25 Juin 2008
Voici l'intégralité du texte qui sera soumis au débat et au vote des conseillers de Paris le 7 juillet. "lancement d’un processus d’études, de débat et de concertation portant sur l’évolution du paysage urbain parisien, selon les modalités présentées dans l’exposé des motifs. Les études porteront sur la réalisation d’immeubles à usage de logements et de logements sociaux jusqu’à 50 m sur la couronne et ses abords, et l’élaboration ou le développement de projets urbains pouvant comprendre des immeubles de logements et de logements sociaux jusqu’à 50 m et/ou des immeubles de grande hauteur, essentiellement pour de l’activité économique (bureaux, hébergement hôtelier,…) ou de grands équipements, situés sur les sites suivants aux portes de Paris : Bercy-Charenton (12e), Masséna Bruneseau (13e), Porte de Versailles (15e), les Batignolles (17e), Porte de la Chapelle (18e) et Porte de Montreuil (20e)."
DU-2008-0142 Objet : Lancement d’un processus d’études, de débat et de concertation portant sur l’évolution du paysage urbain parisien sur sa couronne.
PROJET DE DELIBERATION EXPOSE DES MOTIFS
Mes chers collègues,
Au cours de la précédente mandature, notre Conseil a eu à plusieurs reprises l’occasion de se prononcer sur l’avenir de Paris, tant au plan des orientations générales que sur les aspects de paysage et de forme urbaine à travers notamment l’élaboration du plan local d’urbanisme approuvé en juin 2006.
Cette nouvelle mandature, tout en s’inscrivant dans la dynamique collective engagée en 2001, marque une nouvelle étape pour Paris, qui a reconquis ses forces et doit désormais jouer pleinement son rôle dans la civilisation urbaine en devenir. Notre ambition pour le visage de Paris doit répondre à cinq enjeux majeurs : faciliter la vie quotidienne en améliorant les conditions de vie en ville, faire face aux besoins urgents et importants en logements, faire une ville durable, contribuer à une ville active et dynamique au sein de l’agglomération et de la région, créer de véritables œuvres d’art architecturales et urbaines.
La question de l’évolution du paysage urbain et des projets auxquels elle est liée est centrale pour l’avenir de Paris. Je souhaite que cette question soit abordée au sein de débats sans caricature, constructifs et concrets, impliquant l’ensemble des publics concernés : élus, habitants, professionnels, usagers,… parisiens et métropolitains. Les enjeux sont majeurs pour contribuer à l’attractivité de Paris et de la métropole : qualité des espaces publics, desserte en transports en commun, exigences en économies d’énergie, recherche d’une mixité programmatique et sociale, présence d’équipements répondant aux différentes échelles des besoins, depuis la proximité quotidienne jusqu’aux équipements d’envergure métropolitaine, et bien entendu qualité urbaine et architecturale.
Ces projets et réflexions se nourrissent de deux objectifs :
· Le premier est de répondre sur le territoire de Paris (105 km² au total), dont le potentiel foncier est limité, aux demandes multiples qui s’expriment en termes de logements, d’équipements collectifs, d’espaces verts et d’emplois. Paris doit notamment apporter sa contribution à la création de logements, y compris sociaux, en Ile-de-France, pour lesquels les besoins sont importants et accompagner ces logements d’équipements de proximité et d’espaces publics de qualité. La capitale doit aussi offrir des emplois diversifiés, et maintenir ou accueillir sur son territoire les services urbains nécessaires à son fonctionnement, grands consommateurs d’espace et qui, jusqu’à présent, étaient reportés chez ses voisins.
· Le second est de contribuer à la dynamique métropolitaine : Paris préserve son patrimoine riche et attractif ; Paris est aussi une capitale du 21ème siècle, ouverte au changement, à l’innovation et à la diversité, qui doit favoriser l’architecture contemporaine et la naissance du patrimoine de demain.
Paris n’est pas achevée. La construction d’une ville dense et durable, au cœur de l’agglomération et en lien avec nos voisins, doit se poursuivre sur des territoires qui avaient été jusqu’ici délaissés. C’est dans ce cadre que les questions des formes urbaines nouvelles et de l’assouplissement des règles des hauteurs sont posées en vue d’assurer le développement et le renouvellement urbain à Paris, tout particulièrement sur des sites de la couronne susceptibles d’accueillir des programmes significatifs de construction au cours des prochaines années. Il s’agit de favoriser une intensité urbaine, de réintégrer la hauteur dans la ville, sans reproduire les erreurs du passé : ne pas réaliser des enclaves mais construire des quartiers vivants, en lien avec les quartiers existants, agréables à vivre, urbains, avec la possibilité de quelques immeubles hauts.
