauvres, les prostituées, les sans-abris, les jeunes qui occupent l?espace public durant la nuit, les immigrés, etc. y sont en effet criminalisés. Plus qu?une révolution urbaine, il serait peut-être plus pertinent de parler de contre-révolution urbaine. Les espaces métropolitains sont des espaces de contradiction mal réglés et mal gérés, en raison du manque de politiques à ce niveau. Ce sont des espaces de contradiction dont le développement est asymétrique. La révolte ne se fait pas donc contre un adversaire, mais parce que la situation n?est plus supportable. Ce problème se pose dans les villes européennes, mais également dans les villes américaines du Nord et du Sud. Dans cette réalité métropolitaine nouvelle et discontinue, l?ancienne couronne ouvrière et industrielle est devenue à présent un espace chaotique où de nouvelles centralités et des banlieues riches se mêlent à des zones d?exclusion. La ville métropolitaine est surtout le résultat de l?expansionnisme de la ville centrale, mais également de la planification sectorielle de l?Etat qui crée la répartition des grandes infrastructures et définit les nouveaux points de concentration. Ceci engendre une situation très difficile, puisqu?à la ségrégation fonctionnelle s?ajoute la ségrégation sociale. A ces deux formes de ségrégation s?ajoutent en outre la distance et l?éloignement. Si nous en restons à ce stade de fragmentation territoriale et politique, je ne pense pas que ces territoires pourront devenir des espaces d?espoir à la hauteur des défis que nous devons relever. La ville centrale a historiquement profité de cette situation, mais elle est également vouée à la crise. Un endroit auquel seules les classes aisées ont accès est un endroit très vulnérable. Est-ce un progrès pour une ville que d?être entourée de collectifs sociaux qui s?y opposent ? Au contraire, la ville centrale a besoin de ses périphéries pour devenir une ville viable. La ville-région métropolitaine, pluri-municipale, multipolaire (diversité de centralités) est en construction. Dans le cadre de cette construction, il ne faut pas se réfugier dans le localisme. Le problème est global à l?échelle mondiale, mais également à l?échelle métropolitaine. Parmi les actions à mettre en ?uvre, la première est une redéfinition de la citoyenneté. Plusieurs initiatives sont en cours en ce sens, comme l?illustrent les nombreuses chartes qui sont éditées. Pour mettre en place et appliquer un projet pour un territoire, il faut également un projet politique pour ce territoire. Ceci impose de dépasser la fragmentation politique actuelle. L?enjeu est de conquérir un pouvoir métropolitain démocratique. L?important est que la périphérie s?unisse et dépasse le cadre local et départemental au travers d?un projet politique territorial regroupant l?ensemble de la grande agglomération.
Gilles VRAIN Je vous propose à présent de profiter de l?expérience d?Olivio DUTRA, ancien ministre de la ville du Brésil et maire de Porte-Alegre. Il va nous faire part de ses réflexions sur la métropolisation et sur le rôle que les citoyens peuvent jouer à l?échelle de ces territoires. Olívio DUTRA Le néolibéralisme, dans sa phase mondialisée, même en ayant perdu une bonne partie de la fascination qu?il a provoquée dès son apparition, survit encore avec beaucoup de force. Nous savons aussi, que c?est justement dans les périphéries des grandes villes que ses effets se manifestent avec une plus grande perversité. La concentration du revenu, l?éloge du bénéfice facile, l?exacerbation de l?individualisme et l?aliénation via la consommation sont des sous-produits du néolibéralisme, qui alimentent la violence et génèrent d?autres formes d?exploitation avec un énorme impact sur le mode de vie des populations les plus pauvres. Notre présence à cette rencontre est certainement en relation avec l?expérience que nous développons, initialement dans la ville de Porto Alegre, étendue par la suite au niveau fédéral, à propos du budget participatif. Celui-ci est né en 1999, quand le front populaire PT, PSB, PCdoB, a été élu à la mairie de Porto Alegre, une ville d?un million trois cent mille habitants, capitale du Rio Grande do Sul, l?