« Sans l’accord du 26 janvier 2011 sur le Grand Paris express, le projet n’aurait sans doute jamais vu le jour », affirme Maurice Leroy. Retour sur les coulisses d’un accord de fusion de deux projets concurrents, « Arc express » d’un côté, porté par Jean-Paul Huchon, alors président de la Région, et le « Grand Paris » de l’autre, soutenu par l’Etat et conçu sous la houlette de Christian Blanc.
C’est sans doute la formule de ce fin connaisseur du dossier qui résume le mieux cette période-clé dans l’histoire du Grand Paris. « En voulant incarner à tout prix un contre-projet, Christian Blanc aura été le meilleur allié objectif de la région Ile-de-France ». Une façon de dire qu’en tentant d’imposer sa vision à la collectivité, il a renforcé celle-ci, soudant la majorité régionale contre un adversaire commun et hissant en la combattant la Région au niveau de l’Etat. Incontestablement, l’histoire de l’accord du 26 janvier 2011 tient beaucoup aux personnalités qui s’affrontèrent au cours des mois précédents. Christian Blanc, haut-fonctionnaire, est souvent dépeint comme aussi autoritaire que cassant, « méprisant même, voire injurieux pour les élus locaux », selon les termes de Jean-Paul Huchon, au profil nettement plus rond. Les deux hommes ont travaillé ensemble au cabinet de Michel Rocard, alors Premier ministre. Mais le courant entre eux n’est jamais passé.
Dès sa nomination, Christian Blanc avait annoncé à Jean-Paul Huchon, dans un unique entretien, au climat glacial, « qu’il l’amènerait à résipiscence ». Ambiance. « Mais la crise éclate réellement juste avant le premier discours de Nicolas Sarkozy à la Cité de l’architecture, le 29 avril 2009, lors duquel le président dévoile alors publiquement pour la première fois le projet de tracé du réseau du Grand Paris », se souvient Stéphan de Faÿ, qui fut directeur de cabinet adjoint de Christian Blanc et de Michel Mercier, éphémère ministre de l’Espace rural, de l’Aménagement du territoire et du Développement de la région Capitale, puis conseiller de Maurice Leroy, ministre de la Ville.
Christian Blanc, qui planche depuis le printemps 2008 sur son grand projet de métro automatique, n’en a pas dit publiquement un seul mot depuis sa nomination. L’homme cultive le secret et n’a confiance en personne, pas même dans l’administration de l’Etat. Il n’en aura pas dit tellement plus lorsqu’il quitte ses fonctions, le 4 juillet 2010, dans les volutes de l’affaire des cigares. Le discours de Nicolas Sarkozy a donc l’effet d’une petite bombe.
Une semaine avant, Marc Véron, alors encore directeur de cabinet de Christian Blanc, avant d’être nommé président de la Société du Grand Paris en juillet 2010, a annoncé à Jean-Michel Thornary, directeur général des services du conseil régional, la crise à venir, en partie souhaitée. « Christian Blanc était en effet lucide sur le fait que sans crise, et sans résolution de celle-ci avant la présidentielle, le projet de métro serait progressivement détricoté sous la pression de Bercy. La crise était donc à la fois une opposition de visions, mais aussi une manœuvre tactique », décrypte Stéphan de Faÿ.
Deux tracés concurrents
L’objet de l’affrontement ? La coexistence de deux tracés donc : l’un présenté pour la première fois quelques années plus tôt à Montreuil (Seine-Saint-Denis) par Jean-Paul Huchon lors d’une des premières conférences métropolitaines et baptisé « Arc Express » et l’autre, dénommé « Grand Paris » et conçu par l’ancien président de la RATP et d’Air France. Les deux tracés sont en rocade. Mais celui de l’Etat forme une double boucle, alors que celui de la Région comprend deux arcs, l’un au sud, et l’autre au nord, qui ne se rejoignent pas.
Tous les acteurs interrogés le reconnaissent sans peine. Au-delà du tracé, c’est la philosophie de ces deux projets qui les distingue. « L’Etat voulait agrandir Paris, renforcer l’agglomération parisienne dans la compétition mondiale, faire à la fois le Grand Paris des transports, de la recherche, de la culture. La Région voulait améliorer le réseau de transports existant », atteste Jean-Paul Huchon lui-même. « Le désenclavement de Clichy Montfermeil et du nord de la Seine-Saint-Denis dans les ambitions du projet de l’Etat diffère également radicalement de celui de la Région. Sur le fond, cette ambition est sans doute celle qui a fait que, dans la compétition entre projets, Arc Express n’avait aucune chance de passer », ajoute Stéphan de Faÿ.