Le Conseil de Paris s’est exprimé à diverses reprises en souhaitant que les réflexions soient poursuivies et que tous les acteurs de la ville soient associés au débat démocratique.
C’est ainsi que, lors de l’élaboration du PLU, le Conseil de Paris a, les 24 et 25 novembre 2003, émis le vœu :
· que la question des hauteurs et de ses liens avec l’architecture contemporaine fasse l’objet d’un débat démocratique associant les élus, les habitants, les associations, les milieux économiques et les communes riveraines concernées ;
· que le PLU respecte le plafond parisien de 37 mètres dans l’attente des conclusions de ce débat.
Dans le cadre des travaux du PLU, ce débat sur les formes urbaines et les hauteurs a été esquissé, notamment à travers un questionnaire aux Parisiens. Une majorité des 120.000 personnes qui y ont répondu était réservée ou opposée sur l’éventualité d’un dépassement du plafond actuel des hauteurs. Seule la catégorie des 18-25 ans s’était prononcée favorablement pour un tel assouplissement.
C’est pourquoi, lors de sa séance des 12 et 13 juin 2006, le Conseil de Paris a approuvé le PLU, en conservant un plafond des hauteurs inchangé par rapport au précédent règlement d’urbanisme. Toutefois, le débat restait ouvert puisque le projet d’aménagement et de développement durable (PADD) du PLU, qui fixe les orientations à venir, prévoit la poursuite des réflexions sur les formes urbaines et architecturales : « sur les territoires peu ou mal urbanisés, situés notamment au pourtour de Paris, la Ville encouragera, dans les opérations publiques d’aménagement, l’expression de formes urbaines et architecturales nouvelles afin de poursuivre l’histoire déjà très riche de l’architecture de Paris ».
Lors de cette même séance d’approbation du PLU, le Conseil de Paris a, par l’adoption d’un vœu, souhaité que la réflexion sur ce thème puisse se poursuivre. Il a donc été demandé qu’« un groupe de travail constitué notamment d’élus représentant les groupes politiques du Conseil de Paris puisse examiner à partir de projets concrets, la pertinence et les modalités d’analyse de la question de la hauteur en termes de vocation des immeubles et de formes urbaines, de condition de vie et de travail, ainsi que de qualité architecturale et de consommation énergétique ».
Ce groupe de travail, qui s’est réuni à neuf reprises en 2006 et 2007, a dégagé un ensemble d’enseignements et de pistes de réflexion qui méritent d’être approfondis. On peut relever notamment l’intérêt, qui ressort des ateliers spécifiques organisés avec des architectes sur trois sites, d’envisager, dans le cadre d’une diversité des paysages, une approche souple et variée de la hauteur des immeubles, avec des immeubles jusqu’à 50 mètres, destinés au logement notamment social, mais aussi très ponctuellement des immeubles plus hauts, jusqu’à 150 ou 200 mètres, pouvant accueillir des activités économiques (activités tertiaires, hébergement hôtelier,…) ou de grands équipements publics.
Lors de ma communication sur le logement en avril dernier, j’ai affirmé ma volonté de poursuivre le débat sur la possibilité de construire des immeubles de logements jusqu’à 15 étages à Paris pour contribuer à notre objectif ambitieux de favoriser la construction sur 6 ans de 27 000 nouveaux logements dont la moitié sociaux.
Aujourd’hui, il apparaît possible de franchir une étape, au service d’une vraie ambition sociale et urbaine, en vous proposant des processus opérationnels concrets qui nécessitent bien évidemment de poursuivre le débat et la réflexion, en donnant la parole aux Parisiens, aux usagers de la ville, aux habitants des communes riveraines, aux professionnels et aux associations.
Tel est l’objet de ce projet de délibération qui vous propose d’approuver le lancement d’un processus d’études, de débat et de concertation, tout en engageant un processus pré-opérationnel pour certains sites ; il examinera successivement :
1. Les acquis du groupe de travail.
2. Les propositions de territoires,
3. Le débat public et le processus de concertation.
Il est clair pour la Municipalité que ces travaux sont soumis à deux exigences fondamentales : d’une part les ambitions de qualité urbaine et de créativité architecturale au cœur de la métropole et d’autre part l’exemplarité en matière de développement durable et d’empreinte écologique.
