Pour l’adjoint à la maire de Paris en charge de l’urbanisme, l’élaboration du Schéma de cohérence territoriale par la métropole doit être l’occasion pour elle d’affirmer une ambition qui transcende les égoïsmes communaux. Une ambition sans laquelle elle donnerait du grain à moudre à ses détracteurs.
Pourquoi Paris va-t-elle adopter une plateforme de propositions pour un projet métropolitain, à l’occasion de la réalisation de l’élaboration du Schéma de cohérence territoriale (Scot) de la MGP ?
On a beaucoup parlé, jusqu’à présent, du volet institutionnel, de la gouvernance, en oubliant parfois le projet, que le Scot permet de remettre au premier plan. Cela donne aussi la possibilité de développer un récit commun sur la métropole, en offrant à Paris l’occasion de prendre la parole. Le schéma de cohérence territoriale constitue un élément essentiel du projet global de la métropole du Grand Paris. Il ne couvre pas tous les sujets, mais il permet de lancer le débat sur le fond.
Dans cette période de très grande incertitude institutionnelle, ce texte doit pouvoir survivre à toutes les évolutions potentielles de la métropole. S’il s’agit d’un filet d’eau tiède, non seulement il ne survivra pas à la métropole, mais il pourra contribuer à l’enfoncer. La MGP doit, au contraire, se montrer capable de produire un document qui pose un vrai débat à l’échelle métropolitaine, et ne se contente pas de consensus mou. Elle doit parvenir à transcender les logiques partisanes.
Cela conditionne son existence même ?
Je pense, en effet, que la métropole doit encore apporter la preuve de son utilité. Si vous produisez un Scot totalement invisible, inodore, incolore et sans saveur, vous confortez ceux qui disent que la métropole ne sert à rien. Il faut que chaque niveau, chaque élu, prenne conscience de sa responsabilité dans la gouvernance partagée.
Pensez-vous disposer d’une majorité au sein de la métropole pour adopter un Scot ambitieux ?
Lorsque l’on examine le point de vue des différents maires de la métropole, on se rend compte que les lignes de clivages sont territoriales, entre l’Est et l’Ouest, mais aussi générationnelles, avec des jeunes maires, de droite, qui sont en réalité sur des positions proches des nôtres. On voit aussi qu’il peut se créer de véritables majorités d’idées, ou de projets. C’est ce qui nous a poussé à nous investir sur un texte un peu substantiel, qui constitue la contribution de Paris au schéma de cohérence territoriale. On saura si nos positions entrainent une majorité de conseillers métropolitains lors du débat, à l’automne prochain. Mais ce que je sais, c’est que, par exemple, la position de Jacques JP Martin, président de Paris Est Marne et Bois, partisan d’un Scot peu prescriptif, n’est pas partagée par l’ensemble des élus LR.
Quel sera le degré de prescription de ce schéma, notamment en matière de densification urbaine, honnie de certains maires ?
Il faut rappeler que le Scot comprend deux parties : le Plan d’aménagement et de développement durable (PADD), qui précède le Document d’orientation et d’objectifs (DOO). L’un contient les orientations stratégiques, l’autre des éléments territorialisés, auxquels les plans locaux d’urbanisme (PLU) devront se conformer. Nous sommes, pour notre part, favorables à ce que le Scot favorise un rééquilibrage Est-Ouest, entre les bassins d’emplois et de logements. Cela doit être un des enjeux majeurs de ce texte, et faire l’objet d’un certain nombre de contraintes. Nous souhaitons, par ailleurs, que ce schéma soit évolutif, que ce ne soit pas une cathédrale figée mais au contraire un document d’orientation sur lequel on peut intervenir à la marge, dans un esprit d’agilité.
Vous proposez d’étendre certaines mesures prises par Paris à l’ensemble de la métropole ?