« Jean-Paul Huchon voulait construire une Région totale »
En filigrane, d’autres combats, d’autres visées, plus politiques, percent. « Jean-Paul Huchon était un décentralisateur convaincu. Il souhaitait forger une Région « totale », à l’image des Länders allemands, indique Jonathan Sebbane, alors conseiller transport au cabinet du président de la région Ile-de-France. C’est dans cet esprit que la Région avait accepté la décentralisation des transports dans les années 2000 ». « L’Etat, conscient du poids de la première région économique d’Europe, a souhaité reprendre la main. On s’est dit que dans le binôme que je formerais avec Christian Blanc, ce dernier prendrait l’ascendant », estime Jean-Paul Huchon.
La perspective d’une série d’élections, cantonales en mars 2011, sénatoriales en septembre, puis présidentielle et législatives en 2012, avivent les tensions. Les protagonistes savent que si aucun accord n’intervient avant ces échéances, le projet du Grand Paris, dont le réseau de transports constitue l’épine dorsale, pourrait être remis en cause dans son ensemble. Des concurrences technologiques et industrielles existent également, la RATP, leader mondial des métros « pneus sur rail », défend son modèle, tandis que la SNCF cherche à imposer un train « roue en fer sur rail en fer », comme le décrit Pascal Auzannet dans son ouvrage de référence sur le sujet (1).
Au final, à l’automne 2010, démarre une enquête publique au cours de laquelle sont présentés deux tracés concurrents, devant des habitants d’abord médusés, puis en colère. Pour Alexandre Missoffe, chargé de la cellule argumentaire de la jeune Société du Grand Paris pour cette enquête – une des plus importantes jamais organisées en France par le nombre de ses participants, de ses réunions et la taille de ses enjeux -, le succès de cette concertation a joué un rôle clé dans la conclusion de l’accord du 26 janvier 2011.
« Les ministères concernés, qui consultaient les PV de réunion chaque soir, se sont vite rendus compte que le maintien de deux tracés concurrents n’avait aucun sens aux yeux de la population », indique l’actuel directeur général de Paris-Ile de France Capitale Economique. Des habitants qui expriment avec force, également, leur impatience quant à l’état des transports en commun franciliens. « En résumé, les gens nous disaient, mettez-vous d’accord et faites-nous un métro efficace, rapidement », résume Alexandre Missoffe. Mais le désaccord entre les deux camps reste intact, chacun campant fièrement sur ses positions.
Maurice Leroy entre en scène
Le 14 novembre 2011, lors du 3e gouvernement de François Fillon, l’entrée en scène de Maurice Leroy comme ministre de la Ville en charge du Grand Paris va changer profondément la donne. Dix ans plus tard, aucun acteur ne compte les superlatifs pour décrire l’incroyable « liant » de ce professionnel de la politique et son « exceptionnelle intelligence », comme le souligne Jean-Paul Huchon. « J’ai été ébloui par son sens de la négociation », ajoute l’actuel directeur général de Grand Paris aménagement, Stéphan de Faÿ.
« Maurice Leroy a quitté le Parti communiste pour le Centre, sans que les communistes lui en veuillent », résume Damien Robert, secrétaire général de la chambre des notaires de Paris, qui fut membre de son cabinet, pour illustrer son aura. L’élu, qui fut trois fois vice-président de l’Assemblée nationale, possède une connaissance fine de l’Ile-de-France. Il a été directeur de cabinet de Gaston Viens, maire d’Orly, et de Michel Germa, président du département du Val-de-Marne. Celui qui est encore président du conseil départemental du Loir-et-Cher prend rapidement la mesure du défi qui l’attend. Et met en œuvre, pour atteindre un accord avant la fin de l’enquête publique, fixée au 30 janvier 2011, soit un peu plus de deux mois après sa prise de poste, ce que l’architecte Roland Castro appellera « la méthode Momo ».