Conformément au vœu voté le 12 juin 2006, un groupe de travail a été constitué. Il a associé les adjoints au Maire de Paris qui avaient contribué à la préparation du PLU dans le cadre de son comité stratégique, les représentants des groupes politiques du Conseil de Paris, ainsi que l’ensemble des membres de la 1ère et de la 8ème Commission du Conseil de Paris. Ce groupe s’est réuni à neuf reprises entre le 27 septembre 2006 et le 26 septembre 2007. Les groupes Verts et UMP s’en sont retirés en février 2007.
L’objectif a été de mettre en place une démarche pragmatique en vue de permettre à ce groupe de travail de débattre à partir d’illustrations ou de cas concrets. C’est ainsi que pour mieux cerner les différents aspects de cette question fondamentale, il a tout d’abord été convenu au sein de ce groupe de tenir dans une première étape une série d’auditions avec des intervenants très divers : usagers, concepteurs, chercheurs, professionnels de l’immobilier, élus, etc.. Celles-ci se sont déroulées au cours de trois réunions, les 7 et 24 novembre et 18 décembre 2006.
Ces auditions ont permis de formuler plus précisément les attentes de la Ville, les critères à respecter et les orientations du travail des ateliers. Elles ont notamment confirmé le rejet des immeubles sur dalles et permis de constater que les utilisateurs étaient en général satisfaits d’habiter ou de travailler dans ces immeubles de grande hauteur.
Les observations recueillies au cours de ces auditions ont été rassemblées dans un recueil de 24 recommandations destiné aux concepteurs appelés à travailler en atelier. 14 recommandations sont issues de ce travail, complétées par 10 autres points émanant de la démarche similaire de la ville de Vienne (Autriche), que le Maire Adjoint, M. SCHICKER, est venu présenter au groupe.
Parmi ces recommandations peuvent être citées :
· la création de quartiers mixtes, comprenant notamment des logements, des équipements, et des bureaux, tout en évitant les montages complexes sur le plan juridique et les trop fortes imbrications des programmes entre eux,
· la qualité des espaces publics, avec notamment une bonne implantation au sol des bâtiments permettant des accès fluides et personnalisés et l’absence de constructions sur dalles surélevées par rapport au niveau du sol naturel,
· la qualité architecturale, clé majeure de la réussite de ce type de projet qui peut inscrire le renouvellement urbain parisien dans une dynamique internationale,
· la qualité de vie dans des immeubles accueillants, performants au niveau énergétique, tout en veillant à la réduction de leur empreinte écologique (choix des matériaux, pérennité, proximité d’une offre en transport en commun, ..).
Sur la base du cahier des charges qu’il a élaboré, le groupe de travail a choisi, pour nourrir la réflexion par des cas concrets, des sites faisant déjà l’objet d’études urbaines, pour lesquels des architectes coordonnateurs ou l’APUR avaient déjà été retenus. C’est ainsi qu’ont été retenus les 3 sites Masséna-Bruneseau (13ème) étudié par Yves Lion, Bercy-Charenton (12ème) étudié par l’APUR, et Porte de la Chapelle (18ème) étudié par François Leclercq. Pour chacun d’eux, 4 architectes ont travaillé au sein d’un atelier ou « workshop », sous le contrôle de bureaux d’études techniques spécialisés en matière d’énergie et de développement durable, chargés d’apprécier, au regard de ces critères, la pertinence des propositions remises.
La synthèse et le bilan de ces ateliers ont permis de dégager les axes suivants :
· Les immeubles de moins de 50 mètres conviennent bien au logement et au logement social notamment, car ils ne sont pas soumis aux contraintes des immeubles de grande hauteur (IGH). Rappelons que la réglementation en matière de sécurité incendie impose des règles très contraignantes pour les constructions classées IGH. Le classement en IGH des immeubles est fonction de leur hauteur : sont classés IGH, les immeubles de bureaux dont le dernier plancher est à plus de 28 mètres et les immeubles de logements dont le dernier plancher dépasse 53 mètres, ainsi les immeubles de logements de 15 étages et moins, qui ne dépassent pas 50 mètres, ne relèvent pas des contraintes techniques et financières qui en découlent.