état le plus méridional du Brésil. Notre engagement politique était de transformer profondément les relations entre le gouvernement et la population, pour rompre avec la tradition du ?clientélisme? et la cooptation, qui ont faussé les relations politiques dans la ville au fil des années. Il fallait enclencher un processus d?un autre type à l?intérieur duquel naîtrait la nouvelle culture garante des droits des communautés et de leur rôle dans la construction de politiques publiques pour l?espace urbain. Il s?agissait d?encourager et de garantir la participation des personnes et des communautés dans le débat et dans la construction de la proposition du budget public proposé chaque année par les adjoints au maire. Comment assurer une ample discussion publique sur les investissements à réaliser, alors que le budget de la municipalité répondait traditionnellement à une petite fraction de demandes populaires ? Aussi, au départ la discussion a pris une dimension essentiellement transparente et pédagogique concernant la génération de revenus par la ville et l?utilisation de ces ressources. Les communautés ont ainsi pris connaissance de la réalité économique et financière de la mairie, de la collecte de l?impôt ; de la politique fiscale ; des ressources destinées à la rémunération du personnel; de la structure des charges et salaires, etc. Jusqu?alors, le budget était une boîte noire, dont le contenu était connu uniquement de la haute bureaucratie et des techniciens de la mairie. Nous avons ouvert cette boîte noire, et avons exposé la réalité financière structurelle de la mairie. La discussion ne s?est pas limitée aux investissements, mais au budget global des recettes et des dépenses, pour que la population s?approprie ces éléments dans leur intégralité. Le budget participatif a réveillé la conscience citoyenne quant à la nécessité de construire une structure fiscale juste, où tout le monde ressente le devoir de payer ses impôts et le droit de recevoir du pouvoir public la garantie d?une utilisation correcte des ressources. Dans le processus du budget participatif il a par exemple été décidé de réajuster progressivement l?IPTU, l?impôt foncier territorial urbain Au cours des premières années, les principales priorités étaient la qualification du transport collectif, l?assainissement environnemental et le revêtement de la voirie. Une fois définies les priorités, les communautés choisissaient les travaux et définissaient les services dont elles avaient le plus besoin. L?étape suivante fut marquée par des thèmes de préoccupation plus généraux comme le transport collectif, l?humanisation du centre, la réinstallation de communautés en-dehors des zones à risque et la préservation de l?environnement. Le budget participatif s?est heurté à des résistances et les a affrontées même seize ans après son implantation. Une grande partie des médias n'a jamais eu le souci ni la volonté de valoriser le processus, d?informer sur les réunions ou assemblées. Des secteurs qui possèdent leurs propres structures de pouvoir refusent encore aujourd?hui de participer au budget participatif. Il est également apparu une fausse contradiction entre la démocratie représentative et la démocratie participative, comme si ces deux notions étaient antagonistes. Le budget participatif a prouvé que leur existence commune n?est pas contradictoire, mais plutôt la condition urgente et nécessaire à la construction de la citoyenneté, de la citoyenneté pleine et de la consolidation de la démocratie. Après Porto Alegre, le budget participatif commença à être implanté dans d?autres villes du Rio Grande et du Brésil, gouvernées par des forces progressistes. Lorsque le front populaire, PT, PSB, PCdoB, a remporté les élections pour le gouvernement d?état en 1998, il a relevé le défi d?implanter le budget participatif à l?échelle de l?état. Evidemment ce ne pouvait être la simple transposition mécanique d?une expérience développée sur le plan du pouvoir local ? même à Porto Alegre, un Etat comprenant 479 municipalités et une population de 11 millions d?habitants. Beaucoup d?autres forces, d?institutions et d?instances de pouvoir devaient être prises en compte sur l?échiquier du jeu politique dans cet espace. Le processus fut important pour la formulation de politiques qui inversent les priorités et interrompent la politique de privatisation du gouvernement antérieur. La région métropolitaine de Porto Alegre est constituée de vingt-trois municipalités, avec une population totale de trois millions et demi de personnes. Il s?agit de la région métropolitaine la plus au sud du Brésil, plus près de Montevideo, en Uruguay, et de Buenos Aires, en Argentine, que de São Paulo, Rio de Janeiro et Brasilia. Les victoires électorales que nous avons obtenues dans des municipalités de la région facilitent l?implantation du budget participatif dans plusieurs villes comme c?est le cas d?Alvorada, la mairie de la camarade Stela, Viamão, Gravataí, Cachoeirinha, Esteio, de la mairie de la camarade Sandra que est ici avec nous, Estância Velha et São Leopoldo, la mairie du camarade Ari Vanazzi, qui est ici avec nous. Dans les municipalités avec un plus petit degré d?organisation communautaire, les traces de désagrégation sociale sont plus nettes et les conditions d'implantation du budget participatif plus difficiles. Le manque de tradition dans la lutte communautaire laisse les populations plus fragilisées face à ?l?