28 Novembre 2019
Sur Le Monde.fr cet article sur LVMH montre comment la vague luxe/mondialisation emporte la société. Et pour Paris la mutation de la ville: commerces, hôtels, spécialisation, tourisme, loisirs, musées privés.... " Le numéro un mondial du luxe LVMH a enregistré en 2018 une nouvelle année "record" avec des ventes au plus haut à 46,8 milliards d'euros, en croissance de 10%, et un bénéfice net en hausse de 18% à 6,4 milliards d'euros" C'est à dire presque le budget annuel de la Ville de Paris........Comment résister?
« Le groupe LVMH est un résumé des paradoxes français »
Philippe Escande
La France pleure son industrie disparue, mais l’une des premières industries européennes est française. Et LVMH prospère dans un domaine où cette qualification est un gros mot, et dans un pays qui se veut l’ennemi des riches. Le groupe construit en quarante ans par Bernard Arnault est un résumé des paradoxes français.
Au seuil des années 1970, Louis Vuitton est un petit malletier de renom employant près de 100 personnes. C’est aujourd’hui un groupe mondial de plusieurs dizaines de milliers d’employés dans le monde et la tête de pont de la première multinationale du luxe. En une génération, une profession artisanale, fière de sa petitesse et de sa rareté, joue dans la cour des grands. Le luxe et la mode emploient plus d’un million de personnes en France pour près de 150 milliards d’euros de chiffre d’affaires, mieux que l’aéronautique ou l’automobile.
Dans son récent et passionnant livre, Le Luxe à la conquête du monde (Miss Tweed Editions, 2019), la journaliste Astrid Wendlandt raconte cette montée en puissance improbable. Avec sa première génération de conquérants, comme Alain Dominique Perrin (Cartier), Jean-Louis Dumas (Hermès) ou Yves Carcelle (Louis Vuitton). Ils ont compris, comme Chanel, que le charme français pouvait ravir les cœurs japonais, puis coréens, puis chinois. L’industrie du luxe est pourtant un oxymore parfait. Cette catégorie affamée d’exclusivité ne peut se dissoudre dans la production de masse qu’en perdant son âme. Et pourtant le succès est immense, et se poursuit aujourd’hui dans le monde émergent, de l’Indonésie au Brésil, prospérant sur l’explosion des fortunes. Une forme de démocratisation du luxe qui ne veut surtout pas apparaître comme tel et préserve jalousement ses magasins exclusifs et ses prix stratosphériques.
Prédateur exceptionnel
Personne n’a mieux compris ce phénomène que Bernard Arnault, tacticien de génie et prédateur exceptionnel. Il agit comme un collectionneur, avec patience et méthode. Les Français adorent détester ce personnage, lui aussi paradoxal, introverti et provocateur, qui représente à la fois la réussite et le pouvoir de l’argent.
Il comprend aujourd’hui que le monde change à nouveau. Le luxe devient expérience, il achète des palaces. Il était faible dans la joaillerie, activité capitalistique mais plus stable que la mode, il s’invite aux premières places. Rajoutant toujours plus de perles à son collier. Le conglomérat LVMH est aujourd’hui spectaculaire, mais résistera-t-il au passage des générations (Bernard Arnault a 70 ans) et à la nouvelle conscience environnementale qui de plus en plus rejette l’ostentatoire ? C’est le paradoxe ultime de cette activité qui, comme l’art, tente de faire de l’inutile le bien le plus précieux au monde.