15 Juillet 2021
Réaction du collectif «Accès aux archives publiques»
à la fin du débat parlementaire entérinant la fermeture
des archives publiques de plus de 50 ans
des services de renseignement.
Mardi 13 juillet l’Assemblée nationale a adopté dans les mêmes termes que le Sénat l’article 19 du projet de loi relatif à la prévention des actes de terrorisme et au renseignement. Le débat parlementaire sur cet article est donc clos.
Avec cet article, le Parlement français fait le choix de fermer l’accès à un grand nombre d’archives publiques, et en premier lieu à l’immense majorité des archives des services de renseignement. Celles-ci deviennent, en effet, inaccessibles sans aucune limite de durée autre que celle que ces mêmes services décideront, alors que jusqu’ici, au contraire, ces documents devenaient communicables de plein droit aux citoyens au terme de délais allant de cinquante à cent ans. Ce qui est en jeu ici n’est pas les services eux-mêmes, mais les sujets sur lesquels ils travaillaient: ce sont surtout des pans entiers de l’histoire de notre pays qui basculent dans l’opacité.
Les ultimes propositions alternatives, qui visaient à entourer cette fermeture de quelques garanties minimales, ont été balayées sans aucune discussion par le rapporteur, M. Kervran, et la ministre chargée de la citoyenneté, Mme Schiappa.
Le collectif "Accès aux archives publiques" regrette ce choix historique grave, quelques jours à peine après que le Conseil d’État, dans un arrêt du 2 juillet 2021, a déclaré illégales et annulé les dispositions de l’instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale qui, depuis plusieurs années, bloquaient l’accès aux archives publiques «secret défense» de plus de cinquante ans.
Le collectif rappelle aussi que le 7 juillet 2021, de très grands noms de l’histoire contemporaine ont fait part de leur vive inquiétude devant le choix que s’apprêtait à faire le Parlement. Cette lettre signée de personnalités mondialement reconnues pour leurs travaux comme Robert Paxton, Julian Jackson, Robert Frank, Annette Wieviorka, Michèle Perrot, Patrick Boucheron, Benjamin Stora ou encore Denis Peschanski n’aura suscité aucune réaction autre que l’indifférence de la part du rapporteur ou du gouvernement.
Le gouvernement et les parlementaires ont également fait le choix d’ignorer l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme qui appelait à ce que d’éventuelles restrictions au droit constitutionnel d’accès aux archives publiques soient réservées au seul cas où la divulgation d’informations contenues dans ces documents représentait une menace grave pour la sécurité nationale.
Le Conseil constitutionnel peut encore empêcher cette fermeture inédite des archives publiques. Le collectif salue le choix des sénateurs et sénatrices qui ont d’ores et déjà annoncé qu’ils saisiront le Conseil constitutionnel une fois la loi définitivement adoptée, avec, nous l’espérons, le plus grand nombre de parlementaires attachés au droit constitutionnel d’accès aux archives publiques.
Paris, le 15 juillet 2021