On peut, par exemple, imaginer que ce que nous avons mis en place dans le PLU de Paris pourrait être étendu à l’échelle métropolitaine. Je pense, par exemple, au fait qu’à Paris, la surélévation des immeubles de bureaux de plus de 800 m2 doit être du logement pour 90% de la surface ajoutée. Cette règle ne s’impose que dans les zones déficitaires, ce qui est une manière de favoriser un rééquilibrage. L’environnement, tout comme la mobilité, même si ce dernier sujet n’est pas une compétence de la métropole, fait partie de la stratégie de droit à la ville que nous promouvons, de lutte contre l’enclavement et la ségrégation. On voit bien que sur tous ces sujets, il est absolument nécessaire de mettre en place des idées nouvelles, fortes, et de les traduire par des engagements. Le Scot doit être juridiquement opposable.
On a beaucoup hésité, lors des débats parlementaires tenus en amont de la création de la métropole, à transférer les PLU communaux à la MGP. Je faisais partie de ceux qui considéraient que c’était alors prématuré. En revanche, on ne peut pas imaginer que l’urbanisme ne soit qu’une affaire de communes. Notamment parce que beaucoup de problèmes à résoudre se posent sur les zones frontières, qu’il s’agisse de frontière physique, comme le périphérique, ou administrative, entre deux départements, deux territoires.
Quelles sont vos propositions en matière de mobilité ?
Daniel Guiraud, vice-président de la métropole délégué à la mise en œuvre de la stratégie environnementale porte un Plan climat air énergie métropolitain (PCAEM) qui va fort logiquement élargir la zone basse émission (ZBE) à l’ensemble de la métropole. Cela suscite des débats. Je pense que nous devons également, dans le cadre du Scot, définir une stratégie globale concernant le logement, qui s’articule avec les bassins d’emploi, l’accès aux aménités et le besoin de mixité sociale dans tous les territoires. Le droit à la ville, que ce soit l’accès aux services publics de l’enseignement, de la santé ou de la sécurité, marqué par de très fortes disparités au sein de la métropole, figurent aussi parmi les sujets qui doivent être mis sur la table, dans le cadre du Scot.
Quel est votre regard sur le Plan métropolitain de l’hébergement et de l’habitat (PMHH) que la métropole est également en train d’élaborer ?
Certains estiment, pour le regretter, que le PMHH se contente d’ajouter du logement social là où il y en a déjà. C’est un vrai sujet. Il faut que le logement social soit présent dans tous les territoires métropolitains, de même que l’hébergement d’urgence. Il faut que la densité soit également présente sur l’ensemble du territoire. A un moment donné, le principe selon lequel chacun fait ce qu’il veut au niveau de sa commune ne sera plus tenable. Sinon, autant renoncer à une gouvernance métropolitaine.
Ces ambitions sont-elles compatibles avec la gouvernance partagée qui fait la marque de fabrique de la métropole ?
Je pense qu’il y a plusieurs façons d’interpréter la gouvernance partagée. Pour moi, cela ne signifie pas que chacun peut faire ce qu’il veut dans son coin. La gouvernance partagée, c’est bien plutôt le fait que des élus sont capables de dépasser les égoïsmes territoriaux et de prendre conscience qu’il existe des impératifs métropolitains. Si l’on en n’est pas capable, alors nous serons forcés de passer à une gouvernance de surplomb. Autrement dit, une gouvernance partagée ne revient pas à affirmer qu’il n’existe pas de décision métropolitaine qui transcende le point de vue des territoires. Ou alors cela revient à dire qu’il n’y a pas de métropole. Je suis donc très favorable à la gouvernance partagée, plutôt hostile à la gouvernance de surplomb, mais il faut quelque chose que les Anglo-saxons nomment « Duty to cooperate », soit l’obligation de coopérer, et l’obligation de trouver des solutions aux problèmes qui se posent à l’échelle de la métropole. Qu’il s’agisse de question de qualité de vie, d’accès aux services publics, de lutte contre les inégalités et la ségrégation territoriales, des questions de développement économique ou de gestion de la mobilité.