« J’ai organisé, chaque mardi, au ministère de la Ville, une réunion avec les différentes parties prenantes, se souvient Maurice Leroy. Avec une règle : je ne veux que les “number one”. Si vous n’êtes pas là tant pis. Interdit de se faire remplacer ». Sont présents Jean-Paul Huchon, le préfet de Paris et de région Daniel Canépa, Pierre Mansat, qui représente le maire de Paris Bertrand Delanoë, Pierre Mongin et Guillaume Pépy, respectivement présidents de la RATP et de la SNCF, André Santini, président du conseil de surveillance de la SGP, Marc Véron, président du directoire de la SGP, Jacques JP Martin, président de Paris Métropole, Bertrand Lemoine, directeur de l’Atelier international du Grand Paris, et les architectes de l’AIGP, Jean-Marie Duthilleul et Roland Castro.
« J’étais ami avec Roland [Castro], avec lequel j’avais travaillé pour Charles Pasqua lorsque nous avions mis en œuvre pour le conseil départemental des Hauts-de-Seine un vaste plan d’harmonisation sociale et urbaine », indique Maurice Leroy. Lors de la première réunion de ce club Grand Paris, premier du genre, sans statut ni formalités, les travaux, entamés à 16 h, s’achèvent à 21 h. « J’ai alors invité tout le monde à monter au premier étage où nous attendait un buffet à base de produits du Loir-et-Cher et de vins de Touraine, raconte l’actuel directeur général adjoint de l’entreprise publique Mosinjproekt (chargée de gérer les projets du Grand Moscou). Tout le monde est venu, et en partant, vers minuit, Roland Castro et André Santini chantaient l’International bras-dessus bras-dessous », poursuit-il.
Démineur
Mais on aurait tort de réduire la fameuse « méthode Momo » à un certain savoir-vivre à la française. Le ministre de la Ville rencontre, chaque semaine, la quasi-totalité des acteurs en bilatéral, pour déminer le dossier. « C’était le ministre des burettes d’huile, dit Thomas Hantz, alors membre de son cabinet en charge de la communication. L’une pour assouplir les rouages, l’autre pour mettre le feu », ajoute l’actuel responsable des relations avec les médias de la Société du Grand Paris.
Claude Guéant et Boris Ravignon à l’Elysée – l’implication de Nicolas Sarkozy lui-même est souvent citée comme un facteur clé de la réussite du lancement du projet -, Daniel Canépa, préfet de région, dans sa résidence du 138 rue Saint-Dominique, font partie de ces rencontres hebdomadaires. Les cabinets de la Région et du ministre, Yannick Blanc et Jonathan Sebbane d’un côté, Thomas Degos, Damien Robert et Stéphan De Faÿ de l’autre, échangent également régulièrement, dans un climat de confiance retrouvée.
Maurice Leroy fait de la politique. Il doit gérer les Verts de la Région, Cécile Duflot et Jean-Vincent Placé en tête, hostiles aux deux tracés, singulièrement opposés à ce qu’un métro aille jusque dans les terres encore largement agricoles de Saclay. « Ainsi, en quelques semaines, des gens qui se foutaient sur la gueule arrivent à sympathiser, à se connaître et à échanger. Voilà qui change tout », estime Maurice Leroy. Parmi ces différentes personnalités, beaucoup découvrent à cette occasion qu’ils ont en commun un lien avec le Loir-et-Cher, qu’ils y possèdent une maison, y chassent, y ont de la famille…
Le dispositif fonctionne. L’ancien maire du Poislay parvient même à trouver un accord à l’Assemblée nationale sur le schéma directeur de la région Ile-de-France (Sdrif), qui est alors bloqué. Et le 26 janvier 2011, l’accord est signé. Exit « Grand Paris » et « Arc express », vive le « Grand Paris express » !
« Début janvier, personne n’y croyait, se souvient Thomas Hantz, qui, par deux fois, doit annuler les communiqués rédigés pour annoncer l’accord. « Chacun a compris qu’il fallait faire un pas », résume Jean-Paul Huchon. L’Etat, qui participe largement au financement de la rénovation du réseau existant au travers de son plan de modernisation, a fait comprendre à la Région que, sans avancée de sa part, « il serait difficile d’inscrire ces dépenses (10 milliards d’euros au final) au sein du contrat de plan Etat-Région », comme le rappelle Daniel Canépa.