électoralisme?, à la violence et au crime organisé. Le budget participatif implanté au niveau local, depuis 1986, a commencé à inverser ce cadre dans la région métropolitaine. Les communautés ont commencé à être reconnues et à affirmer ainsi leur identité et à lutter pour les droits en gagnant de l?estime de soi. L?interaction et l?échange entre personnes engagées sur le plan social mais provenant de différentes périphéries urbaines, ont créé des liens de solidarité et ont instauré la confiance politique. Carlos de SOUSA L'agglomération de Setúbal en vous disant qu?elle se situe à quarante kilomètres au sud de Lisbonne, capitale du Portugal. Setúbal est une ville portuaire et possède la caractéristique d?être entourée de deux extraordinaires réserves naturelles : le parc naturel de l?Arrábida et l?estuaire du Sado, qui comptent parmi les plus belles baies du monde. Notons que seulement quarante pour cent de nos habitants sont nés à Setúbal, les autres soixante pour cent étant originaires d?autres municipalités, auxquels s?ajoutent un nombre important d?Africains originaires des anciennes colonies portugaises, des citoyens d?ethnie gitane et plus récemment des émigrés des pays d?Europe de l?est et du Brésil. Pour ces raisons, nous sommes aujourd?hui une agglomération qui présente un tissu social caractérisé par une grande pluri-culturalité. Au Portugal les différents gouvernements que nous avons connus ont accordé plus de responsabilités, plus d?attributions et plus de compétences aux municipalités, mais sans les transferts adéquats de moyens financiers. La municipalité de Setúbal a naturellement souffert des répercussions de ce type de problème. Le chômage qui dans notre pays a dépassé les taux les plus élevés de ces dernières années, la crise économique, l?absence d?estime de soi et de relation avec le territoire, ont fait émerger une multiplicité de problèmes que nous devons affronter aujourd?hui. Le citoyen commun se sent chaque jour éloigné des centres de décision, qui traitent des problèmes fondamentaux du quotidien. Les taux croissants d?abstention lors des élections, vérifiés dans la majorité des pays européens, illustrent clairement cet éloignement progressif et même cette défiance de la part des citoyens au regard des institutions et des acteurs politiques. Il s?impose alors, de promouvoir des politiques de proximité, pour que chaque citoyen se sente véritablement un acteur du développement local. Nous avons conscience que ces politiques, en plus de générer des citoyens actifs et responsables, renforcent l?estime de soi locale, contribuent à la cohésion locale dans la communauté et renforcent la démocratie. Défendre et stimuler la qualité de vie dans les quartiers, identifier les priorités de travail, définir les zones et les projets structurants et stratégiques, élargir les espaces de participation, d?intervention et de débat, donner forme et approfondir la démocratie participative, sont des objectifs courants dans la vie de la municipalité de Setúbal. Naturellement, les mairies et les élus, ne doivent pas aliéner leurs responsabilités et doivent exercer pleinement les fonctions qui sont les leurs, l?équilibre entre la démocratie représentative et la démocratie participative. Je vais donner quelques exemples. Les réunions de l?exécutif municipal sont décentralisées : elles se tiennent dans les lieux les plus éloignés du centre du pouvoir, et cela rend la participation du citoyen beaucoup plus intense. Qu?il s?agisse de semaines thématiques, par exemple sur la pêche ou sur l?agriculture, de tout le processus de planification participative, les citoyens peuvent ainsi communiquer leurs opinions sur le futur du Conseil. La démocratie participative, sans l?ombre d?un doute, contribue à l?avènement d?un citoyen plus actif, plus cultivé, plus informé. Mais un citoyen plus cultivé et plus informé est aussi un citoyen plus participatif et un citoyen plus revendicatif au niveau de la ville, du pays. Le forum social mondial a contribué à modifier les priorités des grands décideurs économiques au niveau mondial, notamment celles des réunions du forum économique mondial à Davos. Mais aujourd?hui nous disposons d?un ensemble de réseaux au niveau international qui débattent de ces sujets, comme nous sommes en train de le faire ici aujourd?hui : le forum des autorités locales pour l?inclusion sociale, notre réseau, le forum des autorités locales de périphérie, l?observatoire international de la démocratie participative entre autres, et plus récemment, la grande organisation mondiale, qui rassemble toutes les villes et gouvernements locaux du monde, le partenariat avec l?ONU, le partenariat avec l?organisation mondiale des nations unies. Tous ces réseaux sont très importants pour l?