Plusieurs des propositions formulées ont montré que des évolutions sur les hauteurs jusqu’à 50 m pouvaient permettre d‘augmenter la constructibilité en logements et logements sociaux. Ces gains peuvent être de l’ordre de 20 à 30%.
· Les propositions urbaines formulées ont montré également que des variations de hauteurs, avec ponctuellement des immeubles plus hauts, pouvaient faciliter une dynamique urbaine à l’articulation de Paris et ses voisins à l’échelle de l’agglomération. Il s’agit de réaliser de véritables quartiers de ville avec une part suffisamment importante de logements, d’activités, d’équipements et d’espaces verts. Les immeubles de grande hauteur sont proposés sur des terrains mal commodes, marqués par la forte présence d’infrastructures voisines ; ils ont un rapport direct au sol, expriment un lien particulier avec un grand élément de paysage et renvoient, pour les plus hauts, à l’échelle de l’agglomération, ce qui justifie pleinement une conception innovante, avec une grande ambition environnementale.
En dehors de ces 3 ateliers conduits par le groupe de travail, deux autres sites ont fait l’objet de réflexions dans un cadre un peu différent : il s’agit d’une part de la Porte de Montreuil (20ème), où, dans le cadre du GPRU, au terme d’une consultation, l’atelier Pranlas-Descours a été chargé d’étudier le réaménagement de cette porte, et d’autre part du Parc des Expositions (15ème), où dans ce cas c’est UNIBAIL-RODAMCO – en lien avec Viparis - qui a eu la volonté d’engager des réflexions sur un développement à vocation économique en vue d’accroître le rayonnement de cet équipement stratégique pour la métropole parisienne.
Il vous est donc proposé de poursuivre activement d’une part la réflexion sur la construction d’immeubles jusqu’à 15 étages sur la couronne de Paris et ses abords, essentiellement en faveur du logement, notamment social, et d’autre part le travail spécifique déjà engagé sur plusieurs sites urbains qui pourraient accueillir des immeubles de logements jusqu’à 50 m et/ou ponctuellement des immeubles plus hauts, à vocation économique (activités tertiaire, hébergement hôtelier,…) ou pour accueillir un grand équipement.
1- Conduire une étude sur la couronne pour des immeubles de logements de 15 étages
Parmi les 24 recommandations du groupe de travail figure notamment l’examen de situations où, sans rechercher la grande hauteur, un plafond de 50 mètres permet de réaliser des constructions de logements d’environ 15 étages. Ces immeubles, qui ne relèvent pas de la catégorie des immeubles de grande hauteur, ne sont donc pas soumis à des charges de fonctionnement élevées.
Sur ce sujet de l’accroissement de l’offre de logements neufs, la commission d’enquête sur le PLU avait d’ailleurs, dans sa recommandation n°4, suggéré, afin de répondre aux besoins en matière de logements et de logements sociaux, d’étudier la possibilité de dépasser le plafond de 37 mètres sans pour autant atteindre la grande hauteur.
Je souhaite engager, dans le cadre des opérations d’aménagement en cours le long des boulevards des Maréchaux et plus généralement sur la couronne et ses abords, l’inventaire des sites possibles en vue d’étudier la faisabilité d’immeubles de ce type, qui permettraient de diversifier le paysage et de construire des logements et logements sociaux qui font défaut à Paris, dans un cadre urbain agréable à vivre. Cette recherche est d’ores et déjà conduite de deux façons :
· D’une part, dans les opérations d’aménagement, par les architectes urbanistes en charge des projets urbains, en lien avec les aménageurs et les services de la Ville, c’est le cas notamment :
· Et d’autre part, dans le tissu urbain plus classique, par un inventaire qui est mené par les services de l’urbanisme, en collaboration avec l’APUR. Les résultats sont prévus pour l’automne, afin de sélectionner les sites les plus propices au développement de logements y compris sociaux, jusqu’à 50 m de hauteur. Ensuite, des études de faisabilité seront menées par des architectes, au cas par cas, en fonction de la situation foncière des sites retenus ; dans ce cadre, les bailleurs sociaux seront mis à contribution sur les terrains qui pourraient les concerner. Je reviendrai vers vous à l’issue de ce travail pour vous soumettre les projets concrets qui pourront justifier d’engager une modification du PLU.