Le nombre de stations, que Christian Blanc avait imaginé extrêmement réduit, son projet ne visant qu’à relier des pôles économiques – on ne dit plus clusters –, est laissé ouvert dans l’accord. Son nombre sera porté à 68 aujourd’hui. Surtout, le tracé retenu crée une deuxième ligne à l’est et il est convenu de reporter dans le temps le tronçon de la ligne 18 reliant Versailles à Saclay, à la grande satisfaction des élus de Seine-Saint-Denis, Claude Bartolone en tête, vent debout contre le tracé initial de Christian Blanc.
« Je suis fier de ce qui s’est passé ce jour-là », confie Jacques JP Martin, maire de Nogent-sur-Marne, alors président du syndicat mixte Paris métropole. Pour le président du Sipperec, qui figure parmi les pionniers de la construction métropolitaine, la signature de l’accord du 26 janvier 2011 montre « que les élus sont humains ». « Ma fierté, poursuit-il, provient de ce que les élus ont préféré converger sur une solution qui prenait en compte les usages, les besoins des populations à un positionnement politique, théologique ».
(1) Les secrets du Grand Paris, ed. Hermann
Daniel Canepa, alors préfet de Paris, préfet de la région Ile-de-France
« J’essayais d’apaiser les tensions »
« On connut trois phases : le Triangle des Bermudes avec Christian Blanc, un début de réchauffement avec Michel Mercier et l’irradiation avec Maurice Leroy. En tant que préfet, j’essayais d’apaiser les tensions entre Christian Blanc et Jean-Paul Huchon, parfois très vives. Il s’agissait d’une reprise en main de l’Etat. L’enquête a donné un intérêt beaucoup plus grand au projet de l’Etat. Christian Blanc se méfiait de l’administration d’Etat, alors que j’étais naturellement loyal à mon ministre. Il ne transmettait aucune information, cachait tout. Avec Etienne Guyot, directeur du cabinet de Michel Mercier, avant d’être nommé à la présidence de SGP, on a relancé la machine. Claude Bartolone, alors président de l’Assemblée nationale et du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, a vu là une opportunité de jouer un rôle en favorisant le rapprochement des deux parties. Ce feu sacré manque aujourd’hui, on ne met pas la volonté nécessaire pour créer un choc positif ».
« Fin décembre, personne n’aurait misé sur l’accord »
« Christian Blanc portait une vision de transformation du territoire, là où Jean-Paul Huchon se posait en gestionnaire du quotidien. Entre les deux hommes, les visions étaient donc radicalement incompatibles, tandis que la mésentente était ancienne et profonde. Michel Mercier, dès sa nomination, a totalement investi cette dimension de son portefeuille. Les choses étaient facilitées par la très bonne entente entre Etienne Guyot, son directeur de cabinet, et Yannick Blanc, qui dirigeait celui de Jean-Paul Huchon. Après la nomination de Maurice Leroy, le sujet du Grand Paris a flotté durant une semaine. Nathalie Kosciusko-Morizet avait démissionné du conseil régional pour l’obtenir, mais c’est Maurice Leroy qui le récupère. Fin décembre, personne n’aurait misé sur cet accord. La question du financement se posait également, parce que Bercy avait déjà en travers de la gorge la fiscalité dédiée attribuée au projet et acceptait mal l’idée d’un nouveau financement exceptionnel en faveur du plan de modernisation du réseau existant ».
Thomas Degos, alors directeur de cabinet de Maurice Leroy« Maurice Leroy a maîtrisé l’écosystème de main de maître »
« Je me souviens d’une réunion, le 12 novembre, chez Jean-Paul Faugère, alors directeur de cabinet de François Fillon, Premier ministre. Allez-vous y arriver ? s’interrogeait-on. Il y a avait là Marie-Claire Daveu, directrice de cabinet de Nathalie Kosciusko-Morizet, ou Serge Lasvignes, alors secrétaire général du gouvernement. Mais Maurice Leroy a maîtrisé l’écosystème de main de maître. J’ai eu l’occasion, à cette époque, de faire passer l’idée que dans un projet d’une telle ampleur, qui aurait forcément du retard, il ne fallait pas s’arc-bouter sur la question financière, mais voir grand ».
