Le Premier ministre, François Fillon, a reçu ce jour Gilles Carrez, député du Val de Marne et rapporteur Général du budget, qui lui a remis les conclusions de sa mission parlementaire sur le financement du projet de transports du Grand Paris.
Gilles Carrez présente une évaluation des besoins ainsi que des pistes de financement tant en matière de fonctionnement que d’investissements nouveaux pour les transports collectifs en Ile de France.
Le Premier ministre a remercié Gilles Carrez pour la qualité du travail réalisé dans le cadre de cette mission et l’approche concertée qu’il a privilégiée.
Il a indiqué que ces propositions étaient une base de travail solide pour que le Gouvernement élabore un schéma de financement global.
Il a chargé Christian Blanc, secrétaire d’Etat au Développement de la région capitale, en lien avec les ministères concernés, de lui proposer un tel schéma afin de présenter au Parlement les mesures appropriées.
ET une interview de G Carrez dans Le Monde
Nicolas Sarkozy fait du nouveau métro automatique autour de Paris une priorité. Ce chantier ne va t-il pas retarder l'amélioration du réseau existant : prolongements de lignes de métro, modernisation des RER, tramways ?
Gilles Carrez : Non, car la Région et l'Etat se sont engagés à réaliser une trentaine de projets prioritaires qui doivent être absolument achevés. Les Franciliens les attendent avec impatience. Techniquement, il est possible d'y parvenir d'ici 2025 tout en construisant en même temps la première boucle du métro automatique, celle qui est la plus proche de Paris tout en prolongeant Meteor (la ligne 14 du métro) vers Orly et Roissy. Je propose un plan de financement pour atteindre cet objectif. Restera au-delà de 2025, à réaliser l'autre demi-cercle du métro automatique entre la Défense et Orly.
Pour quel coût?
Pour tous ces projets, 25 milliards d'euros d'investissement seront nécessaires. Dont près de la moitié -12,7 milliards- pour la première boucle du métro automatique et le prolongement de Météor vers Orly et Roissy. Soit un rythme d'investissement trois fois supérieur à son niveau actuel.
Ces nouvelles lignes vont creuser le déficit d'exploitation du réseau…
Les systèmes de transport urbain sont partout dans le monde déficitaires. Quand de nouvelles lignes sont créées, le déficit s'accroît. Du fait de la nouvelle offre, le Syndicat des transports d'Ile-de-France (Stif), où la Région a remplacé l'Etat depuis 2004 du fait de la décentralisation, devra supporter chaque année un milliard de dépenses supplémentaires.
Mais sans même parler de lignes nouvelles, les charges d'exploitation dérivent du fait de l'augmentation des fréquences, du matériel nouveau, des embauches de conducteurs supplémentaires. Il faut donc prévoir non seulement le financement des nouvelles lignes, mais aussi les dépenses de fonctionnement. Au total, j'évalue sur la période 2010-2025 à plus de 50 milliards d'euros les financements à mobiliser tant pour l'investissement que pour l'exploitation.
Comment répartissez vous l'effort financier ?
S'agissant des dépenses d'investissement, l'Etat devra prolonger sur la période l'effort qu'il consent avec la Région dans le cadre des contrats de projets. Il faut également qu'il transfère à la Région les recettes de la redevance bureaux spécifique à l'Ile-de-France. Pour le reste, je propose de faire appel aux ressources existantes sans créer de nouvelles taxes. Les usagers de la route participeront au projet à travers la taxe poids lourd applicable à partir de 2012 et l'augmentation des amendes de stationnement. Il faudra aussi augmenter de 1% la taxe spéciale d'équipement.
Et le fonctionnement ?
S'agissant des dépenses de fonctionnement couvertes par les recettes tarifaires, le versement transports payé par les entreprises et les contributions publiques de la Région et des départements, je propose que ces recettes évoluent parallèlement dans des proportions raisonnables. Ainsi, les tarifs acquittés par l'usager (carte orange, tickets) ne devront en aucun cas progresser plus vite que le pouvoir d'achat. Le versement transports devra être légèrement réévalué et se rapprochera pour une bonne partie de l'Ile de France des taux pratiqués dans les grandes villes de province. Globalement, les hypothèses de recettes reposent sur une croissance de l'Ile de France supérieure à 2%. Avec un système de transports rendu beaucoup plus efficace, une telle hypothèse me paraît réaliste.
Christian Blanc propose lui - plutôt que des recettes directes - un emprunt de 16 milliards d'euros à la charge de la future Société du Grand Paris pour financer le métro automatique. N'est-ce pas la solution ?
Je propose également de recourir à l'emprunt tant pour les infrastructures que pour le matériel roulant. Ainsi, la Société du Grand Paris devra emprunter d'ici 2025 environ 9 milliards d'euros. Le recours à l'emprunt national peut être envisagé car les transports sont en général un vecteur de croissance efficace. L'essentiel est que le niveau d'emprunt soit compatible avec les capacités de remboursement.
Comptez-vous sur la valorisation foncière pour financer tous ces projets ?
La collectivité publique qui finance les investissements doit récupérer une partie des plus-values foncières et immobilières générées par l'amélioration des transports. Cette plus-value sera particulièrement importante sur quelques grands pôles comme La Défense, Pleyel, Orly ou Le Bourget. Les collectivités locales devront être étroitement associées à leur aménagement. Il me paraît indispensable que les équipements de ces nouveaux quartiers, notamment les gares très coûteuses, bénéficient directement de cette ressource. Cela devra s'inscrire dans un partenariat entre l'Etat, la Société du Grand Paris et les collectivités territoriales.
La Région peut-elle être tenue à l'écart de la Société du Grand Paris qui construira le métro en rocade ?
Evidemment non. La Région, à travers le STIF, au sein duquel elle est majoritaire, sera responsable de l'exploitation de l'ensemble du réseau de transports franciliens et en particulier des lignes nouvelles. C'est à cette condition que l'on pourra tirer le meilleur parti du maillage entre le réseau existant et les nouveaux services et qu'une politique tarifaire unitaire et cohérente pourra être mise en place.
Le magnifique projet que nous propose le Président de la République avec le Grand Paris requiert la mobilisation de tous et nécessitera, pour réussir, la mise en commun des savoir-faire et des compétences de l'Etat, de la Région, du STIF et des entreprises de transports RATP et SNCF.