échange d?expériences, pour aligner des stratégies d?action, mais parallèlement nous devons faire sentir notre force et notre détermination au sein des instances qui décident les politiques économiques mondiales. Tel est le bond qualitatif, que nous devons effectuer, en harmonie avec tous les autres réseaux de villes et de régions Pierre MANSAT La conviction de la municipalité parisienne est qu?il n?y a pas de métropole solidaire et durable en l?absence d?un dialogue profond et renouvelé entre le centre et la périphérie, étant entendu que cette formulation ne rend plus compte de la réalité de la métropole, notamment de la métropole parisienne. Cela ne rend en effet pas compte des processus d?éclatement, de ségrégation, de domination ou d?aggravation de la crise. Parallèlement, il n?y a pas de ville centre vivante et dynamique si elle se spécialise socialement en devenant un lieu réservé à des « élites » économiques et intellectuelles, tout en concentrant ailleurs la précarité et l?exclusion, comme nous le constatons à Paris. Paris connaît aujourd?hui un risque de spécialisation. Elle stabilise à présent son nombre d?habitants après en avoir perdu énormément pendant 50 ans. Elle connaît un problème d?accès à l?emploi avec 11 %de chômeurs, ce taux étant depuis 20 ans supérieur à la moyenne nationale et régionale. De plus, 12 % de la population parisienne vivent en situation de pauvreté, et il y a 320 000 habitants dans les quartiers en politique de la ville. Il existe donc bien dans la ville centre : d?une part une extrême richesse qui tend à s?accroître et à s?amplifier ; d?autre part une situation de précarité. A ceci s?ajoute l?éviction des couches intermédiaires. Il y a donc là un enjeu de représentation et de développement extrêmement fort pour l?ensemble de la métropole. La question de l?usage, quant à elle, pose une question démocratique. La métropole, pour une partie des habitants, est également synonyme d?imbrication extrême des activités, des modes de vie, des relations générationnelles, du rapport à l?emploi, etc. Ceci soulève la question d?une pratique des territoires qui modifie profondément les rapports à la démocratie. Nous sommes en effet là dans des pratiques qui outrepassent les frontières administratives et démocratiques existantes. Avons-nous le droit d?intervenir dans des choix qui sont des choix d?aménagement, par exemple pour le quartier des Halles où transitent 400 000 personnes par jour ? Aujourd?hui, dans une métropole comme la métropole parisienne, il existe une très grande fragmentation des pouvoirs démocratiques légitimes, qui sont pour une part inadaptés à cette respiration de la métropole et à la façon dont vivent les citoyens. Cette inadaptation démocratique introduit des éléments de crise préoccupants. Le point de vue parisien est qu?il faudrait dépasser cette absence de réflexion sur cette tension de plus en plus forte pour inventer d?autres modes de gouvernance. C?est ce que nous essayons de faire avec des partenariats bilatéraux de toute nature, mais cela ne répond pas entièrement à cette nécessité. Nous avons donc proposé de travailler à l?émergence d?une scène politique particulière, que nous avons appelée la « conférence métropolitaine ». Cette conférence réunirait des élus du c?ur de l?agglomération, en partenariat étroit avec les élus régionaux, pour faire émerger un lieu de diagnostic et d?élaboration d?une vision commune à l?échelle des enjeux que j?évoquais précédemment. Ary VANAZZI Dans tous les débats auxquels nous avons participé au Brésil, ou ici à Paris ou dans n?importe quel endroit du monde, je me demande toujours quel est le pourcentage de la population que nous réunissons pour définir les thèmes que nous sommes en train de traiter. C?est un petit nombre, petit par rapport au poids des thèmes évoqués. Oussama CARSU, Université Paris X Nanterre Monsieur Borga, vous avez parlé du besoin d?un gouvernement métropolitain. Je m?interroge sur la faisabilité d?un tel gouvernement, notamment au regard des échecs constatés à ce sujet dans différents pays, comme l?Italie. Ne pensez-vous pas que des formes de coopération plus flexibles seraient plus à même de résoudre ces problèmes ?