Thomas Hantz, alors membre du cabinet de Maurice Leroy en charge de la communication « La conscience de travailler pour le temps long »
« 73 jours exactement se sont écoulés entre l’entrée en fonction de Maurice Leroy et la signature de l’accord. C’était le ministre qu’il fallait pour qu’atterrissent sur le territoire la vision de Nicolas Sarkozy et le concept de Christian Blanc. Et comme avec le baron Haussmann mettant en œuvre la vision de Napoléon, le projet s’est transformé en atterrissant. Nous sommes passés à plusieurs reprises au bord de l’implosion. Des communiqués prêts à annoncer l’accord ont ainsi dû être mis à la corbeille et une première conférence de presse, prévue au couvent des Récollets, annulée. Finalement, c’est la salle René Cassin, au sein de l’hôtel de Broglie, 35 rue Saint-Dominique, qui accueillera la signature de l’accord, en présence d’une soixantaine de journalistes, de Nathalie Kosciusko-Morizet, alors ministre de l’Ecologie, du Développement durable, du Transport et du Logement, des maires et des présidents de départements. Aujourd’hui, 10 ans plus tard, toutes les lignes sont en chantier. Et dans 10 ans, le Grand Paris express sera livré : 20 ans, c’est court pour poser une telle armature de développement de la région Capitale. Nous partagions tous un certain état d’esprit : nous avions la conscience de travailler pour le temps long ».
« Un jacobinisme économique très fort »
« Christian Blanc s’était mis en tête de ne prévoir que des gares dans les grands pôles économiques (Cergy, Roissy, Saclay). Notre vision, avec 72 gares, était de procéder au rapprochement des maillages de transport. Tout cela traduisait un jacobinisme économique très fort, un peu comme ce que l’on vit en ce moment, ainsi qu’un mépris insupportable. Je poursuivais pour ma part une vision très décentralisatrice, dans laquelle je pensais que la Région pouvait faire mieux que l’Etat. En tant que directeur de cabinet du Premier ministre Michel Rocard, j’avais été fréquemment énervé de constater qu’en France tout remonte toujours vers Paris. La Région est la collectivité qui dispose des plus importants moyens et possède la taille pour ne pas faire du clientélisme. Je veux souligner l’appui du Val-de-Marne, du président Favier ou du maire de Nogent Jacques JP Martin, qui ont joué un rôle très important dans la popularisation de ce projet. Les communistes ont été constamment positifs, jamais dans l’opposition stérile. Tout comme Roger Karoutchi. Cet accord est ce que j’ai fait de plus important à la tête de la Région ».
« Si on avait appliqué la méthode Momo pour les vaccins, on n’en serait pas là »
« Quand j’arrive, en novembre 2011, c’est la pétaudière, il faut comprendre ça. C’est le débat public tous les soirs, avec l’Etat et la Région qui se foutent sur la gueule, avec les deux projets présentés, concurrents, au public. Je suis plutôt un homme de dialogue, d’ouverture, en Loir-et-Cher mon budget était voté à l’unanimité. Et je connais les détails de la loi de 2010 sur le Grand Paris puisque je présidais la séance de l’Assemblée nationale lors de laquelle elle a été adoptée. Je suis un élu. C’est ma différence avec Christian Blanc. Il était dur. Cassant. Mais sans lui, il n’y aurait pas eu de Grand Paris. Je me suis servi du mécontentement des Franciliens, qui se foutaient des querelles politiques et souffraient du manque et du mauvais entretien des transports. Si l’on avait appliqué la méthode Momo pour les vaccins, on n’en serait pas là ! »
« L’aboutissement d’un long cheminement »
« Cet accord marque l’aboutissement d’un long cheminement, d’une décennie d’études et de débats sur les tracés possibles du supermétro parisien. Des débats lancés dès le début des années 2000 par la RATP, qui entame une vaste campagne auprès des élus et décideurs pour les convaincre de l’intérêt d’un tracé en rocade. En réalité, le débat et les controverses sur le métro de la banlieue parisienne sont plus anciens encore, puisqu’ils remontent au livre blanc publié sur la question par Michel Rocard, alors Premier ministre. Maurice Leroy a fait preuve d’une habileté et d’un sens de la négociation exceptionnels. Cet accord un rien inespéré nous rendît tous heureux, évitant qui plus est l’ouverture d’une nouvelle commission d’enquête publique. Cela même si les architectes de l’AIGP, à l’instar de Jean-Marie Duthilleul, maugréèrent de voir que leur proposition d’un métro aérien avait été enterrée ».
