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Pierre Mansat et les Alternatives

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Tour Signal, un entretien avec Jean Nouvel dans le Jdd.fr

Jean Nouvel répond à la polémique

Par Bertrand GRECO
Le Journal du Dimanche

Le plus célèbre des architectes français va pouvoir réaliser son vieux rêve: construire une tour vertigineuse dans le "Grand Paris". Jean Nouvel a gagné, mardi, le concours international organisé par l'Etablissement public d'aménagement de la Défense (Epad). Objectif: implanter une "tour Signal" de 300 mètres de haut, mixte et écologique, "monument emblématique du troisième millénaire", au coeur du premier quartier d'affaires d'Europe.

Jean Nouvel va construire une tour de 300 mètres de haut à la Défense. (Reuters)

Les cinq finalistes comptaient parmi les plus grand noms de l'architecture: Norman Foster, Daniel Libeskind, Jean-Michel Wilmotte et Jacques Ferrier. Pour Jean Nouvel ( qui a réalisé l'Institut du monde arabe, l‘Opéra de Lyon, le Musée de la Reine Sofia à Madrid, la tour Agbar à Barcelone, le musée du Quai Branly à Paris), cette victoire ressemble à une revanche, puisque son projet de "tour sans fin" à la Défense (425 m) avait été remisé in extremis en 1989. Cependant, sa tour Signal ne fait pas l'unanimité: Joëlle Ceccaldi-Raynaud, la députée-maire UMP de Puteaux (92), où le gratte-ciel doit s'ériger, n'accepte pas ce choix. "Cette tour est laide et mastoc. Un monolithe qui écrase tout", dit-elle, menaçant de bloquer le projet.*

A peine élue, votre tour fait déjà l'objet d'une polémique: Joëlle Ceccaldi-Raynaud parle de "forteresse assiégée", de "retour au Moyen Age"...
Je pense que tout cela part de certaines incompréhensions, liées aux conditions de présentation du projet. Les maquettes qu'elle a vues n'étaient pas très bien éclairées. De plus, j'ai dit que, dans la symbolique urbaine, cette tour étendard pouvait se lire comme un "beffroi" ou un "donjon", parce qu'elle doit se voir de loin, jouer un rôle de centralité à la Défense. Dans ma bouche, le "donjon" n'était pas une métaphore militaire. On n'a jamais vu de donjons avec des loggias de 50 m de haut et de 35 m de large. Mme Ceccaldi-Raynaud me demande de revoir ma copie. Ma copie n'est pas définitivement écrite. Je vais lui expliquer en quoi notre projet est optimiste et humaniste, de lumière et d'ouverture. Le contraire de l'opacité.

Elle craint, dit-elle, que vous ne deveniez "le nouveau Le Corbusier"...(Rire) Ce serait un honneur: je trouve que Le Corbusier était un plasticien génial. En même temps, je ne suis pas un héritier, je ne partage pas ses conceptions de la ville. D'ailleurs, on m'a souvent considéré comme quelqu'un de sacrilège par rapport aux idées du maître. Mme Ceccaldi-Raynaud veut peut-être dire qu'elle a peur d'une architecture qui s'exprime de manière moderne. Mais le monde bouge, l'architecture doit bouger avec lui. Pas question de pasticher les immeubles existants. Il faut innover.

Elle menace de ne pas faire voter la révision du Plan d'occupation des sols (POS) par son conseil municipal. Peut-elle bloquer le projet?
Je ne souhaite pas commenter davantage cette prise de position. Je vais en parler avec elle dans les jours qui viennent, essayer de comprendre ses inquiétudes. L'architecture, c'est aussi l'art d'intégrer les contraintes. Si je peux prendre en compte certaines de ses préoccupations, je le ferais. La tour doit être terminée en 2013 ou 2014.

"Ce sera une petite ville dans la ville"

Pouvez-vous décrire votre tour Signal?
Elle mesure 301 mètres de haut, sur une base très large de 65 mètres par 52. Ce n'est pas un simple parallélépipède, malgré sa forme élémentaire. Elle se distingue non seulement par son échelle exceptionnelle*, mais aussi par le fait qu'on peut lire à l'intérieur, car elle s'ouvre largement sur l'extérieur. L'animation, la vie, qui se manifestent d'habitude au niveau du sol, existent ici à différentes hauteurs. Habituellement, une tour, c'est un peu un monstre froid, monofonctionnel, caractérisé par des murs rideaux et par la répétition d'une même trame sur l'ensemble du bâtiment. Cette tour mixte se compose de quatre modules égaux, biens identifiés. Chacun a une vocation spécifique: des logements de standing en haut, un grand hôtel au milieu, des bureaux en dessous et des commerces au rez-de-chaussée, organisés comme une petite ville dans la ville [cette mixité d'usage est une première en France, ndlr]. Si on voulait, on pourrait même ajouter une cinquième entité qui élèverait la tour à 370 mètres...