Pierre MANSAT En ce qui concerne la dernière question posée, dans la proposition parisienne de la conférence métropolitaine, il s?agit bien de répondre à cet enjeu, avec une nouvelle manière de travailler et de dialoguer plus flexible, en visant l?émergence d?un projet commun. Jordi BORGA Il n?existe pas beaucoup d?expériences réussies de gouvernement métropolitain et encore moins d?initiatives périphériques fortes pour proposer des gouvernements métropolitains. Les échecs s?expliquent souvent par une triple alliance inconsciente entre la ville centrale, qui préfère une situation bilatérale et ne pas se responsabiliser du déficit social de la périphérie ; les communes périphériques qui tendent à se défendre au niveau chaque localité, et les grands groupes sociétés de services (pas toutes) et les pouvoirs de l?Etat et de la Région qui préfèrent ne pas avoir une structure métropolitaine puissante avec laquelle ils devraient négocier. L?absence de nombreux exemples de réussite ne signifie pas que cela soit impossible. Des solutions de coopération et de coordination peuvent être mises en ?uvre. Deux questions fondamentales ont d?ailleurs été posées dans ce forum. La première est la crise de la citoyenneté. Toutes les personnes d?un territoire ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Ce sont les institutions politiques représentatives de ces territoires qui doivent mener des politiques publiques pour que ces droits soient effectifs. Or il n?existe pas de droits définis au niveau métropolitain, ni en général de politiques publiques fortes (projets intégrateurs, redistribution des ressources financières, etc) puisqu?il n?y a pas d?institutions qui les représentent. C?est la deuxième question importante : le (relatif) manque de ressources publiques de la périphérie. Pour qu?il y ait redistribution des ressources publiques, il faut quand même une structure politique légitimée par le suffrage universel. Les solutions de concertation et de coordination sont un pas en avant, mais un pas insuffisant, qui ne garantit pas des politiques de rééquilibrages.
Olívio DUTRA Généralement dans nos rencontres qui réunissent les villes d?une région métropolitaine, l?autorité de la municipalité la plus riche, le pôle, ignore, ou va jusqu?à délaisser l?importance de la rencontre. Aussi, la présence de Pierre Mansat ici est très significative. Carlos de SOUSA La question des budgets est fondamentale, dans notre pays. Au regard des attributions et des responsabilités que nous avons, l?argent qui nous provient du budget fédéral est très restreint. A titre d?exemple, si Volkswagen prend la décision de fermer l?usine implantée dans notre région de Setúbal, nous sommes susceptibles de nous retrouver tout d?un coup avec dix mille travailleurs au chômage, avec toutes les conséquences sociales que cela implique. Que peuvent faire les municipalités, avec leurs moyens financiers, qui généralement sont modestes, pour atténuer les problèmes occasionnés par cette décision d?une grande entreprise au niveau international ? Guy BURGEL Nous sommes en train de vivre au niveau de la ville la plus grande révolution urbaine de l?histoire, et ce à un triple point de vue. A l?horizon 2020, nous serons environ 8 milliards d?humains, dont 5 milliards seront urbains. Cette croissance quantitative a d?abord été celle des très grandes villes et des métropoles, et c?est à ce niveau que se posent en qualité les plus grandes contradictions qui ont été évoquées par les intervenants, avec la fois la performance et la richesse, la pauvreté et la marginalisation. De plus, cela a lieu essentiellement au niveau de la périphérie urbaine. Cette situation fait l?objet de très fortes contradictions. Le maire de Setubal nous expliquait que si l?usine de Volkswagen fermait, cette décision globale aurait des conséquences locales. Il s?agit là de la première contradiction de la révolution fondamentale due à la mondialisation. Nous sommes face à de grandes tendances universelles qui ne dépendent pas des acteurs locaux, mais dont ils sont les premiers à subir les conséquences, qu?elles soient positives ou négatives. Nous trouvons ainsi une perte de sens au niveau local, puisque les acteurs sont globaux, mais parallèlement à une prise de conscience de l?identité locale. De plus, nous avons dans les périphéries une forme de dysharmonie croissante entre la réalité métropolitaine et le cloisonnement des acteurs politiques et administratifs. L?agglomération métropolitaine de Paris en est un parfait exemple. Dans une concentration de 10 millions d?habitants et 5 millions d?emplois, nous trouvons environ 500 municipalités de plein exercice qui peuvent, de par la loi, définir leur plan local d?urbanisme. Tout ce qui nous concerne en termes de vie ? emploi, mobilité, environnement, logement ? ne se pose cependant pas à l?