29 Mai 2017
Relever le défi de la culture et de l’implication des citoyens usagers du Grand Paris
Entretien avec
Pierre Mansat
Dans le cadre du Grand Paris, quel bilan établissez-vous des projets mis en œuvre ces 8 dernières années en Île de France, notamment en termes de logements et de transports ?
Je crois que ce qui s’est passé ces dernières années est tout à fait exceptionnel. En effet, des projets restaient dans des cartons depuis des dizaines d’années dont, notamment, celui de métro en rocade autour de Paris qui était pourtant déjà prévu dans le Livre blanc de Michel Rocard en 1988. Grâce à l’action des élus, de la RATP, de Christian Blanc, de Maurice Leroy et de l’ensemble des Maires réunis dans Paris métropole, la réalisation de ce métro automatique est devenue une réalité. Nous avons ainsi réussi à faire émerger une future infrastructure structurante pour des millions d’habitants du Grand Paris. Du point de vue du logement et de l’urbanité, là encore, un mouvement a été créé. Pour la première fois depuis des décennies, le nombre de logements qui sera mis en chantier a atteint des records : près de 80 000 en 2016. A ce titre, le Préfet de Paris, Préfet d’Île de France Jean-François Carenco soulignait que, depuis 1997, nous n’avions pas atteint un tel chiffre. Enfin, plusieurs dizaines de projets de toutes natures, sur des espaces de quelques centaines de mètres ou de plusieurs hectares, se développent dans l’ensemble de la métropole parisienne, à Paris comme dans la première et la grande couronne. Cet élan formidable s’est inspiré, sans doute insuffisamment mais pour une part notable, des travaux des architectes-urbanistes de la consultation du Grand Paris de 2008.
Estimez-vous que les grands enjeux pouvant permettre au Grand Paris de devenir une éco-métropole sont suffisamment pris en compte ? Par exemple, les récents pics de pollution à Paris génèrent-ils de nouvelles réflexions plus ambitieuses pour la qualité de l’air respirée par les franciliens ?
Il est clair que le changement climatique est un changement de paradigme considérable. Il en existe, bien entendu, d’autres très importants comme les mutations du travail ou la révolution numérique mais la lutte contre le réchauffement climatique induit une nouvelle vision du monde, essentielle, pour l’ensemble des politiques publiques. J’ai le sentiment que, pour l’instant, nous avons une minorité agissante d’élus dont fait partie, de manière très offensive, Anne Hidalgo. La Maire de Paris a pris la mesure de ce changement de paradigme et s’efforce de mener des politiques publiques qui répondent à cet enjeu. Néanmoins, j’estime que des progrès sont à réaliser afin que la grande masse des décideurs prenne conscience de cette nécessité d’avoir des politiques en matière de lutte contre la pollution et d’amélioration de la qualité de l’air , de lutte contre les îlots de chaleur, d’amélioration de la mobilité, notamment active (marche et vélo), d’isolation des équipements publics mais aussi des logements, etc. Il reste ainsi encore un palier à franchir mais je pense que c’est en cours, la prise de conscience est en train de s’établir. A cet égard, les pics de pollution révèlent une réalité permanente assez dramatique. Nous savons en effet que l’espérance de vie d’un habitant du Grand Paris est inférieure de 6 mois par rapport à la moyenne nationale. Comme sur un carnet de notes, nous pourrions ainsi écrire : Beaucoup de progrès mais doit encore faire des efforts.
A ce titre, la construction de Grand Paris Express ne risque-t-il pas de nuire aux efforts à produire en matière de déplacements routiers ?
Ce réseau de métro automatique va modifier les mobilités et soulager le réseau du métro parisien. Cela permettra aussi à des habitants de se déplacer sans être contraints de passer par Paris. Surtout, 95% des habitants se situeront alors à moins de 2 kilomètres d’une gare du Grand Paris ou RER. Cela va donc modifier les habitudes de comportements, notamment ouvrir la voie à des déplacements en vélo dès lors que la distance à parcourir est très facilement réalisable via ce type de transport. Donc, il faut prendre la mesure de l’ampleur de l’impact de ce nouveau réseau mais il faut aussi, dans tous les autres domaines, ne pas se reposer sur ce seul projet et mener des politiques audacieuses. Je pense en particulier à celle menée par la Mairie de Paris qui vise à réduire la circulation automobile et la place accordée aux voitures dont nous connaissons le rôle majeur qu’elles jouent dans la pollution de l’air dans le Grand Paris.
Par ailleurs, le Grand Paris semble parfois se réduire à un nouveau réseau de transport et des nouveaux logements autour de nouvelles gares dédiés au développement économique. Selon les travaux menés par l‘AIGP, quelle place doit occuper, ou occupe, la culture dans ce projet ?
L’histoire s’est ainsi faite que c’est effectivement le métro automatique qui l’emporte en reconnaissance, en notoriété et en connaissance auprès des habitants. Pourtant, il se passe beaucoup d’autres choses dans de nombreux autres domaines que mènent, notamment, la Métropole du Grand Paris. Son président, Patrick Ollier, et sa 1ère Vice-Présidente, Anne Hidalgo, ont décidé, bien que cela ne soit pas de la compétence de la Métropole, qu’il y aurait une Vice-Présidente chargée du développement culturel. Madame Danièle Premel a été nommée à ce poste. L’enjeu est d’arriver à créer une adhésion des grands parisiens au projet du Grand Paris et, en ce sens, la culture est essentielle. Le développement culturel doit s’attacher à l’écriture d’un récit permettant cette identification, produisant des espaces de vivre ensemble et des façons différentes de penser l’avenir du Grand Paris. A ce titre, je crois que l’exemple de la Société du Grand Paris (SGP) devrait inspirer tout le monde puisque, à travers l’équipe de Jérôme Sanz et de José-Manuel Gonçalves, elle met en œuvre un projet culturel autour du développement du métro automatique. La culture doit s’imposer comme le fer de lance de la réalisation du Grand Paris.
Comment se projet s’inscrit-il aussi dans une ambition d’inclusion de tous les habitants de la métropole ? Comment éviter les inégalités territoriales qui existent encore mais aussi inviter justement tous les habitants à être des acteurs du Grand Paris ?
Avec la culture, cette dimension est essentielle. Je crois que la création de tous les débats de fond, institutionnels, a été réalisée dans une forme d’opacité dès lors que le grand public n’a pas été associé à ces réflexions. Quelques tentatives en ce sens ont néanmoins été faites par la Mairie de Paris et Paris Métropole qui ont organisés des débats publics. Cela ne représente toutefois qu’une goutte d’eau pour les millions d’habitants de ce Grand Paris. Le défi qu’il faut absolument relever aujourd’hui est celui de la participation citoyenne et de l’implication des habitants, des citoyens usagers du Grand Paris. C’est indispensable si nous ne souhaitons pas que cette métropole connaisse la destinée de ces institutions qui ont été conçues « loin des yeux, loin du cœur » et qui rencontrent aujourd’hui un fort désamour de la part des citoyens. 2017 est donc une année charnière pour l’implication citoyenne dans les projets du Grand Paris.