Comment s'ouvre-t-elle sur l'extérieur?
Grâce à d'immense loggias colorées, inspirées des vastes terrasses -peintes par de grands artistes- qu'on trouvait autrefois dans les bâtiments publics italiens, à Siennes par exemple. Ici, chaque cube est partiellement évidé pour créer une grande ouverture vitrée d'une cinquantaine de mètres de haut par une trentaine de mètres de large. Ces loggias superposées sont des sortes de places urbaines qu'on peut lire depuis l'extérieur, comme des écrans monumentaux. Dans une tour traditionnelle, on entre dans un hall, on prend un ascenseur, on arrive dans un petit couloir... Tout est confiné. Ici, ces atriums forment des espaces partagés, des lieux vivants. C'est un nouveau type de tour. On sort de la claustrophobie habituelle.

"Des panneaux solaires sur le toit et des éoliennes aux deux derniers étages"

A quoi ressembleront ces "loggias"?
A chaque loggia sa couleur et sa fonction. Les logements, tout en haut, s'organisent autour d'un jardin en terrasse, à 250 mètres d'altitude, avec des arbres, entourés de murs réfléchissants de couleur verte, comme une amplification du végétal. Un endroit de calme et de repos. Le grand atrium de l'hôtel -à 180 mètres de haut, face à l'axe historique, avec vue sur Paris- est rouge, la couleur de l'apparat, des théâtres. On y trouvera des bars suspendus, des restaurants, des salons, des business centers... Les bureaux, eux, sont dotés d'une place intérieure, avec cafétérias, marquée par des murs bleutés et nacrés. Un lieu pour les pauses café, pour boire un verre, se rencontrer, parler. Par ailleurs, chaque loggia est décorée avec des fractales. Il s'agit d'images poétiques, expressives et variées, correspondants à une nouvelle géométrie, inventée par le mathématicien Benoît Mandelbrot.

Quel rôle doit jouer la lumière?
La tour est en acier inoxydable gris clair, un peu comme le zinc des toits de Paris. Tous les poteaux qui forment la trame sont en partie-sur leurs faces internes- recouverts de miroirs dorés. Ce système permet de refléter ce qui se passe dedans quand on est dehors et ce qui se passe dehors quand on est dedans. Et le moindre rayon de soleil renvoie une lumière chaude à l'intérieur.

En quoi votre tour est-elle "exemplaire" sur le plan écologique?
On atteint des exigences qui n'ont jamais été demandées en France. La tour doit émettre moitié moins de CO2 qu'une construction normale. Les atriums ont un grand intérêt de ce point de vue-là, car ils sont vitrés, s'ouvrent quand il fait beau, pour ventiler la tour, et se ferment en hiver, pour capter la chaleur. Par ailleurs, la lumière naturelle pénètre abondamment, ce qui permet d'économiser 50% d'éclairage artificiel. On a prévu d'utiliser tous les moyens existants, comme la géothermie, des panneaux solaires sur le toit ou des éoliennes aux deux derniers étages.

Demain, vous recevrez officiellement le Prix Pritzker -l'équivalent du Nobel pour l'architecture- à Washington. Qu'est-ce que cela change pour vous: plus de liberté de création ou plus de pression?
Quand on reçoit un prix aussi prestigieux, qui récompense l'ensemble d'une oeuvre sur plusieurs décennies, cela implique plus d'exigence et de responsabilité. J'imagine que ça met aussi en confiance les clients ou les jurys.

"Pour moi, le Grand Paris sera polycentrique"

Vous faîtes partie des dix architectes retenus par le président Sarkozy pour réfléchir à l'évolution urbaine du Grand Paris. Quelles pistes de réflexion allez-vous mettre en avant?
Quand on accepte de répondre à un concours d'ordre stratégique comme celui-ci, c'est qu'on a déjà une philosophie et des convictions ancrées. Comment peut-on continuer à fabriquer, améliorer, humaniser nos grandes agglomérations? Pour moi, le Grand Paris sera polycentrique; la Défense sera l'un de ces centres. La proposition qui sera retenue, en janvier, devrait déterminer la législation sur le Grand Paris. Ma conviction, c'est que toutes les villes du monde se développent selon des règles trop simplistes, basée sur la mono-fonctionnalité des quartiers. Je pense qu'il faut inverser la machine, en prenant en compte l'histoire et la géographie.

A Paris, Bertrand Delanoë parle de plus en plus de crever le plafond réglementaire des 37 mètres et de bâtir des tours sur certains sites. Etes-vous candidat?
Je ne suis pas candidat. Faire évoluer Paris, c'est important. Mais il faut savoir comment et où. J'ai une idée sur la manière d'identifier les lieux sur lesquels des tours sont possibles. Les architectes ont le devoir d'imprimer leur marque sans abîmer la ville existante. Il n'y a aucune raison pour que Paris ne vive pas avec son temps. On doit être ambitieux pour être à la hauteur de l'histoire qui précède.

*71 étages, 140 000 m², dont 50 000 m² de bureaux, 33 000 m² de logement, 39 000 m² d'hôtel (333 chambres), 10 000 m² de commerces. Coût de construction du bâtiment seul: 600 millions d'euros.


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