échelle des municipalités, mais bien à l?échelle métropolitaine. Or il n?existe pas de compétences administratives et politiques à cette échelle. Parallèlement, nous constatons chez nos citoyens une forte aspiration à la participation locale, et une forte confiance dans la possibilité d?agir et de faire prendre conscience localement des enjeux. Comment conjuguer ces différents éléments ? Je pense qu?il existe pour nous tous une nécessité de pédagogie, c'est-à-dire de faire comprendre que les problèmes les plus locaux possèdent des conséquences ou des moteurs très globaux, et réciproquement. Il nous faut donc faire comprendre la complexité de l?espace et de la société métropolitaine. L?exclusion n?est pas une sorte de mal de la métropolisation, ce qui ne signifie pas qu?il ne faut pas la combattre, mais elle est intrinsèque au mode de métropolisation. Il y a donc, à cet égard, un message de pédagogie active à faire passer. La conquête démocratique du pouvoir est la clé de la compréhension et de la résolution des problèmes métropolitains et de la périphérie. Il existe un vaste chantier devant nous, celui de savoir comment inventer une nouvelle cité à la taille de l?urbain. La périphérie urbaine est bien de la ville, mais il lui manque de la cité, c'est-à-dire de la citoyenneté et des institutions politiques. Le pouvoir est à la fois à prendre et à inventer. Il nous faut pour cela inventer de nouvelles modalités. J?avais ainsi proposé l?idée d?un « territoire institutionnel de projet »1 : projet métropolitain qui dessine lui-même un territoire où les institutions élues démocratiquement peuvent se prononcer. C?est ce projet métropolitain qui doit définir son territoire institutionnel, et non l?inverse. C?est une inversion de la démarche des politiques d?aménagement et d?urbanisme classiques, où chaque entité définit un projet dans son territoire de compétence. Ici, c?est le projet qui est lui-même porteur de sa définition géographique, mais dans des limites institutionnelles arrêtées (Région, département, regroupement de communes). Ainsi, contrairement à une gouvernance molle, se trouvent pris en compte la nécessité d?une planification territoriale large, mais aussi le parti démocratique de la représentation des élus, n?excluant pas la participation des habitants (2.. 1 Guy Burgel, Paris et l?Ile-de-France, un amour de raison, Pouvoirs, n° 110, Seuil, 2004 2 Guy Burgel, La revanche des villes, Hachette, 2006)
María SALMERON Viladecans est une ville de 63 000 habitants, située tout près de Barcelone. Nous y avons organisé le 12 janvier 2006 un Forum préparatoire à ces journées, qui a débouché sur ce que nous avons appelé la déclaration de Viladecans, dont le projet et la synthèse ont été élaborés par Eduard Jiménez et Ferriol Soria. Voici, à grands traits, les constatations que nous avons faites. ? Les autorités périphériques et les villes de périphérie ont été les actrices d?une transformation sociale et urbaine, malgré le faible poids politique et institutionnel et la modestie des ressources, dans le cas de l?État espagnol. ? Au cours des deux dernières décennies, cependant, il s?est produit dans ces zones périphériques une transformation sans précédent, qui a permis de surmonter les problèmes les plus graves. Un exemple : le camarade de Fuenlabrada expliquait que sa ville comptait 7 000 habitants en 1970, et qu?ils sont maintenant plus de 200 000, qui y vivent, y emmènent leurs enfants à l?école, vont chez le médecin sans problème, mènent une vie de citadins normaux. En d?autres termes, dans cet exemple, l?autorité locale est parvenue à assurer l?existence d?une ville sans problèmes excessifs, à partir de conditions assez négatives. ? En outre, j?aimerais préciser que parmi ces problèmes aigus qui, souvent, concernaient les infrastructures et étaient de nature évidemment culturelle et sociale, il y en avait un qui s?apparentait à un véritable stigmate. Quand on demandait aux gens de ma génération, et je témoigne d?une expérience personnelle, la majorité d?entre nous ne disions jamais que nous étions de Viladecans. Nous répondions que nous étions d?une ville voisine de Barcelone. Aujourd?hui, en revanche, la plupart des habitants de Viladecans disent qu?ils sont de Viladecans et la plupart de ceux de Fuenlabrada disent qu?ils sont de Fuenlabrada. ? Par conséquent, je crois que le concept de périphérie, que nous-mêmes utilisons rarement, n?est plus un concept péjoratif, mais chargé d?espoir. Il faut savoir que tout cela s?est réalisé avec un poids constitutionnel qui, pour l?essentiel, n?a pas changé. C?est dire que nous sommes très loin dudit principe de subsidiarité, en tant que municipalités. Sur ce forum, pendant plusieurs jours, de nombreux experts et de nombreuses administrations de niveau supérieur au niveau local ont affirmé, en divers documents ou espaces, le besoin que la mairie retrouve ses prérogatives et qu?elle continue à être l?administration la plus proche du citoyen. Elle doit donc ?uvrer à ce lien fondamental entre le citoyen et l?institution qui, dans ce cas, s?