« Nous serons dans la rame le jour de l’inauguration »
« Quel que soit l’âge que nous aurons, nous serons dans la rame le jour de l’inauguration du Grand Paris express. L’accord du 26 janvier 2011 symbolise aussi, à mes yeux, l’affirmation d’un changement majeur de conception de la banlieue et des banlieusards. Tout comme quand Bertrand Delanoë est venu à Nogent, en octobre 2008, pour créer officiellement la conférence métropolitaine, au Pavillon Baltard, conférence qui deviendra Paris métropole puis le Forum métropolitain du Grand Paris. Cela signifiait, selon moi, la fin d’une conception de la banlieue parisienne comme un réservoir de travailleurs pour la capitale, vivant au rythme du “métro, boulot, dodo”, mais de leur prise en compte comme des habitants du Grand Paris, ce pourquoi nous nous sommes toujours battus. Plus tard, savoir que 30 milliards d’euros allaient être consacrés à la banlieue nous donna un peu de l’amour-propre que nous avions perdu. Cela signifiait que nous comptions autant que les Parisiens ».
« Une leçon de démocratie »
« A certains endroits, où les tracés étaient réellement différents, des réunions distinctes furent organisées, mais à d’autres endroits nous avions une réunion commune pour les deux projets. Et dans celles-là, il fallait parfois de bons yeux pour distinguer les deux tracés, d’autant plus que le projet Arc express comportait un grand nombre de variantes… Les gens avaient le sentiment qu’on leur demandait de choisir entre deux projets et ils se fichaient bien de savoir qui était le maître d’ouvrage de quoi : après 30 ans de sous-investissements dans les transports, ils réclamaient qu’on se mette d’accord au plus tôt et qu’on avance vite ! Je me souviens en particulier d’une réunion publique à Montfermeil en décembre, de 20h à 23h, dans un gymnase comble malgré un froid de canard. Les seules questions c’étaient “Comment on peut vous aider à aller plus vite ?”. Ce soir-là, on aurait pu distribuer des pelles et des pioches à la sortie. Il est à noter, évidemment, que suite à l’accord, la multiplication par deux du nombre de stations et l’ajout de quelque 80 km de voies au réseau n’ont pas été insensibles dans l’augmentation du budget global du projet ».
« Christian Blanc a donné un coup de boost à l’Ile-de-France »
« L’ambition de Christian Blanc était de bâtir un métro pour un siècle, vecteur de développement territorial. Contrairement à ce que l’on dit, Christian Blanc a beaucoup consulté avant d’établir le tracé. Il s’est beaucoup appuyé sur les maires et les présidents de départements. Il avait la certitude que ce n’est pas avec la technostructure telle qu’on la connaît qu’on parviendrait à accoucher d’un projet aussi ambitieux. Certains technos de l’Etat étaient favorables au tracé de la Région, car le projet d’Arc express se construisait en partenariat avec l’Etat local et les services du ministère des Transports. En juillet 2010, après l’affaire des cigares, on se retrouve orphelin de portage politique. Le Grand Paris était le cadet des soucis de François Fillon, alors Premier ministre. Le réseau de transports francilien souffrait d’un sous-investissement chronique, rien n’avait été construit depuis la ligne 14. Au Parlement, Gilles Carrez nous a beaucoup aidé pour sécuriser le financement du Grand Paris express ».
« La vision régionale était précisée dans le Sdrif »
« La nomination de Christian Blanc au développement de la Région capitale a repolitisé le débat autour du développement de l’Ile-de-France. Outre les deux projets d’Arc express et de Grand Paris, la RATP avait aussi conçu son propre réseau “Métrophérique” et le Val-de-Marne soutenu Orbival.
La vision régionale était précisée dans le fameux le schéma directeur de la région Ile-de-France (Sdrif), qui avait pourtant été élaboré dans une quasi-indifférence générale. C’était pourtant la première fois qu’un document de cette ampleur posait clairement la question de la densification, avec les fameuses pastilles. Le schéma prônait l’amélioration prioritaire des transports existants, l’agriculture durable ou encore la limitation de l’artificialisation nette : à plein d’égards, c’était un document moderne et actuel mais pour l’Etat, le Sdrif n’était pas assez ambitieux sur un plan économique ».