20 Juin 2018
La question du Grand Paris, c’est la disparité entre le charme de certains lieux et la violence de certains autres »
13 juin 2018
Roland Castro en dit un peu plus sur le contenu de sa mission, et ses convictions sur le « Paris en Grand », sur lequel il rendra ses propositions au président de la République le 31 juillet prochain.
Où en êtes-vous au lendemain de la lettre de mission que vous a adressé Emmanuel Macron sur le Grand Paris ?
Nous avons déjà effectué un travail sur le Grand Paris en 2017 avec, par exemple, Jean Nouvel, Christian de Portzamparc ou Michel Cantal-Dupart. Depuis, Dominique Alba, la directrice générale de l’Apur, m’aide beaucoup, afin que nous puissions formaliser notre propos par quelques cartes significatives.
« Le président aura dans les mains, c’est du moins notre tentative, le meilleur de ce que l’on peut tirer de ce territoire », indique Roland Castro. © Jgp.
Plusieurs réunions de travail thématiques sont prévues chez le préfet. Notamment sur la traduction législative de nos propositions. Je pense en particulier à la question des rez-de-chaussée. Il faut en finir avec le zonage, et rendre les rez-de-chaussée transformables entre activité et habitat. Il y a également la question des zones inondables, mais aussi des lois « archéo-hygiénistes » qui interdisent les cafés aux abords des lycées ou la question des plans d’exposition au bruit. Il existe une série de questions législatives sur lesquelles je souhaiterais que l’on puisse bouger. Sur un certain nombre de questions, il faut une loi qui décoince, et qui pourrait s’appliquer dans toute la France.
Vous comptez associer largement les élus et la société civile à votre mission ?
Je vais rencontrer tous les maires d’Ile-de-France en effet, les représentants des différentes institutions, mais aussi les artistes, les architectes, les paysagistes, pour arriver à montrer les capacités que l’on a pour transformer ce territoire. Nous souhaitons, par ailleurs, organiser une grande réunion publique sur les parcs et jardins, dans le cadre d’un travail d’ensemble de la mission « Paris en Grand » sur ce sujet, la question des terrasses plantées, des terrasses pour chacun. Nous avons le projet de créer une vraie métropole-jardin, une oasis climatique. Nous n’avons pas beaucoup de temps, mais je travaille avec des gens qui ont réfléchi sur ces questions depuis longtemps – c’est aussi mon cas – , qui ont pas mal d’idées, des ambitions assez précises, comme celle d’en finir avec les grands ensembles, d’arriver à la fin de tout ça, d’aboutir à ce qu’un ministère de la Ville ne soit plus nécessaire, mais que n’importe quel quartier de la métropole soit beau et attractif. Tout cela doit nourrir la réflexion du gouvernement sur ses choix en matière de gouvernement de l’Ile-de-France.
Quel lien établissez-vous entre les problématiques d’urbanisme et la réorganisation – simplification du millefeuille territorial ?
D’abord, il faut que chacune des feuilles du millefeuille travaille avec les autres, d’autant plus qu’il y a désormais moins de crème et plus de feuilles. Il faut également lutter contre les prés carrés. Que le port autonome ne nous raconte pas que la Seine lui appartient ! La Seine appartient à tous les rêveurs du Paris en Grand. Si l’on parvient à donner envie de cette mutation aux habitants, alors ils seront les premiers à demander une simplification du millefeuille.
Le président aura dans les mains, c’est du moins notre tentative, le meilleur de ce que l’on peut tirer de ce territoire. Il faudra en conclure la manière de gouverner qui soit la plus intelligente, la plus efficace possible, sans qu’elle soit noyée dans les concertations entre les différentes couches du millefeuille.
Vous allez formuler des propositions visant une réduction des inégalités ?
Comme le dit mon ami Jean-Paul Dollé, il n’existe pas de démocratie du laid. Les endroits les plus moches sont ceux où l’on vote le moins, où il y a le plus d’exclusion, de communautarisme. Une des grandes ambitions du Paris en Grand et d’en finir avec tout ça. J’ai quelques idées sur la question. Bien sûr. C’est un des sujets sur lesquels nous allons travailler le plus. En 2005, lors des émeutes, j’ai constaté que les quartiers que j’avais transformés n’avaient pas connu de violences. Je sais que la beauté, d’un certain point de vue, pacifie. Après, il faut convaincre, il ne faut pas raisonner en termes de clientèles électorales. Il existe encore des élus qui pensent que les propriétaires votent à droite et les locataires à gauche. C’est dramatique. Il faudra en parler clairement et publiquement. La politique urbaine ne doit pas être conçue par les élus pour le confort de leur réélection. Ce sont des questions sérieuses.
Quel est, selon vous, le périmètre pertinent ?
C’est la zone Insee, celle dans laquelle moins de 200 mètres séparent les morceaux de ville. Mais la question n’est pas celle du périmètre. Le problème, c’est justement que ce Grand Paris doit être attentif à la cohésion des territoires. Y compris avec les villes des cathédrales, autour de Paris [Chartres, Reims, Beauvais…, NDLR], qui vont souvent très mal.
Vous défendez un Grand Paris jusqu’au Havre ?
C’est un problème d’aménagement du territoire. C’est une très bonne idée, mais ce n’est pas à proprement parler « Paris en Grand ». La question du Grand Paris, c’est beaucoup plus l’ampleur de la disparité entre le charme de certains lieux et la violence de certains autres, parfois à un kilomètre de distance. Je crois que beaucoup de projets vont concerner des chapelets de communes. Celles de la Seine-amont, par exemple, vont travailler ensemble pour réaliser tous les franchissements nécessaires, en se moquant de savoir si l’on se trouve dans un département ou un autre. C’est aussi vrai pour les 10 communes qui entourent Orly, qu’elles soient situées dans l’Essonne ou le Val-de-Marne. Il faut, par ailleurs, évidemment mutualiser davantage la ressource fiscale. La dernière fois que l’on a fait des choses bien en Ile-de-France, c’est du temps du département de la Seine, quand Henri Sellier prenait des ressources en son centre pour financer des projets de logement en périphérie.
Quel regard portez-vous sur les « Réinventer » et « Inventons » ?
Ce sont des petits points d’acupuncture, des petits points d’énergie, un peu comme les sorties de gare, qui sont ponctuelles. Mais c’est déjà ça. On peut travailler à partir de cela. Cela a constitué un modèle beaucoup plus intéressant que celui consistant à demander aux opérateurs d’appliquer un programme déjà établi. Cela a permis de réaliser des choses beaucoup plus intéressantes que les procédures habituelles.
Etes-vous, comme certains, nostalgique d’un urbanisme programmatique orchestré davantage par la puissance publique ?
La puissance publique, si elle veut être puissante et publique, il faut simplement qu’elle se montre intelligente. Qu’elle ne soit pas une puissance publique mise au service d’un pervers privé. Les pervers privés qui utilisent la puissance publique pour servir leurs seuls intérêts nous désolent. Il en sera question dans mon rapport.