établit surtout dans le contexte local. C?est pourquoi on nous recommande souvent que, depuis notre monde local, nous accordions une grande importance aux décisions que nous prenons à notre niveau, et que nous le fassions avec les citoyens, dans la mesure du possible. Je dois dire que les plupart des instances gouvernantes, au niveau des autonomies, des États, de l?Europe, ne croient pas au monde local. On nous impute l?obligation, ou le devoir, de communiquer avec le citoyen. Mais on ne nous reconnaît pas le droit à un espace de décision à partager avec lui. Le travail est donc difficile, et s?accompagne presque toujours d?une générosité limitée en matière de ressources, ce qui le rend un peu plus intéressant mais aussi encore plus difficile. ? À notre niveau local, nous croyons, et nous l?avons vérifié à Viladecans, qu?il faut aborder conjointement les décisions qui ne peuvent se traduire par une solution qu?à l?échelle métropolitaine. Autrement dit, il est très difficile, depuis les communes de Viladecans, de Gava ou autres communes de la zone métropolitaine de Barcelone ou de Madrid, de résoudre un problème de transport ou autre, qui dépasse notre cadre local. De cette volonté des villes de gagner des espaces de décision et d?aborder une gouvernance qui pourrait être pluri-locale, naît aussi un doute ou une contradiction, sur le risque de perdre de vue sa propre identité. En effet, c?est réellement à partir de cette identité que nous pouvons alimenter et créer ce lien culturel, social et civique avec le citoyen. Si nous éloignons de nouveau l?institution du citoyen, nous n?aboutirons pas à la participation. ? Nous constatons aussi que toutes les zones métropolitaines ne sont pas semblables. Cette différence d?identité s?explique parce qu?elle ne sont pas formées des mêmes éléments. Chaque zone métropolitaine se caractérise par des différences fondamentales. C'est probablement pour cela qu?on leur applique des dénominations variables d?un pays à l?autre : conurbation, région-agglomération, métropole, etc. En partant de l?idée de préserver la diversité de chaque zone métropolitaine, nous avons réussi à centrer notre action sur trois principaux besoins que manifestait le monde local, et en particulier le monde le plus périphérique. ? Les nouvelles réalités métropolitaines exigent un espace de gouvernance démocratique et participatif. ? Les communes périphériques demandent un effort de restauration de l?identité locale, condition minimale de l?intégration culturelle et de la cohésion sociale. ? Les principales problématiques sociales, urbaines et environnementales requièrent une vision et une planification globales, multifonctionnelles et polycentriques. Une fois énoncées les principales conclusions de ce forum préparatoire, et pour répondre à la question sur les moyens de garantir la participation et l?implication du citoyen, je souhaiterais émettre quelques remarques. ? En premier lieu, l?espace de décision est absolument indispensable. La participation doit être, par définition, un instrument permettant qu?entre élus et citoyens, nous puissions atteindre à un but commun et améliorer un projet commun. Quand la participation n?aboutit pas à un résultat, elle entraîne beaucoup de frustration. En l?absence d?une gestion de ce que nous avons en commun, il nous sera difficile de prendre des décisions et, de ce fait, d?arriver à une participation. C?est l?une des premières questions que nous devrions nous poser, si nous voulons impliquer le citoyen dans les décisions relatives à la zone métropolitaine. ? Par ailleurs, il faut considérer l?égalité des chances comme une condition primordiale, quand on parle de zone métropolitaine. Autrement dit, la pleine citoyenneté, non pas pour quelques-uns mais pour tous les habitants de la métropole. Une citoyenneté fondée sur une base civique, qui s?étende à l?ensemble de l?espace public métropolitain et examine, par exemple, ses problèmes de mobilité. Une citoyenneté qui porte aussi sur le monde du travail, qui autorise une distribution équitable, entre tous les citoyens, dans le cadre professionnel. Et une zone métropolitaine qui accorde à tous ses membres une citoyenneté culturelle et formative. ? La création de cet espace politique commun ne doit jamais s?effectuer en opposition à la capitale, même s?il est fondamental d?exiger l?équilibre de la balance. Il s?agit là d?un choix qu?il faudrait appliquer à chacune de nos villes, sans le limiter à un cadre de zone métropolitaine. Nos villes peuvent être formées par des quartiers qui en constituent chacun un centre, et où soient réunis les équipements et activités de la ville en soi. ? On constate aussi qu?il est une erreur de penser que le bien-être de la population urbaine dépend uniquement des infrastructures physiques qui la composent, tant dans la ville que dans son agglomération. On oublie habituellement des éléments moins tangibles, dans le domaine éducatif ou culturel, notamment. En d?autres termes, il faut promouvoir l?édification d?une métropole beaucoup plus sociale. Cette erreur a souvent trait au cadre économique. ? Enfin, rappelons que dans le cas de l?agglomération barcelonaise, c?est très courant, mais que j?en ai peu entendu parler lors de tels forums. Il y a des villes ou agglomérations qui existaient antérieurement à leur propre pays, voire leur ont survécu, comme Istanbul par exemple. Le concept de zone métropolitaine est beaucoup plus tardif, mais la réalité est antérieure. Je crois que les citoyens eux aussi l?entendent de cette manière. ? Je crois que nous courons le risque de manquer le train, de ne pas comprendre que pour chaque citoyen, il existe bel et bien une réalité, et que nous, gouvernement, instances politiques, ne sommes pas aptes à donner une réponse toute faite. Je pense nécessaire que les gouvernements et, à la base, les administrations locales, nous réfléchissions et faisions un pas en avant vers les citoyens et vers leur réalité. Il est très important de repolitiser toutes les décisions communes et de commencer à évoquer un mot que j?ai peu entendu, mais que je considère déterminant : la co-responsabilité. Si l?espace est commun, nous en sommes tous responsables. Je crois qu?ainsi, nous commencerons à poser les bases de la participation métropolitaine. Pour terminer, je dirai que je considère ce type de forums indispensables.
Christian LEFEVRE Différents intervenants nous ont présenté les métropoles comme constituant l?un des nouveaux lieux de la régulation et des enjeux de la société. Je souhaite attirer votre attention sur les difficultés à produire ce territoire de débat. La première, déjà évoquée, réside dans les égoïsmes municipaux ou les égoïsmes des collectivités locales. La deuxième consiste en l?opposition entre démocratie locale et démocratie métropolitaine. En Europe, nous assistons à une recrudescence des formes diverses de démocratie locale, qu?il s?agisse de formes institutionnelles, du développement de conseils de quartiers, ou de procédures dites de démocratie directe. Nous observons que ces évolutions renforcent les échelons locaux ou micro-locaux, avec ce que nous dénonçons tous, c'est-à-dire l?oubli de la démocratie à l?échelle métropolitaine. Il n?existe en effet pratiquement aucune structure de débat ou de réflexion au niveau des métropoles. Nous avons cependant essayé depuis une trentaine d?années de produire des métropoles démocratiques. Ceci impose deux modalités. La première concerne les institutions métropolitaines, qui sont plutôt rares. En France, nous disposons tout de même de l?intercommunalité, des communautés urbaines et des communautés d?agglomérations. D?autres exemples existent à Londres ou à Lisbonne. La question est de savoir s?il ne serait pas possible d?utiliser ces institutions comme vecteurs démocratiques et espaces de débats. La seconde modalité correspond à la mobilisation des acteurs locaux, c'est-à-dire des acteurs économiques et de la société civile. Le problème est que les institutions produites possèdent peu de compétences et de ressources. De plus, la mobilisation des acteurs à l?échelle métropolitaine est assez faible. Je n?apprécie guère le terme de « périphérie ». Il existe plusieurs types de périphéries, ce qui pose un premier problème d?amalgame. En outre, il existe des formes de production d?inégalités sociales qui passent par des espaces inverses aux périphéries, avec des centres pauvres et des périphéries riches. De plus, les villes centres subissent également de plein fouet cette globalisation néolibérale et sont le réceptacle de grandes inégalités. Le message important à faire ressortir réside surtout dans la nécessité d?un travail commun entre ville-centre et périphérie, avec des espaces de débats démocratiques, voire des structures de démocratie, au niveau métropolitain, sur la base d?un objectif de production d?une identité métropolitaine. Derrière cette question d?identité se pose en effet celle de la légitimité de la métropole.